Déconsommation accélérée en temps de paix.
Finalement, on n’apprécie ce que l’on a qu’au moment où on le perd.
C’est ballot.
La satisfaction par l’absence. La fin du confort signe ses inénarrables bienfaits.
Ça a commencé par l’eau. En fait, ça a commencé bien avant, avant même la tempête où j’ai pris conscience de notre terrible vulnérabilité, de notre dépendance à l’énergie, où j’ai ressenti, pour la première fois, la nostalgie du quotidien. En fait, ça a commencé avant même le jour où mon père a troqué la Commodore pour la 4L. C’est comme si j’appartenais à la dernière génération qui a pu entrevoir le formidable bonheur consumériste au moment même où les cornes de l’abondance ont commencé à se tarir, ou plutôt, au moment où les plus gros convives ont commencé à refermer les portes de la salle du banquet au nez des nouveaux arrivants.
Du coup, on s’habitue à se souvenir des bonnes choses.
Comme de la sensation quasi orgasmique que peut procurer une bonne douche bien chaude de bon matin.
Ce n’est rien une douche, de nos jours, c’est le RSA du confort moderne, le minimum vital sans lequel on est en droit de gueuler pendant des heures au guichet. N’empêche que quand la régie intercommunale a décidé de réparer notre château d’eau, j’ai ressenti avec une précision douloureuse l’absence d’un débit suffisant d’eau. J’ai passé une petite quinzaine de jours à glapir sous un petit filet anémique de flotte tiédasse et pas réconfortante pour un sou. À moment donné, j’ai même envisagé de me raser le crâne pour m’épargner l’épreuve du rinçage sans fin de l’après-shampoing dans l’extravagante longueur de ma chevelure.
Puis, la pression est revenue et la première chose que j’ai faite, c’est me prendre l’explosion de mon pommeau hors d’âge de douche en pleine poire.
Autant dire que cela m’a beaucoup, beaucoup contrariée.
Par contre, je ne saurais décrire l’incroyable impudeur de la première douche après le remplacement du pommeau. Un jet parfaitement adapté en largeur et en puissance pour obtenir une magnifique pluie tropicale en plein mois de décembre. J’ai vraiment adoré cette douche. Et la suivante. Et celle d’après. En fait, je ne m’en lasse carrément pas tout en sachant qu’il est complètement vain de vouloir partager cette toute nouvelle félicité qui est probablement parfaitement incompréhensible pour 99 % de la population de ce pays. Se pâmer du simple plaisir d’une bonne douche, voilà qui est absolument incongru dans le cinquième pays le plus riche du monde.
D’un autre côté, s’il y a vraiment un truc que je fuis de plus en plus comme la peste et le choléra réunis, ce sont les courses.
Pousser connement un charriot rétif et couinant dans un hangar en taule ondulée encombré de longues travées de choses remarquablement inutiles et clinquantes dans le meilleur des cas, potentiellement toxiques et délétères, le tout dans un brouhaha de musique dégoulinante, au milieu d’autres pousseurs de charriots rétifs, au regard vide et au rictus concentré, est l’une des activités les moins intéressantes et stimulantes que je connaisse.
Sans compter que tout cela se fait aux dépens d’un temps de vie affreusement étriqué et dans un contexte économique tendu où chaque transaction commerciale ressemble de plus en plus à un braquage à main armée. Au final, on rentre dans sa tanière, épuisé et vaguement nauséeux, lesté d’une nouvelle cargaison de choses inutiles et clinquantes qu’il faudra entasser dans une nouvelle armoire fabriquée par des esclaves au bout du monde.
Et en ce moment, c’est encore pire que le reste de l’année.
Je touche au but. J’ai acheté des choses meilleures que d’habitude, parce que si on n’achète pas des choses meilleures que d’habitude, on a l’impression d’être un peu un pissefroid, un traitre à la patrie et un mauvais parent, tout à la fois. J’ai fait une folie, un plaid double couche ultra doux qui permettra de lutter longtemps et efficacement contre l’inflation énergétique qui refroidit lentement et surement l’intérieur de nos tanières. Le frigo sera un peu plus plein, ce soir, je pense que j’ai bien lu toutes les foutues étiquettes pour ne pas me faire fourguer du chocogras, de l’huile de palme ou une autre merde cancérigène ou moulée au jus d’esclave. J’ai fait attention, tout de même, c’est devenu comme une seconde nature, de faire attention. Tout le temps. À tout. Ça me rappelle un jeu de rôle où il fallait répéter régulièrement au maitre de jeu qu’on était hyper-vigilant, sous peine de se faire buter et virer du jeu sans autre forme de procès.
