La plupart du temps, j’ai foi en l’homme, je pense qu’il est possible de se mettre à ramer tous ensemble dans la bonne direction, pour aller vers quelque chose de meilleur, de plus grand, pour le plus grand nombre.
Et puis, il y a des périodes plus sombres où tout me dégoûte, où la mesquinerie l’emporte, où je ne supporte plus mes congénères, où j’ai juste envie de me retirer de tout en disant qu’en général, on n’hérite que de la merde que l’on mérite.
Donc, en ce moment, je suis plutôt dans une période down. Non pas que ma vie aille plus mal que d’habitude, ce serait même plutôt le contraire, mais il y a des moments comme ça où je sature de connerie humaine. En général, ça se voit ici, parce que j’écris nettement moins. Ce que j’ai à dire est tellement peu sympathique que je préfère en épargner le reste du monde mon cyber pâté de maisons. J’ai toujours pensé qu’on n’arrive pas à grand chose de bon en traitant l’autre de gros connard, mais il faut bien dire que des fois, on ne voit plus guère que le coup de pied au cul pour réveiller les consciences engourdies.
Les violences faites aux chômeurs
Dans les trucs qui me révulsent le plus, il y a, encore et toujours, le mal-traitement du chômage, la stigmatisation sans fin de ceux qui en sont victimes et l’absolution générale des négriers de bas étage. La France entière a fait mine de découvrir, suite à une émission de télévision, les sales pratiques des grandes surfaces envers leurs salariés et la cascade monstrueuse de moyens illégaux mis en œuvre dans ces sweet shops modernes pour asservir le salarié. Vite, tout le monde s’est indigné. Et après? Ben le CNE/CPE continue son petit bonhomme de chemin et je n’ai pas entendu parler d’une quelconque ouverture d’enquête sur les pratiques illégales de Carrouf’ et des ses petits copains. Peut-être que quelque part, un juge a été saisi pour enquêter sur ces attentes graves à la vie privée et aux droits fondamentaux des salariés, peut-être, oui, je me dis que cela ne devrait pas être possible autrement, mais quoi qu’il en soit, silence radio sur la question. Et après avoir été horrifiés une ou deux heures, les gentils téléspectateurs sont allés se coucher et le lendemain, on a retrouvé les Che Guevara de salon en train de pousser tranquillement leur caddie sur les lieux du crime, l’esprit probablement plus occupé par le dernier fait divers à la mode.
L’impunité totale dont jouit la fière race supérieure de l’entrepreneur sévèrement burné se voit particulièrement bien quand on s’intéresse au sort des chômeurs et des précaires. Sur Actuchômage, association de chômeurs pas résignés, c’est la litanie de ceux qui se font écraser la gueule par le système, au nom de l’économisme triomphant. Qu’importe le sort fait à une minorité de plus en plus importante de nos concitoyens, pourvu que la caste des décideurs prospère ou que les stats économiques soient bonnes. Tracasseries administratives invraisemblables, pressions en tout genre, insultes, stages bidons de déstructuration psychologique, mise à disposition gracieuse de demandeurs d’emploi à des employeurs qui n’en peuvent plus de ne plus vouloir payer leurs salariés, la plupart des insiders ignorent tout du sort des chômeurs et c’est tant mieux pour eux. Ça leur permet de balancer des jugements à l’emporte-pièces sur la manière de cravacher ce gros tas de feignasses, tout en les confortant dans l’idée pernicieuse que le chômage ne s’abat que sur ceux qui le méritent, les bras cassés, les goitreux, les mous du bide, les sales cons, les blaireaux, les bas du cul, les atrophiés du bulbe, les pas sympa, bref, tous, mais pas eux, eux, les méritants, les bosseurs, les qui s’enfilent les heures sup’ non payées avec le sourire, les zélés de la brosse à reluire, les clébards qui font le beau, les brasseurs d’air, tous ceux qui pensent encore que leur empressement à se soumettre leur garanti le royaume des cieux.
