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20 octobre 2017

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On aimerait tous que ça change sans vouloir nous avouer qu’en fait on ne veut surtout pas que ça change.

Tweet de BFMTV où Macron dit : «La police de sécurité au quotidien, ce n'est pas jouer au foot avec les jeunes»

Comme un air de déjà vu

Alors du coup, les hommes politiques — dont le boulot, intrinsèquement, est de nous caresser dans le sens du poil pendant la période des promesses qui n’engagent que ceux qui y croient — nous vendent du changement à la criée et se vautrent dans le psittacisme systématique une fois aux manettes.

On a toujours envie que ça change, mais dans le bon sens, c’est à dire en mieux. Et donc, majoritairement, nous organisons nos vies dans le plus parfait conservatisme : on cherche un boulot pérenne, des amis pour la vie, un amour qui dure toujours, une maison bâtie pour traverser le temps et les générations.
Et ensuite, on s’y fait bien, bien chier.

Je me souviens d’un ami qui m’avait dit au sujet de sa séparation que ce qui l’abattait le plus, c’est que ce n’était pas prévu au programme, que lui, ce qu’il voulait, c’était qu’ils vieillissent ensemble. Ce qui m’avait frappée à ce moment-là — en dehors du fait que la précarité de l’existence finit toujours par inviter ses gros sabots boueux sur le tapis de notre petit salon bourgeois — c’est qu’en fait, cet ami aspirait sans le savoir, à seulement la moitié théorique de sa vie, à déjà vivre dans l’endroit où il comptait mourir, à déjà connaitre le dernier visage sur lequel il poserait ses yeux.

Sauf qu’en vrai (et cela vaut pour l’écrasante majorité d’entre nous), il mourra très probablement dans l’austérité froide d’un lit d’hôpital, le regard perdu sur le mur de sa chambre peinte de cette couleur sans nom qui unifie tous les mouroirs de la planète.

L’autre face du changement

La vie, c’est le changement, de toute manière, qu’on le veuille ou non. Ce sont les surprises, les retournements, les coups du sort et les coups de pot, des ruptures, plus ou moins soudaines, plus ou moins insondables, le plus souvent irréparables. Même quand il ne se passe rien, il se passe quelque chose. Il suffit d’être un peu attentif devant son miroir et on voit bien que ça bouge.

Mais on a toujours ce manque, là, en train de nous ronger le foie ou de nous jouer avec la glotte. Cette parfaite insatisfaction latente. Le seul truc qui nous mobilise, c’est le désir, c’est l’envie, c’est l’expectative. Être plus grand, plus beau, plus riche, plus installé, avoir le job qui va bien, être aimé en retour, avoir cette maison, ce mode de vie, ce type de loisirs.
Et puis on y arrive… ou pas. Mais dans tous les cas, c’est l’insatisfaction qui guette.

Des fois, je me dis qu’avoir atteint ses objectifs, c’est peut-être encore ce qui peut nous arriver de pire. Parce qu’on a cavalé comme des fous pendant tout ce temps, déployé une énergie phénoménale, accepté des compromis pleins d’amertumes, et puis d’un seul coup, c’est bon, on y est. Et là, j’ai comme l’impression qu’à de très rares exceptions, nous ne sommes pas vraiment câblés pour apprécier pleinement le fait d’être juste arrivés. Un peu comme si le moteur avait calé et qu’il ne restait plus qu’une inertie sans fin et sans frottements.
Sauf que rien n’est sans fin et que le changement finit toujours par nous rattraper.

Changer de perspective

Personnellement, je suis très à l’abri de la satisfaction et de la vacuité de l’existence du parvenu. Comme beaucoup de mes concitoyens, je n’aime pas vraiment la vie que je mène, j’aspire à autre chose, mais en même temps, quand bien même j’aurais en main les leviers du changement (ce qui n’est pas le cas, je vous rassure tout de suite), je ne suis pas certaine de les empoigner fermement et avec une joie sauvage. Il y a certes plein de choses que j’aimerais changer, comme mon statut social, mon compte en banque, mon lieu de vie, mais en même temps, il y a d’autres choses auxquelles je ne renoncerais pour rien au monde : les gens que j’aime et avec lesquels je partage tout ou partie de mon existence, une certaine forme d’indépendance d’esprit, une certaine stabilité d’existence.

Selon les standards de mon pays et de mon époque, j’ai complètement raté ma vie et je suis à un âge où je suis déjà passée en pertes et profits. Je dirais qu’il s’agit-là du gros de moteur de changement.
D’un autre côté, selon les standards de l’ensemble de mon espèce, cette petite vie pas si glorieuse ici et maintenant est probablement dans les 5 % des plus réussies de tous les temps. Tous mes besoins vitaux sont garantis jusqu’à présent, même si la précarité grandissante qui est infligée à notre société tend à obscurcir quelque peu les perspectives de maintenir cette félicité physiologique jusqu’au terme de mon existence. Vie affective, vie sociale, vie intellectuelle… rien dont je peux me plaindre.

C’est lors de la guerre civile en Yougoslavie que j’ai compris que le changement n’était pas forcément désirable en soi et que la vie, ce n’était pas forcément l’œuvre de « Monsieur Plus ». Je ne me souviens plus où j’avais raconté mon effroi de découvrir comment, en si peu de temps, la vie de ces gens si semblables à nous, avait pu basculer aussi brutalement dans l’horreur. Un jour, tu te fais chier dans ta petite vie bien tranquille et bien étriquée et une poignée de jours plus tard, tu as tout perdu, toutes ces choses qui t’ennuyaient tant et que tu ne retrouveras plus, et tu ne dois ta survie qu’au fait d’avoir su bricoler une recharge à briquets avec une bonbonne de gaz, devenu le bien le plus précieux à 300 km à la ronde.