Bref, j’ai fait mon devoir de bonne petite maitresse de maison, rien d’y penser, ça me fait chier, et en plus, je n’en retire pas le quart de la moitié du bonheur que peut me procurer la bonne douche bien chaude et bien calibrée du matin.
Mais bon, le récif des caisses barre l’horizon avant le retour au port, et je godille avec une petite joie, quand même, vers la file immobile qui attend.
Devant la caisse, il y a une femme qui a l’air de discuter civilement du beau temps et des fêtes qui approchent bêtement. La caissière sourit, mais plutôt vers les autres, qui attendent. Et là, je remarque que la femme vide son cabas au lieu de le remplir, ce qui est extrêmement contreproductif en bout de caisse.
Un peu plus tôt dans ma déambulation de bagnard, j’ai croisé avec une pointe de satisfaction revancharde, un jeune cadre dynamique dans un assez beau costume noir, plutôt seyant, en train de décharger à grands gestes les palettes de fruits et légumes du magasin. Chaque jour, les salariés du discounter doivent jongler entre les caisses, les palettes, les rayons, les balais et tout le bordel, mais planqués dans leurs blouses informes et règlementaires, ils font juste partie d’un paysage familier. Aujourd’hui, ce sont les arrivages de Noël, des cartons pleins de nourriture pas forcément meilleure, mais assurément plus chère que d’habitude, des objets inutiles et clinquants — en fait, encore plus inutiles et clinquants qu’à l’accoutumée ; c’est ce que l’on nomme l’esprit de Noël — des monceaux de marchandises qu’il faut placer en flux tendu. Et comme les corps cassés de deux salariés n’ont pas répondu présents cette semaine, ce sont les directeurs de secteur qui s’y collent.
Une certaine vision de l’égalité en entreprise.
La caissière appelle le type au costard noir. Il arrive avec une petite clé qu’il introduit dans la caisse. Il s’agit d’annuler les produits surnuméraires de la femme. Devant moi, les gens font mine de regarder à peu près partout sauf vers la caisse et évitent comme des fous de croiser le regard de qui que ce soit. La femme babille tout en commentant ses renoncements. La seule chose qui ne rend pas ce moment totalement insupportable, c’est que par une sorte d’accord tacite, personne ne fait montre de la moindre impatience, ce qui, dans une file d’attente bloquée, est plutôt exceptionnel.
Il n’y avait déjà rien dans son cabas et pourtant, elle arrive à en sortir encore plus. Annulés : la purée en sachet, la bouteille d’huile, la boite de bière à 8,6°. Mais il faut encore en sortir. Elle renâcle à abandonner le pot de mayonnaise et elle s’accroche à un cubi de vin de pays comme une naufragée à sa bouée. Petits sourires entendus entre tous les spectateurs involontaires. J’ai envie d’arrêter le massacre et de payer ce qui manque. Arrêter le jugement de valeur. Je sais qu’elle sait que les autres sourient parce qu’elle ne veut pas lâcher le cubi de picrate. Et j’ai honte parce que je ferme ma gueule et que mes pupilles sont irrésistiblement attirées par la contemplation silencieuse du bout de mes pompes. Et j’ai encore plus honte, alors je la regarde. Elle tient le coup, elle sourit, malgré son vilain coquard à l’œil gauche et sa dégaine de pochetronne arrivée au bout de tout. Elle trouve finalement deux euros supplémentaires au fond d’une poche et embarque son maigre butin tout en continuant à deviser doctement sur l’importance fondamentale de la mayonnaise dans sa gastronomie personnelle.
Je nous déteste tous. Les ricanants, les silencieux, les honteux, les planqués, les plumés, les fins de mois précoces. Les lâches. Les égoïstes.
Je la retrouve dehors, seule avec son cabas lesté de pinard et de gras. Elle appelle un abonné absent sur son portable. Et elle repart à pied, au milieu de la zone commerciale, juste comme ça. Comme si cela était sa vie normale et habituelle.
