Quand est-ce, la dernière fois, au juste, que vous vous êtes assis pour seulement regarder le monde autour de vous ?
Je ne parle pas du ravissement qui peut nous étreindre à l’arrivée en haut de la moraine ou du « moment carte postale » que l’on s’impose chaque fois que l’on parvient à grands frais sur un site remarquable. Non, non. Je parle juste du fait de tout arrêter, de tout laisser tomber et de juste s’abimer dans la contemplation de votre univers le plus quotidien.
Je pense en fait un peu à ces petits vieux qui avaient coutume de trainer une chaise sur le trottoir, devant la porte de leur maison ou de leur immeuble selon l’endroit où la bonne fortune les avait fait s’échouer. Même s’ils ont pratiquement disparu, il en reste encore quelques-uns qui, à la belle saison, étirent leur arthrose dans l’espace public et restent plantés là, des heures, voire des journées entières — probablement entrecoupées de pauses pipi, quand même — à regarder strictement le même panorama, souvent fort peu remarquable, que la veille, l’avant-veille et tous les autres jours avant depuis d’innombrables années.
L’appel irrésistible du cimetière et celui encore plus impératif de l’écran de télévision ont progressivement vidé les quartiers des petits vieux à chaise, mais certains, malgré tout, malgré nous aussi un peu, font montre d’une remarquable résistance à l’attraction irrésistible des boites à cons.
Il y a ce manchot (oui, à ma grande surprise générale, il existe encore de vrais manchots, avec la manche vide sagement épinglée à l’épaule) qui semble passer tout l’été sur son banc, face à l’entrée de l’école maternelle, à l’ombre de l’église du village, sur cette placette un peu à l’écart où j’attends chaque soir ma fille afin d’éviter le flot hargneux et désordonné des parents motorisés d’élèves collégiens. Il est là, avec la rigueur horlogère d’un planton un peu usé aux entournures et il regarde passer les gens pressés par leur vie vide avec la placidité tranquille d’une vache au pré qui lève son gros museau herbeux au passage du TGV.
J’ai tenté dans un premier temps de le saluer en me garant, mais un reflet sur mon parebrise doit gêner sa vision forcément déclinante et j’ai fini par laisser tomber. De toute manière, le recul des températures a fait fuir mon manchot et depuis quelques semaines, c’est moi qui regarde longuement et avec attention chaque petit détail de cette place, la manière dont la lumière rasante du soleil souligne différemment tel ou tel angle, fenêtre ou balcon, avec de subtiles différences selon l’heure solaire ou les habitudes des habitants.
L’autre jour, c’est le manchot qui a fait irruption dans mon intériorité muette, de retour de quelque intéressante excursion, et usant de longues minutes à traverser la ruelle, escalader le trottoir, s’échiner contre sa porte et disparaitre enfin derrière ses rideaux brodés… laissant son trousseau de clés bien pendu en évidence à la serrure.
J’ai eu un petit remords après avoir cogné fermement le heurtoir en forme de main en entendant le vieux trainer péniblement des savates pour revenir à son point d’arrivée. Pour une fois debout, il est tout de même plus grand que moi — mais il n’en a aucun mérite : la majorité de l’humanité est plus grande que moi ! — et il est manifestement contrarié de me trouver à sa porte. Je dois crier deux ou trois fois qu’il a laissé ses clés à l’extérieur avant qu’il finisse par comprendre et les récupérer. Un sourire fugace plisse sa trogne ravinée et peu mobile, il grince un merci bien
tout en refermant prestement sa porte sur moi.
Dehors, l’ombre a gagné sur la lumière, les cris des enfants roulent sur les pavés. Je reprends mon attente contemplative dans ma cage de Faraday.
‘Un petit tip! pour la route, merci!
> Je pense en fait un peu à ces petits vieux qui
D’un coup je m’aperçois que je suis un petit vieux. Quand je suis dehors, je m’ennuie peu, je regarde les gens et le monde tout pareil. 🙂
En fait non, tu n’es pas vieux, tu t’ancres dans la vie au lieu de gesticuler partout comme un poulet sans tête!