Plus près de nous, il y a les Syriens (et les autres errants déracinés de la guerre) dont beaucoup — avant ! — devaient bien avoir envie de la grosse voiture ou de la grande maison du voisin et cultiver ainsi leur amertume et leur désir de changement. Aujourd’hui, je pense que si on leur proposait de revenir à leur vie d’avant, même à moitié moins bien, ils penseraient que ce serait là bien plus qu’un changement, ce serait une bénédiction.

Prends garde à ce que tu souhaites, ton vœu pourrait bien être exaucé…

 

48 Commentaires

  1. Bien dit!
    Comme d’hab’
    Toujours du plaisir à vous lire.

    Réponse
  2. Comment ça « vous avez raté votre vie » ?
    Pas de grosse montre hors de prix à la cinquantaine ?
    C’est dommage non ?
    Pour le reste, je n’ai rien à ajouter…

    Réponse
    • Tout est relatif, mais dans la France de 2017,
      Je suis rien

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  3. Un « rien » lucide vaut mieux qu’un « marcheur » à la recherche de… va savoir quoi.

    Réponse
  4. L’amour de la vie est presque toujours le contraire de l’amour d’une longue vie. » (Roger Nimier)

    Réponse
  5. Le billet dit TOUT sur fond blanc, c’est à cire le contraire du commentaire sur fond noir,
    ce « RIEN » qui est si relatif (à une certaine France grise de l’actualité 2017…)

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  6. Cette éternelle envie d’être ailleurs, d’autre chose, d’autrement, je l’ai toujours expérimentée et j’ai compris qu’elle ne me quittera jamais. Content alors de pouvoir me reconnaître dans votre texte, moi à qui on a sans cesse reproché de n’être jamais content, me citant en exemple d’aucuns qui se contentaient de leur sort, qui de toute leur vie n’ont connu que ce village-rue, cette cité, ce quartier, cette ville, ce port, cette vue sur le mur d’en face.
    On se cherche du durable dans quoi on finit par s’emm… . Y compris dans les liaisons amoureuses. Au point de remettre en cause l’idée même de l’amour. Et si l’autre n’était qu’un repère, au fond, une bouillotte, pour se dire que quand on va rentrer au crépuscule, on ne va pas se retrouver seul(e) entre ses quatre murs ? Peut-être qu’à la longue, toute passion tarie, c’est comme cela. Les concessions à quoi l’on se contraint vis-à-vis de l’autre sont là pour travestir l’érosion des sentiments. Sans quoi on est seul(e) et il est là le véritable échec, cette solitude c’est aussi la rançon de la lucidité, et la lucidité c’est avoir conscience de la vanité de tout ce dans quoi se débattent nos semblables. On devrait garder ça pour soi, donner le change, positiver comme ils disent. Le peut-on ?
    Cette éternelle envie d’être ailleurs, d’autre chose, d’autrement, ne nous remonterait-elle pas des tréfonds nomades de nos origines ? Déjà l’on marchait en quête d’une meilleure terre, abritée des vents, pourvue en eau, en quête d’un toujours mieux. Un jour on s’est arrêté, on a conçu des habitats que l’on a cerné d’enclos, façonné des outils, des poteries. Puis des armes pour se défendre de ceux qui, restés errants, en voulaient à ce qu’on avait accaparé. La guerre était née en même temps que les premières ébauches de la civilisation.

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    • Alceste (20 octobre 2017 à 18 h 36 min)
      (re)lire « Le Choc amoureux » de Francesco Alberoni ?!
      Lorsqu’on tombe amoureux l’autre apparaît toujours plein d’une vie débordante. Il est en effet l’incarnation de la vie dans l’instant de sa création, dans son élan, la voie vers ce que l’on n’a jamais été et que l’on désire être. L’aimé est donc toujours une force vitale libre, imprévisible, polymorphe. Il est comme un superbe animal sauvage, extraordinairement beau et extraordinairement vivant. Un animal dont la nature n’est pas d’être docile mais rebelle, n’est pas d’être faible, mais fort. La grâce est le miracle qu’un telle créature devienne douce à notre égard et qu’elle nous aime.
      Peu à peu, il devient domestique, disponible, toujours prêt, toujours reconnaissant. Ce faisant la superbe bête sauvage se transforme en un animal domestique, la fleur tropicale, arrachée à son milieu, s’étiole dans le petit vase posé sur la fenêtre.
      Plus l’amour naissant s’entête à tout réaliser dans le concret, dans le pragmatique, dans les faits, plus il est condamné à s’éteindre

      «On est plus heureux dans la solitude que dans le monde. Cela ne viendrait-il pas de ce que dans la solitude on pense aux choses, et que dans le monde on est forcé de penser aux hommes» Chamfort

      « On devient beaucoup plus intelligent dans la solitude »

      « La plus grande amitié, comme sans doute la vraie relation d’amour, peut se vivre dans le silence. Partager le silence est sans doute un signe signe sûr de la qualité d’amitié. »

      « La solitude n’est pas un état civil, c’est à la fois un état intérieur et un état d’esprit »

      « La solitude, c’est aussi un état d’esprit, c’est ce qui s’oppose aussi à tout ce qui est grégaire, donc esprit de parti…Donc, l’esprit de solitude, c’est ce goût irrépressible de la liberté et d’être créateur de sa vie… »
      Jacqueline Kelen (sur France Inter le 31 décembre 2014)

      Désolé si c’est (un peu) hors sujet.

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      • « Le Choc amoureux »
        Trop d’antagonismes viennent briser la fête, dommage pour l’ensemble qui en paraît apprêter et pire, consensuel !