Anesthésie générale
Je sais bien que la misanthropie épidermique n’apporte aucune solution, mais juste le soulagement temporaire de se fermer aux perceptions du monde. Les gens sont cons. Vraiment. Ce sont des veaux. Ils ont moins de mémoire vive qu’un téléphone de salon. Ils n’apprennent rien et ne veulent rien apprendre : ça risquerait de les fatiguer. Ils sont vides. Ce sont des caisses de résonance sur lesquelles se joue la palette des émotions mauvaises. Ils rabâchent comme des débiles les leçons apprises à la télé : les chômeurs sont des fainéants, les arabes sont des extrémistes dangereux, je dépense donc je suis, c’est le moment d’acheter une maison à 3 ou 4 fois sa valeur réelle, avec un 4X4, je suis fort, puissant, comme un animal sauvage qui va s’échouer sur un trottoir du 15ème arrondissement, les fonctionnaires, se sont tous des feignasses privilégiées.
De la bouillie qui empreigne leur cortex, combien de pensées qui leur sont propres, combien d’idées élaborées par eux-mêmes? Les cerveaux disponibles, ça ne sert pas qu’à y coller des slogans publicitaires. Ou ça ne sert qu’à ça, si l’on admet que le fait politique n’est qu’un produit comme un autre.
Le truc du jour, ce qui retient l’attention de tous, c’est le fait divers sordide d’un gars qui a été enlevé, torturé et tué de sale manière. C’est un fait divers. Des histoires comme ça, j’en vois chaque matin à la devanture de mon marchand de journaux. C’est moche, ça conforte dans la misanthropie ordinaire. Mais les médias et les politiques s’en sont emparé, ils montent l’affaire en épingle, hurlent à l’acte antisémite, en font une affaire d’État. On a déjà tous oublié l’affaire du RER D ou des accusés d’Outreau[1] dans la catégorie du fait divers monté en mayonnaise. Nous sommes sortis du champ de la pensée rationnelle, de l’esprit critique, on surfe sur l’émotionnel, on cultive la politique de l’indignation.
Hier soir, au milieu des hurlements de la meute des chiens de garde[2], j’ai entendu sur France Inter, au "téléphone sonne", la petite voix fluette de la raison. J’aimerais bien savoir à qui elle appartenait, qui a osé, au-dessus de la logorrhée collective, dire que l’on parlait sans savoir, que l’enquête ne faisait que commencer, qu’il était totalement prématuré de crier au loup, que les politiques se précipitaient dans le bain de l’émotion collective, que nous étions dans la gouvernance de l’indignation et qu’il fallait peut-être se demander ce que cette diversion médiatique pouvait bien faire disparaître de la scène publique.
Oui, j’aimerais vraiment savoir à qui appartenait cette voix calme et posée. Parce que j’ai parfois besoin de ce genre de chose pour recommencer à croire que tout n’est pas foutu, que tout le monde n’est pas totalement abruti et manipulé, qu’il est encore possible de penser par soi-même et de convaincre les autres d’en faire autant et de tout passer au filtre nécessaire de l’esprit critique.
La voix, c’était celle de Laurent Mucchielli.
Merci pour la réponse 🙂
Et c’est qui?
Il se présente lui-même : http://laurent.mucchielli.free.fr/
C’est un sociologue spécialiste des questions d’insécurités. Il a notemment écrit un livre sur le phénomène médiatiques des tournantes qui lui a valu d’être devenu le pire ennemi des « Ni putes ni soumises ». il est complètement à contre courant. Tu trouveras facilement nombres de ses écrits sur le net. Je te recommande leurs lecture. Tiens j’avais bookmarqué son site : http://laurent.mucchielli.free.fr/
Oh putain je me suis fait prendre de vitesse, j’ai l’air con.