Parce que cela est sa vie normale et habituelle.
(hello)
(of, moi, j’me suis lavée au lavoir en novembre, j’mettais du carrelage par -2. depuis j’suis hermétique a tout. (corollaire, j’trouve les lambdas lambdas vraiment petits joueurs, mais vraiment)
(et pour le supermarché, j’ai tendance a mettre des boules quies (je sais, j’ai développé un coté autiste))
Bisous
Bonjour/Bonsoir 🙂
J’ai découvert ce blog il y a qqs semaines, et je le suis maintenant avec un intérêt certain. Perso, je vis dans une famille, qui passe pour une famille de radins. Moi, je trouve qu’on fait attention, c’est tout. Pas qu’on soit avare ou qqch comme ça. Et puis on a une tendance à procrastiner, les réparations, toussa. C’est comme ça qu’on a vécu pendant deux ans sans eau courant chaude. On faisait chauffer l’eau sur la cuisinière, puis, dans un seau, on rajoute l’eau courante froide, et on s’lave avec ça en utilisant un pot. Quand on s’est enfin décidés à jeter un oeil à cette chaudière pour la réparer, et que l’eau chaude est revenue, quel bonheur. Alors je vous conseille de tenter l’expérience si vous êtes curieux. 🙂 Ca endurci. Maintenant j’comprends jamais quand j’entends des gens qui se plaignent pcq qu’ils n’ont pas leur petit confort, pcq qu’il faut mettre un pull en plus,etc. Ca m’agace.
Les courses, en plus sous vidéosurveillance…
Avec possibilité de scènes déconcertantes, voire gênantes, comme celle-ci :
"Plan VigiClodo à l’hypermarché, scène de Noël"
http://www.grincant.com/2013/12/14/…
Beau texte, merci. Avez-vous remarqué, Agnès, que les deux commentaires qui précèdent regardent leurs chaussures, eux aussi? La satisfaction par l’absence. C’est ballot.
"Je nous déteste tous." magnifique formulation
et s’il reste en nous quelques velléités de se sentir vivant, il n’est pas certain que d’avoir au moins sauvegardé le fait de se poser des questions nous rachètera de ces gestes que l’on a pas osés faire
http://tungstene.e-monsite.com/page…
J’ai adopté un système pour ranger ma monnaie, une bourse fermée par un cordon.
Dernièrement une pochtronne me demande de l’aider à payer sa carte de téléphone en en brandissant un pour justifier.
J’ai donc vider ma monnaie dans sa main.
Merci qu’elle me dit !
Ah mais non, cela n’est que du partage avec vous madame.
Je ne connais pas le bout de mes souliers sinon quand ils baillent ou se craquellent et qu’il me faut alors décider à les remplacer.
Ton texte m’a fait penser à celui-là :
http://partageux.blogspot.fr/2013/0…
Les gens sont tous restés polis, mais j’ai été profondément blessée par les petits sourires en coin au sujet du cubi. C’était comme si elle avait reposé un pack de patates pour s’arrimer au fameux écran plat dont sont censés se gaver les pauvres trois fois par jour. Sauf que c’était juste un cubi de gros rouge à 7€ et que personne ne connaissait assez sa vie pour juger de son choix. S’il faut, ce n’était même pas pour elle, s’il faut, le gnon qu’elle affichait venait de ce qu’elle n’avait rapporté le cubi la dernière fois, putain, qu’est-ce qu’on en sait? S’il y avait eu moins de monde, si je n’avais pas été éloignée au point qu’une intervention se serait forcément vue… Après, c’est chiant aussi, les coups de main. Des fois, c’est plus humiliant encore que les ricanements des dames patronnesses qui vont te faire la leçon des 5 fruits et légumes par jour alors qu’il n’y a que le gros rouge qui te réchauffe dans ton putain d’appart sans chauffage. D’un autre côté, j’ai l’impression qu’elle avait l’humilité extensible.
Et tout ça, c’est quoi? C’est le résultat d’une politique de compression permanente des minimas sociaux, bien en-dessous du seuil de pauvreté, juste scotché à celui de la misère, qu’on préfère ne pas calculer. En tout cas, je ne vois pas en quoi de crever la bouche ouverte aide les gens au bout de tout à décrocher un boulot même pas mieux payé.