« Tu verras bien qu’un beau matin fatigué
J’irai m’asseoir sur le trottoir d’à coté
Tu verras bien qu’il n’y aura pas que moi
Assis par terre comme ça »
(Souchon, de mémoire)
Grosses bises depuis une salle de réunion sinistre !
https://prototypekblog.wordpress.com/2013/06/01/les-gens-assis-sur-les-bancs/
« Depuis le temps qu’on est sur pilote automatique
Qu’on fait pas nos paroles et pas nos musiques… »
Oui, c’est tout à fait ça… même si, en fait, cela n’éveille pas les mêmes sentiments en nous. Les vieux assis te semblent usés, vidés et te font penser à la mort, alors que pour moi, c’est tout l’inverse : ils me semblent présents, vivants, concentrés dans leur intériorité et en même temps dans leur rapport au monde. Du coup, ça me fait penser à la vie, au sentiment d’être vivant que l’on nourrit dans la contemplation, à la lutte, aussi, contre le vide existentiel de nos existences marchandisées, pressées et utilitaires.
Certains sont peut-être tout simplement gâteux.
Je ne crois pas à la sagesse des vieux, cette sagesse supposée s’acquérir avec l’âge et amener à une espèce de détachement bouddhique.
Ils font passer le temps, ils prennent le soleil, c’est ce qu’ils te disent quand à force de te voir passer et les saluer du geste, la conversation s’amorce. Parfois il y a un vieux clebs à leurs pieds, un matou. Il y a celle, ceux qui ont encore quelqu’un, et celles, ceux, qui n’ont plus personne. Vieux à chaise, à banc, à rebord de vitrine, mémé à chats, à tricot, à mots fléchés, posée sur son pliant.
On fait passer le temps…
Je ne crois pas non plus à la sagesse des vieux : un petit connard finit rarement sa vie comme vieux sage, mais plutôt comme vieux con. J’en ai connu des vieux méchants, aigris dont l’univers s’est rétréci au fil de leur vie. Mais le vieux à chaise, c’est différent. C’est le vieux qui n’est pas dans son fauteuil devant la télé et ça, déjà, c’est énorme.
Quand même (puisqu’on cause de nous je peux ?), en fait de boites à thon, il y a aussi l’ordinateur, sans aucun doute. Et pour ce qui est de s’y ancrer, est-ce le fait des sots, des vides, des tristes, des impuissants, je suis accro, mais accro 🙁 Est-ce le cul-de-sac des tout secs de contacts humains qui voudraient bien avoir l’air mais qui ont pas l’air du tout (~ Brel) et qui espèrent encore un peu ? Cette boîte-là est ma seule obsédante ; pas de chaise au soleil, même les jours de soleil. Pourtant, il serait plus que temps, et j’en aurais le privilège possible. Mais aussi, j’ai l’impression d’être devenu un peu plus « sage » avec les années (les ânées), ce qui me donne envie de vous contredire gentiment sur la question du devenir du jeune crétin. Voilà comment pour l’heure décrire mes illusions.
@Bernard : Hier ça m’a traversé, l’idée du vieux à chaise 2.0, prochaine génération, mais j’ai renoncé à en faire un commentaire caustique, songeant que ça cassait la poésie, et de l’article et de ce qui l’a inspiré.
Le vieux à chaise il appartient au monde perdu des chansons de Brassens, des salopettes et de la R6 de trente ans d’âge qu’on sortait le dimanche de son garage, briquée comme à sa sortie de l’usine. Des cafés embrumés de fumée au sol nappé de sciure les jours de pluie. Des pissotières en fonte posées le long des terrains de boules. Des journaux format géant achetés quelques centimes où tu te noircissais les doigts, des bornes Michelin, des drogueries, des bus scolaires nettoyés au creysil où tu entendais du Pierre Perret à la radio les jours de rentrée des classes.
Je pense que plus on avance en âge, plus on a besoin de rappeler à soi des éléments d’une espèce d’éternité qu’on se sera fabriquée à partir de ses propres points de repères, car il arrive un moment où le siècle nous devient étranger et où on a besoin de se raccrocher à quelque chose qui nous est vraiment familier. La cafetière italienne, les disques vinyle, le bon vieux transistor, la poésie, le jazz, les films en noir et blanc, ce à quoi nous attribuons une âme et où les plus jeunes verront des antiquités. Peut-être est-ce ainsi que l’on s’achemine vers la vieillesse. Mais quoi qu’on fasse, on est captif du présent où on évolue et de ce qui en constitue le décor et les arrière-plans, qu’il nous soit devenu étranger ou pas. Ce qui n’interdit pas de se ménager, dans ce présent, des moments de liberté. D’évasion.