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      • La passion, oh oui ! Rien n’est plus vivant que la passion.
        La solitude, tu es taillé pour, ça répond à un choix et tu vas t’y retrouver. Autrement, c’est une mort lente.
        L’idée de la solitude, ce que l’on en dit, ce qu’en disent ceux qui en chantent les vertus, fait l’impasse sur les aiguilles de l’horloge, fondues dans du plomb. La lumière jaune qui tombe du plafonnier sur un lit jamais fait. Les matins pâles, les dimanches torpides, les fériés glaireux. Le sandwich de midi, les repas sautés. Le non-sens.
        C’est affaire de spiritualistes, la solitude. De chasseurs de vent. Dans la parade, genre « ressourcement », « retour sur soi », « introspection », ça vaut pour être dit, soit pour s’en targuer, je n’ai besoin de personne, soit pour donner le change, je me suffis à moi-même. Mais il y a les heures de plomb. Mais il y a le vide.
        La passion, c’est à l’opposé, elle se joue du temps et de l’espace, c’est un brasier, c’est la « danse rituelle du feu » de Manuel de Falla.

        Réponse
  7. Bonsoir à tou(te)s,
    Re-nomadiser par atavisme ? Intéressant point de vue !
    D’ailleurs si notre fonctionnement social s’y prêtait, tout sédentaire velléitaire devrait pouvoir l’expérimenter sans risque pour s’en faire concrètement une idée, avant d’en faire un mode de vie…
    Dans les faits, un lâcher-prise radical s’avère assez souvent sans retour possible, une fois le relationnel socialisant radicalement déconstruit.
    Au final on apprend à se sentir un peu à la fois partout -et nulle part- chez soi.
    A titre personnel, passé « de l’autre côté » il y a déjà quelques années, je confirme qu’on peut s’y faire « bien bien chier » aussi, quoique différemment 😉
    Même si dans mon cas, vivre solitaire en bateau sans forcément devoir bosser ressemble à un pied-de-nez réussi (et ambigu, aussi) à la norme sociale ambiante (macroniste ou autre), avec le recul je pense qu’on ne se coupe pas impunément du groupe d’origine et des préoccupations de ses semblables…
    Principalement parce qu’au fond, le partage reste un moteur essentiel du bonheur personnel.
    Bref réfléchissons-y à deux fois, c’était juste mon humble avis à 2 centimes 🙂
    Merci en tout cas aux contributeurs et à l’esprit du lieu, c’est un plaisir de vous lire, tout en flottant paisiblement…
    Patrick

    Réponse
  8. « On aimerait tous que ça change sans vouloir nous avouer qu’en fait on ne veut surtout pas que ça change. »

    Effectivement car il est vain de croire à changer quoique ce soit autour de nous sans nous changer d’abord pour y parvenir.

    😉

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  9. « Prends garde à ce que tu souhaites, ton vœu pourrait bien être exaucé… »

    Voilà le conte à ne pas suivre car il ne vient de nul part et ne conduit qu’au néant d’où il surgit.
    Ça me fait penser à tous ces fébriles gratteurs de loto chez qui l’inaction est la borne à laquelle ils s’attachent.

    Réponse
  10.  » Tous mes besoins vitaux sont garantis jusqu’à présent, même si la précarité grandissante qui est infligée à notre société tend à obscurcir quelque peu les perspectives de maintenir cette félicité physiologique jusqu’au terme de mon existence. »

    C’est en cela que la civilisation s’est plantée.
    Chaque cycle d’histoire voit affleurer les mêmes ferments de guerre. Enterrés sous les décombres de la guerre précédente, ils remontent des profondeurs.
    Nous aurions abouti dans l’élaboration d’un système garantissant à chacun un confort de vie prenant en compte ses besoins vitaux et visant à son épanouissement. Mais nous n’avons fait, depuis deux mille ans, que cultiver les mêmes antagonismes, entretenir les mêmes malédictions. Bien né, mal né, la cuillère en argent pour les uns, aux autres la carotte et le bâton.
    Nous pourrions, si notre degré d’évolution en tant qu’espèce avait suivi la courbe de l’évolution des savoirs et de la technologie, habiter un immense Eldorado où tout ne serait « qu’ordre et beauté, luxe, calme et volupté ». Un paradis. Mais nous n’avons pas su nous affranchir de ces principes de prédation hérités des cavernes, quand il s’agissait de dominer pour survivre. A présent il s’agit de dominer pour dominer, posséder pour posséder, au prix de l’assujétissement des dominés, des non-possédants – et cerise sur le gâteau, non plus en marche forcée comme c’était le cas naguère, mais avec leur plein accord. Signe au bas du formulaire. Te voilà ton propre patron et ton unique employé. Démerde-toi pour te faire une clientèle, démerde-toi avec la bureaucratie, en face, pas encure uberisée, mais ça viendra.
    Ils sont quand même balaises.
    Et les autres, pathétiques avec leurs pancartes ridicules revendiquant le maintien des contrats jetables destinés aux lumpen-prolétaires, bref, les autres… et leurs slogans à deux balles que le chaland n’écoute plus, et qui arrache des rictus ironiques au loubard au volant de son Audi aux vitres fumés, autrement uberisé. A sa manière, disons.
    On s’est bien plantés.

    Réponse
    • « Ils sont quand même balaises. »

      Cela ne se voit pas au résultat final. 😉

      « les autres, pathétiques avec leurs pancartes ridicules revendiquant le maintien des contrats jetables destinés aux lumpen-prolétaires »

      Ce n’est pas à ceux qui subissent l’iniquité de se délivrer mais aux plus lucides de leur apporter aides et soutiens.
      Créer de la division c’est ce qu’il y a de pire pour tous et c’est bien ce à quoi aspire les dominants pour persévérer dans leur attitude.