Et si, en plus, il leur faut être des bons pauvres!
Cette femme n’était pas une pauvre méritante. Elle n’en avait qu’encore plus besoin d’aide.
@monolecte : " […] À moment donné, j’ai même envisagé de me raser le crâne pour m’épargner l’épreuve du rinçage sans fin de l’après-shampoing dans l’extravagante longueur de ma chevelure. […]"
Chez nous on test ça en ce moment : http://antigonexxi.com/2013/10/23/l…
Bonjour,
Pendant une période et bien que ce ne soit pas mon caractère, j’ai aussi eu tendance à regarder le bout de mes pompes. C’est peut être pour ça que je suis parti en dépression, ou l’inverse. Bref.
Je regarde à nouveau les gens, tous les gens et tout le temps, dans les yeux, sans jugement pour ceux qui sont pauvres ou dans la merde.
Et bien, je crois qu’ils le savent immédiatement que je les juge pas.
Agnès, ton billet, je l’ai trouvé si bien que je n’ai pas réagi de prime abord. Il n’y avait rien à ajouter. Un peu comme ce texte re-publié chez moi dont Gavroche a donné le lien plus haut.
Dans le commentaire 9, tu soulèves une question centrale qui agite beaucoup tous ceux qui interrogent les pratiques des travailleurs sociaux comme des bénévoles caritatifs. Est-ce qu’un logement, ça se mérite ? Est-ce que manger à sa faim, ça se mérite ? Est-ce que se faire soigner, ça se mérite ? Est-ce que pouvoir s’offrir un petit plaisir, ça se mérite ?
J’ai vu une dame bousculer ainsi très fortement tout un groupe de bénévoles du Secours catholique : elle savait fort bien retourner les arguments usuels de ces gens — contre eux-mêmes ! — pour les mettre devant leurs contradictions insolubles.
@agnes
mon père a l’habitude de dire : "trop pour mourir et pas assez pour vivre". C’est une assez bonne description. Je dois avouer que j’ai baissé les bras. Les gens se satisfont de ce qu’ils ont et lorsque tu commences à émettre une idée que peut être on pourrait faire un truc un poil plus égalitaire, on te méprise en te prenant pour un con.
Bon, le truc aussi, c’est que chacun regarde celui qu’il a en dessous de lui en imaginant que bon, faut pas rêver j’ai eu ce que j’ai eu grâce à moi, je veux pas que l’autre en dessous cela lui soit apporté sur un plateau.
Et celui qui n’a personne en dessous, il est invisible sur les radars et personne lui demande son avis. Le pire du pire, si on veut, c’est que ce comportement est encore plus prégnant chez les gens de gauche et les cathos (pour le dire à la hache). Mais je pense que cela vient de cette notion de communauté : en pensant groupe, on peut s’abstraire de la souffrance de l’autre et s’imaginer qu’il faut résoudre les problème de tous (même si on doit en laisser crever une pelle) plutôt que chaque cas individuels.
Alors, il y a des tas d’assoc, qui font pour les pauvres… et qui sont financés par les dons des pauvres (les moins pauvres que les plus pauvres). Ce recyclage de misère permet aux gouvernements successifs de s’affranchir de gérer son peuple et continuer à se la jouer seigneurs aux Gmachins à se tartiner du foie gras sur de la baguette, parce qu’on a même pas le temps de manger lol.
Cette solidarité contre productive en terme de lutte des classes permet de calmer ceux qui sont en vrai manque et fait perdurer le système. Lorsque tu donnes 4 sachets de nouilles de ton kaddy à 30 euros de produits de sous marque, tu évites que les destinataires demandent à l’état pourquoi ils n’ont même pas assez à manger, tu évites les révoltes, tu fais perdurer le système.
Maintenant tout le monde s’en claque, "zavéka voté"
lol ou pas…
herve_02 post12
"Cette solidarité contre productive en terme de lutte des classes"
C’est tout l’inverse, la solidarité fonde la lutte parce qu’elle a un sens pour chacun de ceux qui la partagent.