Mais non, ce n’est pas possible. Je vous remercie tous les deux. Un sociologue! Remarque, j’aurais du m’en douter… 😉
En début de semaine, je me suis abonné à une revue dont Etienne (Chouard) donnait l’adresse sur son journal. Je viens de recevoir le premier numéro par mail. La première moitié est consacrée à l’affaire d’Ilan, où l’on revient avec insistance sur le fait qu’il était juif, que ce crime est donc antisémite, que les quartiers sont pleins de violence, que des méchants prédicateurs tentent d’importer le conflit israélo-palestinien, que c’est mal, qu’ils sont embrigadés. J’ai soupiré. Je me suis demandé si je devais de suite me désabonner… et j’ai lu la suite, ça parlait du CNE, j’ai vu quelques signatures intéressantes. Je ne regrette finalement pas trop d’avoir imprimé ce truc… pour le lire plus tard dans le tram’.
Mais tout de même. Est-ce que ce n’est pas suffisant qu’il ait été torturé pour s’en indigner ? Est-il vraiment utile de ressasser le couplet de l’antisémitisme ? Parce qu’après tout, peu importe la justification, le plus grave, c’est tout de même que des jeunes gens bien de chez nous aient cru qu’il était possible de torturer… est-ce que c’est moins grave de torturer si c’est parce que le mec est gros, est irakien ou qu’il est communiste ?
Enfin, dans toutes ces commisérations communautaristes, ce qui me révulse une nouvelle fois, c’est qu’il n’y a personne pour rappeler que si le conflit s’exporte jusque chez nous, c’est parce qu’il existe ce conflit, c’est parce que ce conflit est odieux, injuste, horrible. Dans Politis hier, j’ai lu la présentation d’un documentaire, « Masaker », qui relate « Sabra et Chatila » (1982) raconté par 6 bourreaux de l’époque. C’était la nausée à la suite de cette lecture. Comme à chaque fois que je lis des choses sur ce conflit. Suis-je embrigadé ? Suis-je manipulé ? Ou est-ce que les faits sont vraiment horribles ? Suis-manipulé ? Ou est-ce qu’en effet, NOUS, les occidentaux, laissons un Etat agir de la pire façon ? Pourquoi est-ce que l’Apartheid a été dénoncée, et pourquoi est-ce que nous avons encore des relations avec ce pays ? (Pire, nous leur construisons un tram’ qui ressemblera à ceux de nos villes… et qui ne désservira que les colonies, en évitant soigneusement d’y placer des arrêts sur les territoires israéliens). L’ANC c’est un peu comme le Hamas non ? Les activistes de l’ANC, ils étaient emprisonnés pour des actes de terrorisme ? Alors pourquoi est-ce que l’ANC a été portée aux nues, et pourquoi est-ce que l’ANC est un parti de gouvernement désormais ? Je sais je mélange tout… mais j’ai du mal avec les faits, et j’ai du mal à les trier correctement. Après la lecture de l’article sur Massaker, je me suis demandé comment un jour ils pourraient faire la paix.
Voilà tout ce que cet évènement que tu décris ce matin me renvoie ce matin aussi.
Et il y a l’indifférence dont tu parles. Je me suis fait le même genre de réflexion un jour que je lisais des commentaires sur le blog de JLM. Je me suis demandé comment JLM pourrait mettre en oeuvre ses enseignements vénézueliens et boliviens de retour dans les milieu qu’il fréquente en France, le PS, les milieux de militants, la France en général… où tous, nous raisonnons avec nos petits sectarismes personnels, à envoyer valdinguer la moindre idée originale avec force cynisme. Je repense alors à la réunion des gauches anti-libérales, à la façon dont les rapprochements du début de l’année semblent avoir échoué, à la façon dont le PS semble vouloir faire cavalier seul s’il n’est pas leader, à la façon dont les médias mettent en avant « pour le camp de la gauche » une femme qui n’est pas connue pour ses positions de gauchiste.
Mes réflexions m’amènent à chaque fois à la même réponse-question : Est-ce qu’il nous faudra revenir au même dénuement qu’en Amérique du Sud pour réagir tous ensembles et former un mouvement social un peu plus réactif qu’actuellement ?