      Réponse
      • Je ne vois pas en quoi le maintien de ces contrats d’esclavage pourrait apporter aide et soutien à ceux qui les endurent.
        Les quelques cinquante fonctionnaires de l’EN qui manifestaient l’autre jour dans mon bled pour continuer à disposer de précaires dans leurs établissements, ce n’est pas pour attirer l’attention sur le sort de ces précaires (ils ont eu trente ans ans pour le faire, trente ans que se succèdent ces dispositifs sous presque autant d’acronymes criminels, et que je sache, ils ne se sont pas souvent mobilisés dans ce sens), mais pour faire état des problèmes pratiques que ça va leur poser.
        Je ne critique pas le fait qu’eux soient fonctionnaires, mais c’est quand même le monde à l’envers. Quand j’entendais il y a quelques semaines que la CGT revendiquait le maintien de ces contrats dont les signataires font du sur-place pendant des années sans voir s’améliorer leur situation, contrats qui se soldent, à la sortie, par des pertes de revenus, des tonnes de paperasses à refaire et le flicage de Pôle Emploi comme cerise sur le gâteau. La division, elle est là et elle est dans le ressentiment que ces lumpenprolétaires entretiennent à l’égard des administrations, de ces services publics et autres associations supposément non lucratives qui utilisent ce système et au final, les gens censés en « bénéficier ».

        Je remarque par ailleurs qu’on ne parle plus des intervenants en milieu scolaire. Il y aurait aussi beaucoup à dire à ce propos…
        Mais bon, comme le reste, ça se solde par un échec. On en a pris l’habitude.

        Réponse
        • Pas mieux, Alceste. 😉

          Réponse
          • Effrayant.
            Au passage, un bon moyen de couper au job pourri c’est de planter la zone pendant l’entretien d’embauche. Pas jusqu’à l’incident, mais se montrer agressif, teigneux. Ou carrément space. Ou s’y pointer en hardes, crade, alcoolisé (pour la circonstance, pas obligé de devenir poivrot), avec son clebs quand on en a un, ou encore d’avoir passé le demi-siècle, de déclarer n’avoir plus de bagnole, pas l’internet, refiler un N° de portable où le répondeur aura été déconnecté. Un postulant-esclave trop à l’ouest, ça décourage. Pas motivé, déjà, ça refroidit.

          • Tiens, puisqu’on est revenus là-dessus (enfin, j’y suis revenu, vu que la revendic’ de la Cégété sur le maintien des contrats-poubelle m’est restée en travers de la gorge, même s’il y a belle lurette qu’à mes yeux, la CGT se résume à un QG digne de celui d’une multinationale, aux magouilles de Pierre Lepaon et aux salaires à trois zéros (précédés d’un 5…), apparts et bagnoles de fonction de leurs cadres, sans grand rapport avec ce que pourraient revendiquer les bases en matière de sécurité de l’emploi et de hausse du pouvoir d’achat… ce qui sépare les cols bleus du le saint des saints de l’ex-syndicat ouvrier, est comparable à ce qui distingue le niveau de vie du petit curé de quartier des fastes alloués aux membres de la curie romaine), quelques remarques sur l’art et la manière d’exploiter des niches de non-employabilité, autrement dit, de couper aux contrats-poubelle. Ce qui n’est pas foncièrement hors-sujet au regard de l’excellent article qu’il nous est donné de commenter.
            Le principe consiste à prendre le système à ses propres pièges.
            On te demande d’être dispo et mobile tout en te payant au lance-pierre. On te laisse néanmoins de quoi survivre sous conditions. Mais voilà, avec ce qu’on te laisse pour survivre, tu ne vas pas trouver à te loger dans un bassin d’emplois. Restent les bleds un peu paumés, pas toujours bien desservis, où contre le quart de ce qu’on te demandera pour une sordide chambre de bonne de 10 m² en ville dans un quartier crasse, tu vas pouvoir prétendre à un studio au calme.
            Pôle Emploi est à vingt, trente, quarante kilomètres par temps clair. Tu n’as que le car pour te déplacer et hors période scolaire, il n’y en a pas.
            Les esclavages à pourvoir sont en ville ou en rural, ils exigent une capacité de mobilité que tu n’as pas. Si en plus de ça tu es en zone blanche, ou dans un coin où le portable passe mal, que tu as déclaré n’avoir pas internet et consulter ta boîte mail à la permanence cyber de la mairie ou du bistrot (s’il en existe) peu à peu tu vas sortir des écrans radar.
            Un tel mode de vie exige une certaine aptitude à une vie à l’écart et à la débrouille, c’est certain. Ce n’est pas de l’ascèse, se trouver quelqu’un avec qui partager sa bohème n’a rien à voir avec ça ; ce n’est pas la marge ni une vie de zonard, qui tiennent d’un état d’esprit ; c’est réapprendre une forme d’autonomie à laquelle la vie prétendument civilisée nous a déshabitués, qui passe par cuisiner, par la récupe, par la culture d’un lien social « hors des clous », c’est à dire non organisé dans des cadres officialisés qui déjà sont des contraintes, où l’on va se rendre mutuellement service, manier le troc, se cotiser pour participer aux frais d’essence du voisin qui descend chaque semaine au marché. Pas facile à mettre en place partout, car il y a des régions où les mentalités sont retorses et pleines de préjugés et d’idées reçues, mais pour avoir vécu longtemps sur ce registre, je peux vous dire qu’on s’y retrouve et qu’on peut franchir à l’aise les décennies en passant tranquillou entre les mailles du filet. Jusqu’à la date de péremption, disons une petite quarantaine, où on ne vous sollicite plus. Un CV presque vide, des déménagements fréquents, jamais le même N° de téléphone, la nana, le mec, clairement hors cadres, ingérable.
            J’entendais l’autre jour sur France-Culture que le plus gros mécène des artistes hors-réseau était le RSA. Autre problème. Mais c’est une réalité que je constate tous les jours là où je vis, bled à l’écart aux prétentions de ville, mais assez à l’écart pour qu’on y végète faute de mieux.
            J’ai pu vérifier maintes fois, lors d’entretiens d’embauche, que les artistes sont les bêtes noires des pourvoyeurs de contrats-poubelles. A Pôle Emploi, et dans les administrations et assoces collabos relevant de l’insertion, c’est tout juste si en présence de quelqu’un qui leur parle de peinture, d’arts plastiques, d’écriture ou de musique, c’est tout juste s’ils ne brandissent pas un crucifix et une gousse d’ail.
            Là vous êtes sûr qu’on vous fiche la paix.
            Voilà, c’est dimanche, c’était la note humoristique d’un farouche contempteur du Travail, malédiction paulinienne qu’il s’est depuis toujours employé à vouloir exorciser.