On a l’impression que si on se déconnecte, on va rater quelque chose de la marche du monde. C’est illusoire. Une demie heure passée au soleil sur une chaise, puis une heure, puis un après-midi, ton ordi rallumé tu auras l’impression que des tonnes de choses se seront passées loin de toi, parce que des gens auront écrit qu’il s’est passé ça et ça, qu’il s’est effectivement passé mais sur quoi tu n’as pas la moindre prise. Et demain ce sera autre chose, après-demain encore autre chose.
Mais si tu jettes un oeil sur ta chaise, un peu plus loin, tu verras qu’elle n’a pas bougé. Il y aura juste l’ombre que l’arbre jetait sur ta chaise, qui se sera déplacée. Là est le seul mouvement.
« quoi qu’on fasse, on est captif du présent où on évolue et de ce qui en constitue le décor et les arrière-plans »
Ah oui, éveillé ou dormant, couché, assis, clopinant ou allant d’un pas vaillant, seul le présent est la forme réelle de notre réalité commune.
Le passé et le futur ne sont que des gages d’usures alliés à notre cupidité.
@Smolski : Mais certaines choses qui appartiennent à l’éternité, peuvent nous affranchir pour un temps volé de ce présent dont nous sommes les otages. Travailler la terre, le sol comme la glaise sous ses doigts, couper du bois, évoluer sur une crète (sans GPS, juste une bonne carte et une boussole), apprendre à se diriger, la nuit, grâce aux étoiles, les contempler à l’oeil nu, faire l’expérience de la solitude vraie, choisie, en un lieu retiré ; faire l’expérience du vide dans un gouffre, juste éteindre sa lampe, se confronter au silence. Boire à une source. Se baigner nu dans un torrent.
La vie citadine, la vie en société, leurs règles fallacieuses, les faux-semblants qui structurent le rapport à autrui, la diplomatie contrainte, les codes à la con auxquels il faudrait se plier, comme les codes d’appartenance…, la cravate, cette laisse tendue à l’autorité qui nous vient des Croates…
« nous affranchir pour un temps volé de ce présent »
Ce que nous sommes est un dû en soi qui ne prend de sens, de réalité qu’en le partageant, ce qui est le principe même de la liberté. 🙂
@Smolski : Pour moi, à la base, en tant que spécimens, rien ne nous est dû et nous ne devons rien à quiconque. La Société nous conditionne aux droits et au devoirs au gré des religions fraternitaires, des idéologies solidaires – de son fonctionnement même d’ailleurs, et on voit en ce moment à quel point ce principe, à l’épreuve de la nature humaine, est mis en échec (tu en connais beaucoup des gens qui se réclament du trotskisme, de l’anarchie, ou de leur opposé d’extrême-droite – puisque les fascistes ont récupéré le truc – disposés à accueillir des SDF chez eux ? La solidarité s’arrête à un bol de soupe, des couvertures et quelques boîtes de conserve. Pendant ce temps des centaines d’hommes et de femmes crèvent dans la rue, et ça, ça dure depuis que les clochards ont cédé la place aux SDF, aux zonards, aux sans-logis, appelle-les comme tu veux. Heureusement qu’il y a Noël pour vite noyer les culpabilités.)
Je crois que c’est surestimer l’importance de notre passage dans le vivant, ces vocations humanistes préfabriquées. On est là puis on n’est plus là, le temps de quelques décennies, parfois moins, et ça tu le comprends en fréquentant des chantiers de fouilles, en te baladant simplement dans un cimetière où sous les carrés des indigents comme dans les caveaux tout confort des imposants mausolées, on ne trouve que poudre d’os. Regarde le peu d’échos que soulève la perspective de la mise à la fosse commune des restes des poilus de 14 dont les concessions sont arrivées à terme. Encore un truc que les fascistes ont récupéré à leur compte, et dont tout le monde se fout.
Une vie de pauvre c’est un territoire de survie truffé de pièges. Au-dessus de ce statut, tu trimes, tu remplis des papiers, tu raques tes factures. Au-delà, tu n’as que le souci de capitaliser au mieux la fortune qui t’a été léguée. Un « simple » tremblement de terre peut niveler tout ça et le réduire à des discours compassés.