Non, surement pas, il est plus judicieux de :
1 Préparer la liste des courses pour le carrefour de ct’aprèm.
2 Recalculer les traites à payer pour le pavillon « Samsuffit »
3 Signer la pet. pour que Ségolène ce présente, elle qui n’a rien à dire où si peu, en 2007
4 Penser à acheter le télérama afin de faire taire tte rumeure sur ma droite.
5 Ne plus dire c’est pire que tout mais dire c’est mieux que rien.
6 Et jusqu’ici tout va bien…
Ouah ! dire qu’il y a peu tu nous proposais une pause tendresse.
Il y a 10 ans de cela…oups non 15 ans déjà, je prédisais la révolution pour demain…finalement je me suis rendu compte qu’en effet les gens sont des veaux et qu’il va falloir que la situation soit encore bien pire pour que les choses changent…c’est à se demander s’il ne faudrait pas voter plus à droite histoire de donner un coup de pouce au déclin social :-S
Bon moi j’ai pas le choix, je dois croire en l’avenir – j’ai deux bonnes raisons de moins de dix ans pour cela 😀
J’oubliais qu’en plus, en ce moment, il y a un virus dans l’Ain qui permet de commettre de reportages dignes de Groland.
La démonstration est simple à faire, tu prends un pôvre licencié économique au bout du rouleau après 20 ans de SMIG; tu lui propose un contrat « aidé » à la con, genre 600€/par mois, et que fait-il ? Il accepte sans moufté. Il aurait trop à perdre de refuser, selon lui. A coté de chez moi il ferme une entreprise et reclasse (sans vérification possible puisque hors C.E.E) le personnel en Suisse (de 10km à 200Km selon les postes disponibles par le groupe). Sur 139 salariés, 15 employés seulement ont demandé une expertise comptable afin d’éclairer les vrais raisons de cette fermeture. Les autres ont les yeux rivés sur leurs propositions de salaires Suisses et renoncent au plan social de reclassement donc à la prime de licenciement. C’est un coup de poker terrible car de l’autre coté de la frontière, la législation en vigueur est tout autre et en 05 minutes un salarié peut ce voire notifié son licenciement. Ce qui risque de se passer Tout ça pour dire que la révolution n’est pas encore pour demain avec de tels comportements individualistes.
« Des histoires comme ça, j’en vois chaque matin à la devanture de mon marchand de journaux ». Ouh la ! J’ai peur ! T’habite ou ? Parce qu’en France, il parait qu’il n’y a pas d’insecurité, que c’est les mechants de TF1 qui disent ca juste pour embeter les gauchistes. Donc 2 explications:
1. Soit « des histoires comme ça, y’en a pas chaque matin à la devanture de ton marchand de journaux », et donc je me demande bien pourquoi tu bobardises. Ceci etant, le fait actuel est bien reel, et il est donc interessant d’en parler, et d’essayer de trouver des solutions pour que ca ne se reproduise plus (Nico a des idées, lui !)
2. Y’a effectivement des histoires comme ca assez frequement, comme tu le suggeres, et là nos amis « gauchistes » sont mal à l’aise et ont toutes les raisons d’avoir peur qu’un avril 2002 se reproduise. Heureusement, notre Nico sera là pour nous sauver de la bête immonde à un oeil 🙂
Ca va etre drole ce nouveau defilé de pince-à-linge sur le nez 🙂
Dans un pays de plus de 60 millions de personnes, je ne trouve pas extraordinaire qu’il y ait de quoi nourrir chaque semaine la presse tabloïde.
Faudrait voir les stats, mais les crimes de sang, ça doit tout de même faire moins de victimes par an que les accidents de la route, quelques milliers de cas. Mettons, au hasard, 5000 cas/an, soit un cas sur 12 600 habitants (et je pense que le mari jaloux, la femme battue et autre truc classique, ça doit en faire déjà pas mal), donc pas un truc monstrueux, la clope ou le cancer tuent bien plus, mais les mêmes 5000 cas, ça fait près de 14 histoires tragiques par jour pour l’ensemble du territoire, soit pas moins de 96 récits crapoteux à se trier chaque semaine pour aguicher le chaland de sordide à la devanture de mon marchand de presse…
Si on s’en réfère à cet article de juin 2004 de l’Express, je suis très loin du compte, une vraie goule assoifée de sang : entre 1000 et 1500 homicide par an en France. Et attention, dans homicide, il y a aussi les homicides involontaires… purée! Finalement, nous sommes bien meilleurs que je ne le pensais…
Voir aussi les stats 2001 du ministère de l’intérieur ou comment les chiffres de la criminalité permettent d’additionner des carottes et des patates.