      • « Je ne vois pas en quoi le maintien de ces contrats d’esclavage pourrait apporter aide et soutien à ceux qui les endurent. »

        Moi non plus, donc il faut modifier ces contrats et non pas les supprimer puisqu’ils sont occupés ! Réclamer que ces contrats cessent revient à sacrifier la piétaille qui y séjournent, est-ce bien cela qui est souhaitable ?

        Réponse
        • « piétaille » au sens de gens de peu, c’est à dire qui ne peuvent rien réclamer par eux-mêmes.

          Réponse
          • A propos des « Gens de peu », Pierre Sansot a aussi écrit « Ce qu’il reste » Un dernier ouvrage consacré…aux restes!

        • Smolski, il n’en a jamais été question.
          As-tu jamais vu, en trente ans, aucun syndicat prononcer un mot d’ordre de grève dans le but d’obtenir la pérennisation des contrats-poubelles et leur normalisation en temps pleins ? As-tu jamais entendu un polytocard de gauche ou un syndicaliste ou même cet abruti de Filoche dénoncer les renouvellements illégaux de contrats-poubelles dans les services publics et l’Administration ?

          Des exemples je peux t’en citer des tas à la Poste, à la Sécu, à la CAF, à l’EN et même dans les tribunaux où des années durant, une bonne amie à moi à exercé des fonctions de greffier, sans être greffier, mais elle assurait bien, elle aimait ce qu’elle faisait, et quand son contrat jetable n’a plus été renouvelé après l’avoir été, quoi ? quatre, cinq, six fois ? illégalement ? Ils ont bien été emmerdés de devoir se passer d’elle.

          Il y a de la thune pour assurer au moindre petit maire de ville moyenne un train de vie de cadre sup’. On est sans doute le seul pays au monde où 10% de la population occupe une fonction d’élu, à quelque échelon que ce soit de l’exécutif, sanctionné par des indemnités qui vont du symbolique (petit conseiller municipal de petite commune), aux émoluments enviables du conseiller départemental, député, sénateur, président d’intercommunalité, quand elle ou il n’est pas tout cela à la fois, sans rapport avec le travail qu’elle ou il est supposé(e) fournir – sur lequel n’est exercé aucun contrôle.
          Tout le monde trouve ça normal, apparemment. On trouve normal aussi qu’un ministre de quelques jours continue à être grassement payé.
          Et on trouve normal aussi, et c’est d’autant plus incompréhensible, qu’il y ait deux poids deux mesures au niveau du salariat. Les uns bénéficient d’un temps plein, salaire plein, plus les avantages, quand d’autres devraient se contenter de la moitié d’un salaire plus des contraintes à la tonne, plus à certaines époques un flicage bureaucratique digne de la Tchéka, des stigmatisations de toutes sortes et en filigrane, une vie de merde tous fléaux cumulés (logement pourri, pas de pouvoir d’achat, pas d’accès aux loisirs, mal-bouffe, accès aux soins problématique, des factures qui tombent comme un couperet et le seul recours de l’humanitaire…) sans espoir d’en sortir.

          Cela a commencé avec les CES que des z’éducs-spés et des prospecteurs-placiers bien calés dans leurs avantages cherchaient à nous fourguer. Il y avait alors (c’était vers 91-92, je me tapais une énième « démarche de réinsertion »… ), une mouche du coche pour leur casser la baraque, à savoir prévenir les potes, à leur nez et à leur barbe (sauf pour ces dames, ça va de soi…) des périls auxquels ils s’exposaient en marchant dans ces combines. Une mouche du coche qui invitait le gugusse derrière son bureau à prendre un congé sans solde d’un an, à signer un de ces contrats foireux pour revenir nous en parler ensuite.

          Les administrations et services publics, principaux pourvoyeurs de ces contrats d’esclavage, enfreignaient la loi sans possibilité de recours en

          Qu’un technocrate se soit soudain rendu compte, depuis tout ce temps, que les emplois dits aidés coûtaient très cher à la collectivité au regard de ce qu’ils produisent concrètement en matière d’insertion (on passe sur les dégâts humains inquantifiables et souvent irrécupérables dont cette politique est comptable), certes cela cache quelque chose. Pas de cadeau en vue. Des contraintes qui prendront d’autres formes. Bien emballées, pour satisfaire le chaland. On en a l’habitude. Même si plus grand monde ne s’en laisse compter.

          Réponse
        • « un mot d’ordre de grève dans le but d’obtenir la pérennisation des contrats-poubelles et leur normalisation en temps pleins ? »

          C’est pourtant là qu’il faut agir car en demander la suppression nous rend responsables des incuries manigancées.
          On peut par exemple augmenter la pression sur les élus par des pétitions (avec photocopie de la carte d’électeur), pour les maintenir en propre puisque c’est là que c’est directement négociable.