J’ai lu les récits des grandes pestes de 1629 et 1720 dans la région où je vis. Je sais, ça va loin mon raisonnement. Tu lis, rapporté dans ces archives, ce qu’il en est de la solidarité et du partage. De ce qui nous serait dû et que nous aurions à donner.
Lors d’un chantier de travaux publics, il y a quelques années, dans ma petite ville dont dix pour cent de la population avait réchappé à la peste en ces temps-là, les pelleteuses ont mis à jour des amas de crânes et de tibias. On en retrouve à chaque fois qu’on pratique une excavation. Ceux des notables comme ceux des simples paysans qui tous se sont entre-déchirés jusqu’à l’agonie pour pouvoir s’arracher du périmètre maudit, où les refoulaient les archers aux ordres de quelque bureaucrate de l’époque, loin de là.
De quoi relativiser et ce que nous sommes en tant qu’espèce, et ce que la prétendue civilisation voudrait faire de nous.
« On est là puis on n’est plus là, le temps de quelques décennies, parfois moins »
Le temps est une représentation théorique, imaginaire à la réalité qui n’est et demeure elle que l’instant.
La société de conquête a créé la flèche du temps au dessein de nous maintenir esclaves et sages sous son joug indicible, rendus ainsi rêveurs et prisonniers à perpétuité des lendemains qui chantent…
« Ceux qui ne remuent pas leurs chaînes ne les sentent pas. »
Parfois il reste la chaise vide, qui peu à peu se désagrège sous l’effet des intempéries…
brièvement alors (qué ? qu’importe: tous cas et son temps y décrassera)
image: au début construire une paroi, ensuite nous convenir, enfin nous soutenir,
/à chacun ses affinités, personnalité; vivement Noël (?) lui est ponctuel,
Roger est parti au cimetière. Depuis, le banc en pierre sur lequel il a usé ses fonds de pantalons est désespérément vide au carrefour du village. Roger doit regarder d’un œil bienveillant le couple de jeunes gens qui restaurent sa maison en éco-construction. Il sait pas ce que ça veut dire « éco-construction ». Il sait juste que les jeunes ont laissé le banc en pierre à sa place. Ils y useront à leur tour leurs pantalons… dans quelques années. Ils ont encore beaucoup de temps devant eux.
https://www.youtube.com/watch?v=zMLv0o0hvmE
« Quand je faisais mes études au conservatoire de Moscou, on nous enseignait le marxisme-léninisme selon lequel rien de spirituel n’existe. N’existe que le monde matériel. Or, ce qui est matériel est voué à la disparition tandis que ce qu’a créé le génie humain demeure. Je ne me représente pas Beethoven, Mozart ou Bach morts. Pour moi ils sont vivants, simplement sous une autre forme.
La nuit, ce précipité du temps rythmé par une harmonie constamment changeante, le temps de notre existence, le temps entre la naissance et la mort, le temps scandé par ce qui nous attire, comme l’harmonie de Bach, l’amitié et l’amour, le passage des générations… Tout cela nous amène aux confins de la vie à la certitude qu’il s’agit bien de l’œuvre du Créateur et qu’il ne peut en être autrement. »
Slawa Rostropovitch – L’archer indomptable
Don Quichotte Richard Strauss :
http://musictonic.com/music/Rostropovitch+Don+Quichotte#v=n3Ek5kZr8Yc
S’arrêter, s’asseoir pour réfléchir ? Faut bien en profiter, ce sera bientôt considéré comme une activité subversive, à ranger tout près, juste derrière les activités terroristes. D’ailleurs pourquoi penser, ça rend triste, tout le monde sait ça.
» Techniquement, il serait parfaitement simple de réduire à trois ou quatre heures la journée de travail des castes inférieures. Mais en seraient-elles plus heureuses ? Non, nullement. L’expérience a été tentée, il y a plus d’un siècle et demi. […] Ces trois heures et demie de loisir supplémentaire furent si éloignées d’être une source de bonheur, que les gens se voyaient obligés de s’en évader en congé. Le Bureau des Inventions regorge de plans de dispositifs destinés à faire des économies de main-d’œuvre. Et pourquoi ne les mettons-nous pas à exécution ? Pour le bien des travailleurs ; ce serait cruauté pure de leur infliger des loisirs excessifs. » (Le Meilleur des mondes).
Oui, c’est plus dans ce sens que je pensais aux vieux sur leur chaise : le fait subversif en soit que de regarder la vie réelle sans l’intermédiation d’un écran (même pas d’une fenêtre!).