Actuellement, tu remarqueras que la montée aux pouvoirs des courants religieux en afrique se développe par la manipulation d’une solidarité expansive sur le terrain de la misère afin d’y gagner de la crédibilité auprès de ceux qu’ils rassemblent ainsi dans leurs girons devançant nettement et en tout point les partisans républicains qui ne bénéficient pas eux de ce soutien parce qu’ils demeurent invisibles au quotidien des opprimés.
Pourquoi, à l’égal des religieux, ne pas renforcer la solidarité du peuple de manière laïque et nous rassembler ainsi pour créer ensemble une république digne, sans élitisme ?
j’ai connu, y a 15 ans, un papy qui achetait des boites de Canigou pour améliorer son ordinaire (15 ans déjà.. je pense qu’il n’est plus là)
on est le 19 décembre.. vin diou ! j’ai encore rien fait (rien-pensé) même pas de sapin cette année.. pourtant, des boules on en a.. (plein)
tiens, j’vais écrire au papa No-nël.. ça sera une première.. t’as son adresse mail ? avant que Sfr me coupe la ligne
j’allais oublier.. Bonnes Fêtes !
@smolsky
pas la peine de s’échanger nos idées, nous ne sommes pas dans le même monde.
je ne partage ce rêve éveillé de ce qu’on peut faire changer le système de l’intérieur, en étant un bon petit citoyen modèle qui aide son prochain en se substituant à l’état qui continu, lui, à écrire les règles du jeux maintenant la domination.
Tu nous déteste tous, mais tu sais très bien que tu te trompes de cible. C’est pas à nous à payer les pots cassés de la financiarisation du capitalisme. On commence à en être les victimes potentielles. Même si on surnage.
Et puis on ne fait pas "attention" on évite simplement le gaspillage. Gaspillage quantitatif et qualitatif. Pourquoi on mangerait autant d’ananas alors que ça pousse pas chez nous. C’est juste le paradis artificiel de la société de gaspillage. Parce qu’il y a bien longtemps qu’on a quitté la société de consommation, mais on continue à l’appeler ainsi par euphémisme, parce que ça nous fait trop mal de voir l’évidence. La preuve, on passe notre temps à se battre contre les calories en trop, tel des militaires, qui brûlent le kérosène pour voir leur budget renouvelé l’année d’après. Comme si "consommer" était une activité. Alors je dis, tu ne devrais pas culpabiliser de regarder tes pieds quand les laisser pour compte mendient leur survie aux propriétaire de yacht.
Je nous déteste, je suis dans le lot. Je nous en veux de nos indignations à deux balles qui nous permettent juste de supporter notre prétendue impuissance. Je nous en veux de nous accoutumer, jour après jour à l’insupportable. je nous en veux de n’être pas encore en train de nous révolter contre l’injustice au quotidien, de ne pas tout casser.
Beau texte Agnès. Merci.
Je pense que la meilleure solidarité, est de contribuer à casser le système. Oui, je sais, c’est ainsi qu’on se fait mal voir, pour oser par exemple mettre en cause la propriété hors droit universel d’usage : tous les bien-pensants qui ont quatre sous de côté détestent. Pourtant, je pense qu’un jour il faudra bien y arriver malgré les hervé_02.
Et c’est là qu’il faut lire ce texte "d’une Camille" de Notre Dame des Landes, une parmi tant d’autres que je connais un peu là-bas : cela permet de remettre en perspective bien des choses.
http://www.presquilegazette.net/pre…
Pour mémoire, des comme elle, il y en a depuis quatre ans maintenant, dans un dénuement joyeux.
j’ai oublié: Bonne Année !
la lutte ? ah y en a, j’en lis.. c’est dommage, elle ne suit pas la variation du prix du fioul (c’est ballot, c’est comme ça k’on dit ?)
oui agnes
tout casser, c’est la seule solution pour redistribuer les cartes et repartir pour un tour de jeu.
@babelouest
qui êtes vous pour pouvoir dire, "malgré les herve_02" ?
Dès que je parles de lutte on me dit d’aller voter et de laisser faire "le peuple de gauche". Je sais ce que j’ai fais de mon coté, je sais ce que cela m’a coûté. Je ne sais rien de vous. je vous laisse le bénéfice du doute pour ne pas vous méprisez, mais c’est parce que je suis de bonne humeur.