          Réponse
          • Sincèrement, tu y crois ???
            Pourquoi cela n’a pas été fait depuis que ces contrats existent ? Alors qu’on a eu assez vite des retours quant à leurs conséquences au plan social. Au plan politique ensuite. Car c’est peut-être en partie à cause de ça que les électorats populaires ont abandonné la gauche pour les sirènes fascistes.
            Après, des pétitions qui ont abouti, si tu peux m’en citer trois, juste trois… On l’a vu encore récemment avec la pétition contre la loi El-Khomry. Plus d’un million de signataires. La loi est passée. El-Khomry, éjectée, palpe toujours et pour longtemps le pognon prévu par la loi française pour les ministres sur la touche. Pas vraiment le salaire d’un prolo. Valls, éjecté idem, n’a pas plus de souci à se faire pour ses lendemains. Il s’en trouvera, t’inquiète, pour les réélire à la prochaine alternance.
            Tu disais, la carte d’électeur ? Perso je n’en ai plus depuis une paie, on doit être un paquet dans mon cas, et ceux qui en ont encore une et qui vont voter Portnawak parce qu’on leur a promis une planque, un permis de construire ou quelque avantage communal, ils ne vont pas se risquer à ça ! Pas plus que la cohorte des petits vieux qui vont voter après la messe et avant l’apéro.

          • « des pétitions qui ont abouti »
            Au niveau des personnes oui, ça fonctionne.

            « Tu disais, la carte d’électeur ? »
            Oui, j’en ai une et l’utilise, pas seulement pour voter, comme beaucoup de contraintes anti-républicaines (anti-peuple donc), la votation m’est un viol, mais ensuite il y a moyen de moyenner socialement avec. Non seulement avec les élus mais aussi auprès des citoyens concernés par la vie commune. Même si cette vie n’est pas celle que je souhaite j’en utilise la fonction, ça me permet d’agir ponctuellement plutôt que rien faire du tout… tout seul.

          • @smolski

            « des pétitions qui ont abouti »
            Au niveau des personnes oui, ça fonctionne.
            Précise.
            Les personnes, tu parles des signataires ? De celles visées par les pétitions ?

            <>
            Belle lurette que j’ai choisi de ne plus offrir la vaseline.
            Belle lurette qu’après chaque élection, je vois se jouer le même scénar.
            Belle lurette qu’avant chaque élection suivante, je vois se jouer le même scénar.
            Belle lurette que je vois ce pays régresser, et les rapports entre les gens pourrir à l’aune de cette régression.
            Et rien ne se passe hors du débat et de l’organisation de la misère installée.

          • La citation a sauté. Je parlais de la carte d’électeur, on aura compris.

          • « Je parlais de la carte d’électeur, on aura compris. »
            Oui, moi aussi, la possession de cette carte et la participation aux élections sont tout aussi visibles par tous que par les élus, aussi, ne pas utiliser cette fonction a tendance à nous éloigner de ceux vers qui nous nous adressons par ailleurs.
            Je l’ai appris direct dans le monde ouvrier, pas de vote, pas de discussions crédibles partagées sur le sens de la société.
            C’est un conditionnement comme la télé bobard, on n’y peut rien. 😉

          • Justement Smolski. Là intervient le sens. Je ne vote plus parce que le sens m’échappe de cette liturgie qui à chaque fois nous conduit aux mêmes impasses. Tu prends toutes les présidentielles depuis quarante ans et tu vois quoi ? deux à trois têtes d’affiches : une seule remportera la mise ; des rabatteurs de voix : ils sont là pour donner l’impression que quelque chose se passe. Des amuseurs : leur rôle est de distraire, de capter des voix qu’ils inviteront ou non à reporter à l’une des deux têtes d’affiche en lice pour le second tour.
            On a quand même quelques variantes d’ordre scénaristique. La dernière en date étant les anti-système, incarnés par des individus à fond dans le système mais qui se piquent de critiquer le système (s’ils étaient effectivement hors-système, ils n’auraient même pas droit de cité, pas de « visibilité » selon la novlangue). Tous les candidats ou presque aux dernières Présidentielles étaient, ou se sont découverts en cours de route, anti-système.
            Cette soudaine vocation répondait bel et bien à un rejet formulé par l’électorat potentiel, qui s’est traduit par l’élection de Macron à une faible majorité – et un taux d’abstention conséquent.
            Depuis, le système a repris le dessus. On ne donne même plus les lois à voter, elles passent par ordonnances. Le peuple a voté, le peuple s’est fait mettre, une fois de plus.

            Donc voilà, pourquoi voter ? A quoi bon concéder encore à ce piège à cons, puisqu’avec un brin de jugeotte, on savait très bien ce qui en découlerait ? Puisque ceux qui donnent les ordres, ce sont les marchés, ce sont les mafias multinationales, ce sont les commanditaires des cost-killers, ceux dont le Medef et les gros partis aujourd’hui en déclin (mais qui renaîtront sous d’autres oripeaux, avec un casting rajeuni) sont les intermédiaires.

            Et pourquoi ça continue, pourquoi on en reprend à chaque fois, pourquoi ils en sortent toujours gagnants ?
            Parce qu’en face, Smolski, on ne trouve pas d’alternative qui tienne la route, dans quoi on puisse se projeter.
            On ne peut pas utiliser à l’infini, comme voudrait le faire Méluche, les vieilles ficelles marxistes qui ont toujours échoué, dont on se souvient qu’elles ont servi d’alibi à une trahison historique, qui pour les plus jeunes correspondent à une imagerie en noir et blanc dont ne ressort que la dimension totalitaire…
            L’écologie, ça n’a jamais motivé qu’une minorité cultivée, motivée, relativement aisée, chez nous l’écologie se traduit par des contraintes et des taxations infligées au quidam.
            On propose un mix des deux en guise d’alternative, et la mayonnaise ne prend pas. Pourquoi elle ne prend pas ? Parce qu’en arrière-plan, les bases du système que l’on prétend vouloir combattre, restent intactes. Ensuite, ce qu’on attend d’une alternative, c’est qu’elle réponde à des questions cruciales qui se posent aujourd’hui à une majorité d’individus, et qu’elles y répondent très vite. Des questions relatives à la survie individuelle, à l’accès au logement, au rapport au travail, à son éventuelle désacralisation par l’instauration d’un revenu d’existence, aux libertés individuelles, aux capacités que l’on n’a plus de choisir sa vie, d’en maîtriser le devenir.
            Mais on reste dans le vague, on manie la théorie, on fait de belles phrases. On ne pose pas de date-butoir où seraient prises des mesures radicales de nature à répondre aux attentes de ceux qui subissent de plein fouet le système. Derrière, on sait qu’il y a toujours et encore Bruxelles, Bonn, les marchés, les lobbies, etc.