Je rajoute que ça va faire 5 ans qu’on bouffe de la politique de droite *répressive* et « salvatrice », et que visiblement, les « gangs » à l’américaine ne font que devenir de jour en jour plus réels dans nos contrées. Je sais que Sarko est amoureux du modèle américain, mais de là à transformer nos morveux en ultra-violents sauce « L.A. », j’vois pas le progrès.
Plus récent, à télécharger en PDF, la dernière grille des crimes et délits pour 2004.
Si on rapporte ces chiffres sur la totalité de la population, on se rend compte qu’on est loin de vivre dans un pays insécure.
Pinaise… Quand t’es énervée, tu te rapproches pas mal de mon état d’esprit général, finalement… 😉
Allez, on se détend encore un peu les axones du fondement, c’est presque ça …
Et sarkofacho, le gauchiste, tu sais ce qui te dit? Enfin’ sois sérieux ne balance pas sur ce blog en l’occurence, ta diarhrée idéologique de beauf carricaturale et nauséabonde, tu me décois fils. Reviens tu seras pardonner, tout peut s’oublier…
Laisse tomber, il a pas compris que Le Pen risque de ne pas être candidat cette fois (les 500 signatures). Si jamais la nouvelle tombe, ça va être beau. Débarrassés de ce populiste, c’est l’extrême gauche, Sarko ou peut-être De Villiers qui vont se trouver renforcés, Sarko passera de toute façon le premier tour, mais le mouvement TSS sera tellement bien développé que nul ne pourra certifier qu’il sera effectivement élu.
Chère Agnès,
Souvent, moi aussi, je l’avoue, je suis pris de vertige devant l’inconséquence des êtres humains, ces prédateurs suicidaires qui, tels les lemmings, ces petits rongeurs des falaises norvégiennes, semblent prendre un malin plaisir à se précipiter vers le vide dans un suicide collectif.
Le désir effréné des humains pour un Absolu qui n’existe que dans leurs esprits enflammés confine au ridicule. Leur soumission servile aux puissants ou aux dieux, leurs faux-fuyants, leurs faux-semblants, me laissent pantois et effaré.
Pourtant, j’ai la certitude qu’il ‘existe quelques niches où nous réfugier, quelques territoires où nous abriter. Puis-je me permettre de vous raconter cette histoire ?
Autrefois, je pensais que la vie ne méritait d’être vécue que si l’on disposait librement de l’intégrité de ses moyens physiques et mentaux. Je m’étais dit que si j’étais victime d’un handicap insurmontable et définitif, ou si j’étais privé durablement de liberté, mieux valait mourir à l’instant. J’en étais si convaincu que je m’étais procuré un livre qui avait fait grand bruit à l’époque : Suicide, mode d’emploi.
Et puis j’ai fait la rencontre de quelqu’un qui allait pulvériser ma belle ligne de conduite. C’était un homme tout ce qu’il y a d’ordinaire. Très intéressant, mais ordinaire. Origine hongroise, juif.
Plus tard, j’ai appris qu’il avait passé une partie de son adolescence à Auschwitz, proie facile de la démence des hommes. Il s’en était tiré et s’était retrouvé dans une région de Hongrie qui venait d’être annexée à la Tchécoslovaquie. Les frontières étaient fermées, mais il parvint à regagner Budapest… où, jeune adulte, il fut emprisonné par le pouvoir stalinien pour ses opinions et son engagement politique.