La vie réelle, concept bien flou. C’est ce genre d’arguments dont nous assomment les guignols comme Macron qui se prétendent pragmatiques, ancrés dans le réel…
La vie réelle, ce sont des sensations, des bruits, des couleurs, des odeurs pris objectivement, et ce qu’on en fait, soi. C’est le rapport à l’autre, animal, insecte, bipède. C’est le rapport aux objets, le mur, la façade, le talus, la rue, la chaise. C’est le rapport au fonctionnement de ton environnement, aux règles posées par cet environnement, humaines comme naturelles : tu regardes avant de traverser, tu te hasardes à passer un gué quand l’eau est basse, à éviter les fondrières sur le chemin, tu échanges trois pommes contre ce qu’elles pèsent de thunes.
Le réel de Macron est celui des technocrates. Ses règles sont la loi de la jungle. Lâche Macron dans une forêt, même pas une jungle, à la tombée du jour il fait dans son froc. Une fois qu’il a chié, qu’il s’est congelé les fesses au pied d’un arbre en attendant le lever du jour, il saura, en vertu de son pragmatisme, qu’on s’équipe pour passer la nuit dans une forêt, notamment de PQ.
L’interface de votre blog est très étrange vu de mon smartphone..le fil de commentaires est parfois très mince,comme écrit sur une languette,pas aisé a lire.
Amusons nous,intéressons nous même,a Octave Mirbeau et ces braves,âgées,chez lesquels il s’est rendu et recueillera quelques phrases de la femme,la nouvelle est « les bouches inutiles » La femme a son homme dit,par exemple « t’as travaillé t’as mangé,tu travailles plus tu manges plus,c’est clair et loyale comme le meurtre » lui admet,se remémore,se résigne pour son dernier sommeil.
Ce sont surtout les commentaires ou il y a d’autres choses qui vous dérangent? N’hésitez pas à m’en parler.
Ta fille est donc déjà au collège ?
J’ai encore en tête la musique du joli récit de son entrée à l’école.
J’aimerais bien que beaucoup puissent encore la lire ou la relire.
Je ne sais plus… j’ai retrouvé 3 textes sur ma fille :
Quelques jours avec toi
Le pas précipité de la donzelle
L’âge de raison
Mais il y en a eu d’autres… En plus, elle est en train de finir le collège. Dans quelques mois, c’est destination lycée…
Ouh la la, alors il y a si longtemps que je lis le Monolecte?
Merci d’avoir cherché. J’ai lu ou relu les 3 propositions.
C’est peut-être moi qui ai reconstruit ; j’ai le souvenir de l’émotion d’une maman qui regarde sa fille s’éloigner vers sa vie pour la première fois.
Peut-être vers la maternelle ?
Mais bon, je vais garder la musique qu’il m’en reste.
Car vous écrivez bien et parfois particulièrement bien.
Dans la famille des vieux à chaises, je citerais les vieilles à pliant, moins enclines à la contemplation, occupées à tricoter, à lire, à faire des mots croisés. Moins souvent seules aussi. Celle à qui je pense l’est. Assise tous les après-midis sur le parvis de la cathédrale qui, curieusement est orienté au sud. Il fait très froid, malgré un soleil radieux. Elle est là, invariablement boudinée dans sa robe-blouse, jambes nues, coiffée d’un chapeau de paille, plongée dans ses mots fléchés. Lorsque le soleil « tourne », elle déplace son pliant pour échapper à l’ombre d’un contrefort. Jusqu’à ce que le soleil décline et que le froid du soir, térébrant, s’installe. Il peut faire aussi froid sur ce parvis qu’il y fait chaud en été, un oeuf cuirait au mois d’août sur les dalles du parvis jonchées de fientes de pigeons. L’été, elle reste chez elle, à l’ombre, volets tirés, comme on en a l’habitude dans le sud.
Il faut parfois lui faire remarquer qu’il fait très froid. Tout à l’heure, je suis passé, elle grelottait. De retour, cinq minutes après, elle avait levé le camp.
« Arrête toutes les horloges, coupe le téléphone,
Jette un os juteux au chien pour qu’il cesse d’aboyer,
Fais taire les pianos et avec un tambour étouffé
Sors le cercueil, fais entrer les pleureuses. »
W H Auden