            Et donc, on en est à Macron. Elu à une majorité de 44%, avec 25% d’abstentions et 9% de votes blancs et nuls. Soit plus que le pourcentage de la fille Le Pen.
            Traduction d’un système électoral digne d’une république bananière. Mais nous y sommes.

          • Tu prêches un convaincu, je suis viscéralement contre le vote, juste j’en utilise le principe pour établir une connection sociale qui ne peut se faire autrement.
            C’est bien beau de rester cloîtrer entre convaincus, mais est-ce le moyen pour modifier quoique ce soit ailleurs juste par principe ?

          • « C’est bien beau de rester cloîtrer entre convaincus, mais est-ce le moyen pour modifier quoique ce soit ailleurs juste par principe ? »

            Je ne sais pas quel est le moyen, Smolski, s’il y a un moyen, dans quelle mesure on peut avoir prise sur les évènements… et dans quelle mesure on est dans le vrai.

            La dynamique du contre-courant, de la mouche du coche, tu l’as dans le sang quand tu l’as, ça te rend plus malheureux qu’autre chose car à mesure que tu avances, tu vois les autres se laisser porter, résignés, soumis, ou encore révoltés « dans les rangs », c’est à dire opter pour une révolte codifiée, du genre vote-sanction, adhésion à des extrêmes où le leader de service « dit tout haut ce qu’ils pensent tout bas ».

            J’ai comme ça depuis tout petit « un problème avec l’autorité », qui fait qu’à près de soixante berges, je peux dire que j’ai toujours relativement vécu en marge. Et j’ai vu ceux que j’ai longtemps côtoyés, et qui jouaient le jeu, mieux s’en sortir que moi, se marier, fonder une famille, avoir un métier bien défini, choses que je n’ai pas faites. Nécessairement, je me suis posé des questions. Sont-ils heureux dans ce qui m’apparaît comme un ersatz d’existence, un jeu de rôles ? Ai-je été quelquefois heureux dans mes angles retranchés ? Pourquoi ai-je pris ces chemins de traverse ?
            On ne maîtrise pas tout. Et même, à plusieurs, unis en ce qu’on appelle des « collectifs », qui franchiront rarement le cap de la poignée d’individus pas toujours d’accord entre eux, sur quoi a t-on vraiment prise dans une société d’une telle complexité, aussi hétérogène, éclatée, que la nôtre ? Quelle marge de manoeuvre autre que cet éternel débat dont on ne sort véritablement jamais, où rien ou si peu se traduit en actes ? Où l’on retombe toujours sur l’écueil du « nerf de la guerre » ?

          • Alceste : « dans quelle mesure on peut avoir prise sur les évènements… et dans quelle mesure on est dans le vrai. »

            Comme toi, je ne sais pas.
            Résister, c’est faire ce que les autres ne font pas. (Bertrand Tavernier)

  11. J’ai remarqué que Macron veut « transformer en profondeur le modèle social du pays ». Il veut faire le contraire de ce qu’explique Karl Polanyi dans « La grande transformation. » Je doute que le Président ait lu ce bouquin…
    Macron, ses discours, sa politique, ses soutiens, nous frisons le ridicule (à défaut de roche, lol!). On pense à Sully Prudhomme: « Nous sommes au bord du gouffre, avançons donc avec résolution! » ou comme l’écrivait un copain blogeur: « Nous entrons tête haute dans le nouveau monde, celui du XIXème siècle ! Heu, du XXIème. »…:-)
    La classe politique dans son ensemble soustrait la parole au peuple en parodiant la démocratie pour le compte des puissances financières. Pas étonnant que l’on diabolise à longueur de médias les gauchistes, les insoumis, les rebelles, tous ceux qui tentent de raviver le désir de démocratie, de justice, d’égalité, de dignité. Le système, au détriment de toute raison, favorise le désir de « consommation ostentatoire », (Veblen, la théorie de la classe des loisirs), les jeux du stade, les jeux virtuels…Rien de nouveau sous le soleil… Et Macron veut commémorer le cinquantenaire de « Mai 68 », attention, « La mémoire est toujours de la guerre » disait Walter Benjamin, la volonté de changement de 68, au sens nietzschéen (dépassement du modèle démocratique) pourrait à nouveau enflammer le « troupeau ».

    Réponse
    • Mitterrand aussi voulait transformer en profondeur le modèle social du pays. Puis Chirac, dont le cheval de bataille était, en 95, la fracture sociale. On voit ce que ça a donné. La traduction d’une telle profession de foi, c’est coller à la dogmatique libérale qui est l’axe du projet européen. Un minimum de social pour un max de profit. Le dumping social versus l’actionnariat triomphant. Les chimères des start-up, l’uberisation, dernier avatar de l’arnaque « je paie pour bosser » (et non le contraire).
      Mais bon, ça ne marche pas, ça ne peut pas fonctionner. La preuve, c’est que le système libéral est un échec entretenu qui a conduit tous les pays qui l’ont intégré dans leur économie à une implacable régression. Le système libéral crée de la pauvreté de masse sous l’argument fallacieux de la création de richesses. L’effet boomerang c’est le retour des fascismes, le terrorisme, le réveil des revendications régionalistes, une permanente instabilité politique ponctuée de scandales qui en d’autres temps, auraient suffi à déboulonner un exécutif. Et la mise en avant de véritables caricatures de politiciens, coulés dans le même moule, maniant la violence symbolique sans autres réactions des populations que programmées, dans les clous, par les professionnels de la subversion policée.
      Une commémo de 68 qui viendrait enflammer le « troupeau » ? Avec le vieux Cohn-Bendit comme tête d’affiche ? Ce révolutionnaire qui, élu maire de Francfort, berceau des Rotschild, a commencé par en chasser les sans-logis ? Ce sera chapeauté par BFMTV à coup d’images d’archives triées sur le volet, peut-être qu’on invitera Godard, s’il est encore de ce monde.
      On ne se refera pas un 68, les temps ont changé. Si un jour ça pète, ce sera nettement plus violent, et ce n’est pas à souhaiter, pour nous ni pour ceux qui suivent.