C’est bien facile de donner des leçons derrière un clavier, mais lorsque je luttais du coté de chez moi, je ne vous ai pas vu à mes cotés. Alors vos leçons… comment dire…
Il va pourtant bien falloir un jour à s’habituer que sur internet les partages d’opinions différentes ne sont pas des sanctions mais un enrichissement personnel contradictoire proposé à la sagacité de tous et de chacun…
Ça c’est pas gagné non plus ! LOL
@ herve_02
A chacun ses luttes ! La France est grande, le monde encore plus. Et les luttes ne manquent pas.
Quand on n’a que l’amour….. donnons-le à pleines mains !
http://www.youtube.com/watch?v=M3fp…
@ Agnès
Moi, j’essaie de tous nous aimer, plutôt que tous nous détester, ce qui ne sert à rien… avec nos besoin de cubi et pas un sou, ou avec nos petits rictus…
On est tous humains, se détester c’est abandonner la partie.
Cette petite dame que tu décris avait peut être besoin d’aide, mais surement d’amour avant tout, et tous les gens de la queue surement aussi, puis toi aussi, au fond.
Nous sommes bien plus que des nécessiteux matériels, tous autant que nous sommes.
Moi, l’autre jour, c’était deux petits vieux, l’air fatigués, qui venaient faire leurs courses et qui, quand ils ont tendus une liasse de tickets restaurants pour payer, ont déclenchés les cries d’orfraies de la caissière. "Pas plus de deux tickets restaurants désormais, pas plus de deux". Elle parlait bien fort et se répétait pour être sur qu’ils entendent et que tout le monde en profite. Les deux vieux, gênés, ont commencé à rendre ce qu’ils avaient pris, coupables et culpabilisés. Des paquets de pâtes, de riz, le ketchup pour faire passer le goût… "Pas plus de deux tickets restaurants par jour. Revenez demain, si vous voulez", lançait la caissière en déduisant un à un les articles. "Non c’est pas encore assez". Les deux vieux vidaient le caddy. Sortaient l’huile, le sel, s’affairaient de concert pour tenter d’en finir au plus vite. Je suis sûr qu’ils n’ont même pas gardé des choses qui allaient ensemble. Poliment, docilement, ils ont rendu un à un les articles, en s’excusant. Ils sont partis avec des mercis, des au-revoirs, en boitillant, lui claudiquant sur sa canne, elles en avançant difficilement. Invités à revenir tous les jours, même s’ils se déplacent mal. Invités à venir boire leur honte à la caisse tous les jours… à cause de la dernière lubie du patron pour chasser les pauvres et du caporalisme sentencieux de son employée.
https://www.youtube.com/watch?v=FCn…
Le talent qu’il faut pour faire passer tout ça en moins de trois minutes…
Salut Hubert Guillaud,
Ce n’est pas pour toi mais éventuellement pour si le cas se reproduit à l’identique devant quelqu’un.
Tu rachètes tous les bons et tu les utilises toi-même 2 par jour ensuite.
Et tu le fais ostensiblement de manière à ce que toute la file profite de la combine, voire, tu demandes si y’en a parmis eux qui veulent participer joyeusement à cette entraide ! 🙂
" je nous en veux de n’être pas encore en train de nous révolter contre l’injustice au quotidien, de ne pas tout casser."
La révolte c’est d’abord contre le maître qui nous habite et nous rend impuissant auprès des autres plutôt que de tout casser dehors et nous conforter ensuite lâchement de nous-mêmes…
Pour les bons, à noter que ceux qui en prennent peuvent en utiliser deux immédiatement chacun à la suite de la file. LOL
Non, je dis bien et clairement de racheter les bons repas, pas de donner quoique ce soit.
Juste appliquer une combine qui court-circuite le système inique en place et surtout qui aide directement les personnes concernées.
Ah internet qu’on lit toujours en diagonal… 😉
Sortir le porte-monnaie pour aider à payer, j’ai failli le faire un jour quand une maman africaine à laissé la moitié du chariot sur le tapis de la caissière du discounter local. Mais je me suis dit, elle va mal le prendre, elle va se sentir humiliée, elle me connaît pas … etc … Alors j’ai serré mon larfeuille dans ma poche, j’ai regardé mes godasses et j’ai laissé faire. Putain, quelle merde !
tschok post33
"Faut passer du modèle "juste après" au modèle "juste à temps", quoi."