Après plusieurs tentatives d’évasion, au tout début des années cinquante, il réussit à fuir sous un train et, malade, échoua en Autriche, puis en France. Il s’y reconstruisit peu à peu une vie simple et honorable, ordinaire comme je l’ai dit : une femme, des enfants, un métier qui n’était sans doute pas celui auquel il aspirait, mais tout à fait respectable. Il n’évoquait jamais son aventure passée avec ses proches.
Vint l’âge de la retraite. Il reprit aussitôt les études de philosophie qu’il avait été contraint d’abandonner autrefois. Au même moment, un mal incurable commença à ronger son corps. Un de ces cancers sinistres qui ne vous laissent aucune chance. Son agonie, terrible, allait durer quatre années. Il continua à se rendre à l’université jusqu’à l’extrême limite de ses forces, mais dut bientôt renoncer.
Ses jours étaient maintenant comptés. Lors d’une des dernières brèves périodes d’accalmie que la maladie accorde parfois aux agonisants, il me demanda de lui procurer un livre de philosophie, un ouvrage très épais, très savant, que je m’empressais de lui apporter. Il mourut une semaine après.
Quelques mois plus tard, je me rendis chez sa veuve. J’aperçus l’ouvrage de philosophie sur une étagère de la bibliothèque. Je le pris, l’ouvris. Presque toutes les pages étaient annotées de sa main.
Maintenant, vous comprenez, mon seul souci est d’essayer d’être à la hauteur de ce monsieur. Et je cède un peu moins souvent à la tentation du désespoir.
J’avais entrepris une réponse au vitriol et je me suis imprégné de ton texte, éffectivement, c’est une belle épopé, et puis j’ai pensé à mon grand père mort en 85 et ancien des brigades internationales en Espagne, résistant communiste, qui disait en substance ce que vous évoquer, c’est à dire qu’une vie ne suffit pas à apprendre et à penser… C’est un peu con mais bon… Bravo el yeti. très joli texte.
C’est presque ça, mais j’espère jamais ça ! Quoique Bayrou face à ségolèneholande ?
Dali à Picasso sur guarnica « … c’est vous qui avez fait ça? » Picasso : « Non c’est vous. »
une autre pensée morose qui me révolte de plus en plus, ces temps-ci : dans tous les journaux, on peut lire/entendre : « chrétiens, musulmans et juifs unis contre le racisme et la barbarie »
…
euh… et moi, les gars ? moi, qui pensais vivre dans un pays laïque, où les gens n’étaient pas considérés en fonction ni de leur origine, ni de leur religion, ni de leur sexe…? moi, je n’existe plus, je n’ai pas le droit d’être contre la barbarie et le racisme, moi qui ne suis ni chrétienne, ni musulmane, ni juive ?
le jour où apparaît un « mouvement des athées », je fuis dans les îles…
une autre pensée morose qui me révolte de plus en plus, ces temps-ci : dans tous les journaux, on peut lire/entendre : « chrétiens, musulmans et juifs unis contre le racisme et la barbarie »
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euh… et moi, les gars ? moi, qui pensais vivre dans un pays laïque, où les gens n’étaient pas considérés en fonction ni de leur origine, ni de leur religion, ni de leur sexe…? moi, je n’existe plus, je n’ai pas le droit d’être contre la barbarie et le racisme, moi qui ne suis ni chrétienne, ni musulmane, ni juive ?
le jour où apparaît un « mouvement des athées », je fuis dans les îles…
J’arrive un peu tard dans le débat, mais je suis moi aussi souvent sujet à ce genre de misanthropie devant l’inanité des réactions des foules.
Je voulais préciser que j’ai entendu, sur cette affaire, une brave citoyenne se plaindre de
. Et parfois, devant l’insondable de la connerie humaine, les bras m’en tombent….Reste qu’après tout, l’ensemble n’est qu’un problème de connaissance des autres, de l’autre, et c’est peut-être l’abandon du rôle de « confronteur d’origines » de l’école qui est une des sources d’un tel malaise ?
Mais après tout,
…