      Réponse
  12. Billet intéressant. Quelques bribes de réflexions :

    – Tout est peut-être dans la nuance entre « rien » et « presque rien ». On a peur du changement parce qu’on n’a peur de perdre ce qu’on a, même si ce qu’on a « pas grand’chose ». On se dit que c’est « toujours mieux que rien ». Et la Yougoslavie, la Syrie et autres exemples de pays où des gens ont vraiment tout perdu nous aide à mieux apprécier « pas grand’chose ». Ou à nous en contenter.

    – J’ai toujours beaucoup aimé le jeu de mots qui conduit de « société de consommation » à « société de consolation » (de mémoire, un dégoûté du monde merveilleux de l’entreprise informatique en avait même fait un joli petit livre vers l’an deux-mille)

    – Sinon, il y a aussi ça :
    « Ce qu’il faut que tu comprennes, c’est que pour la plupart ils ne sont pas prêts à se laisser débrancher. Bon nombre d’entre eux sont tellement inconscients et désespérément dépendants du système, qu’ils vont jusqu’à se battre pour le protéger ! »
    https://www.youtube.com/watch?v=uxat0lJqdCc

    Réponse
    • ils…
      eux…
      Qui donc en fait d’après toi ?
      Les abstentions des dernières élections nationales indique que les « ils » et les « eux » ne sont pas si inconscients que cela… 😉

      Réponse
  13. Les personnes qui actionnent joyeusement les leviers du destin quand ils en ont l’occasion, et l’occasion, souvent est créée par eux, sont soit des héros, soit des génies.
    Regarde Gauguin, Il abandonne sa vie de trader (agent de change) riche pour se consacrer à la peinture, il abandonne Paris, Rouen, … et part à la recherche de l’origine des hommes dans des îles loin de toute convention sociale, … Voilà un mec qui voulait du changement.

    Réponse
    • Il voulait surtout une société où se taper des gamines était nettement plus facile…

      Réponse
    • Je ne partage pas l’avis d’une pédophilie qui aurait conduit Gauguin à Tahiti. Il l’aurait déjà été en france, ce qui n’apparaît pas.
      Il est probable qu’elle s’est révélée au cours de son séjour par la condition sexuelle des filles qui n’étaient plus pubères, comme dans beaucoup de société où la jeunesse d’une épouse est la promesse d’une pure lignée établissant les droits séculiers et privés sur les pouvoir et les propriétés.
      Un esclavage sexuel réservé au type féminin en fait.

      http://www.mon-voyage-tahiti.com/culture/tatouages-polynesie-francaise/ :

      « Les jeunes filles devaient avoir un tatouage sur la main pour être libérées des tabous concernant la nourriture. Elles se faisaient ensuite tatouer au moment de la puberté pour prouver qu’elles étaient en âge d’avoir des relations sexuelles. »

      Réponse
      • En France, il aurait fini en taule, déjà à l’époque.

        Réponse
        • Très juste…

          Réponse
      • Quand on va dans une autre culture, on emporte avec soi sa propre culture et interdits. Pour ma part, je me suis toujours interdit des relations sexuelles contraires aux critères du code pénal, c’est mon côté psycho-rigide :

        http://droit-finances.commentcamarche.net/faq/26000-majorite-sexuelle-en-france-age-et-code-penal

        La plus jeune femme avec qui j’ai eu des relations de ce type avait près de 20 ans, c’était consentant et dans une ambiance amicale-amoureuse.

        Ce qui comporte toujours une part de stupidité naïve de part et d’autre, mais demeure néanmoins respectueux de l’intégrité de l’autre.

        Réponse
    • Les leviers du destin…. avec génie, héroïsme… On pourrait citer les cas d’Alexandra David-Néel, d’Arthur Rimbaud, de Henry Miller…
      Au-delà de ces repères épiques appartenant à un autre temps, chaque jour, des anonymes plaquent tout pour s’embarquer dans une autre forme de vie. Expatriation, changement de vie délibéré, disparition du jour au lendemain, sans laisser de trace. On cite le chiffre de 10.000 disparitions non-élucidées chaque année rien qu’en France.

      Réponse
  14. Un fils de bonne famille avait tout plaqué par rébellion. Juste avant de mourrir, Christopher McCandless, le rebelle solitaire nota: « le bonheur ne vaut que s’il est partagé » (voir sa bio: « Voyage au bout de la solitude », écrite par Jon Krabauer).
    Pour André Breton (L’amour fou) dans tout voyage vers la liberté, il faut être au moins deux.

    Réponse
    • Il a fini par s’empoisonner avec des végétaux qu’il n’avait pas su identifier. Juste renvoi à la citation de Breton.
      Le fuyard solitaire charrie dans son sac-à-dos le vécu qu’il veut fuir. La solitude comme confrontation à ses propres démons.
      L’autre, intervient alors comme le moteur et le carburant à la fois, dont manque le solitaire pour véritablement avancer. Le Vendredi de Robinson Crusoe. Aphur Yongden, le lama compagnon d’Alexandra David-Néel. Anaïs Nin, muse de Henry Miller et celle qui révéla son talent d’écrivain. Linda Lee qui arracha Bukowski à son destin d' »outcast ».

      Réponse
    • « dans tout voyage vers la liberté, il faut être au moins deux »

      C’est pas tout à fait vrai, Kerouac par exemple.

      Réponse

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