Pour ce qui est de partager le surplus monétaire que j’estime avoir en poche, cela ne m’a jamais posé de problème et j’y engage toujours un instant de discussion sincère pour l’accompagner.
Par exemple, je me suis souviens d’un jeune vagabond blottit sous un porche de chambéry à qui j’ai demandé accroupi près de lui d’où il venait (des pays bas) et d’autres propos de routard, puis de le quitter en lui serrant la main.
J’avais préparé dans la mienne un petit billet de 10 plié (destiné à de la friandise dont j’ai pu me passer avec grand plaisir) qu’il a reçu ainsi le plus amicalement possible.
Faut dire que j’ai déjà un peu mendié, et même parfois un peu plus… 😉
Ça blinde pour ne pas regarder le bout de ses chaussures !
Ce n’est pas seulement le combat qu’on fait qui le/nous justifie mais aussi la manière dont nous nous comportons tout du long pour le mener.
Bonjour Agnès,
Dans votre texte, ce n’est pas la détestation du monde qui, la première, fait son apparition, c’est la honte:
"Et j’ai honte parce que je ferme ma gueule et que mes pupilles sont irrésistiblement attirées par la contemplation silencieuse du bout de mes pompes. Et j’ai encore plus honte, alors je la regarde."
Vu les circonstances, on peut comprendre le sentiment, qui est une sanction que la conscience s’inflige à elle-même notamment lorsqu’elle est confrontée à une situation où on a un désir d’altruisme, mais qui ne trouve pas à s’appliquer parce qu’on se sent impuissant à faire quelque chose, ou qu’on l’est vraiment.
Maintenant, il faut rester raisonnable et ne pas prendre sous sa responsabilité toute la misère du monde. Dans la pensée de gauche, dont vous vous réclamez, il y a une dimension religieuse. Le titre de votre billet aurait d’ailleurs pu être: "Dernier supermarché avant le Jugement Dernier" ou l’Apocalypse. Il y a une eschatologie dans votre récit qui renvoie le narrateur, c’est à dire vous, à une de culpabilité devant la pauvreté. C’est la honte. Puis la colère née de l’impuissance:
"Je nous déteste tous. Les ricanants, les silencieux, les honteux, les planqués, les plumés, les fins de mois précoces. Les lâches. Les égoïstes."
Mais ce qui manque à votre récit, c’est la dimension rédemptrice: bien qu’on parle des courses de Noël, donc de la fête qui commémore la naissance du Christ, héros rédempteur par excellence, il n’y a personne dans votre histoire pour racheter les fautes commises par l’humanité, pour le Salut de tous.
Au com 17, on voit mieux quelles sont ces fautes dont vous ne parlez qu’en filigrane dans votre billet :
"Je nous en veux de nous accoutumer, jour après jour à l’insupportable. je nous en veux de n’être pas encore en train de nous révolter contre l’injustice au quotidien, de ne pas tout casser."
Certes, c’est un peu vague (insupportable, c’est quoi? L’injustice au quotidien, c’est quoi? Se révolter, c’est quoi?) mais on comprend à peu près que si le désir consumériste de la petite dame pouvait être satisfait dans son intégralité, alors vous en seriez plus heureuse que s’il ne l’était pas.
Mais, malheureusement, faute de rédempteur, c’est à dire faute de miracle, on comprend aussi que ce désir ne sera pas satisfait, que la petite dame devra choisir, donc qu’on vit effectivement dans un monde de l’insupportable et de l’injustice au quotidien.
Ca se termine assez logiquement par la critique de soi et de nous (com 17): "Je nous déteste, je suis dans le lot. Je nous en veux de nos indignations à deux balles qui nous permettent juste de supporter notre prétendue impuissance."
Il n’y a pas de rédempteur pour racheter le Salut ou de héros révolutionnaire pour guider la révolte des humbles. Personne ne va faire le boulot à notre place, il faut le faire nous-mêmes. Or on ne le fait pas, donc on se déteste.
Bon, soit. Mais comment ne pas se rendre compte que le raisonnement que vous nous proposez, puisque c’en est un, repose sur des représentations mentales qui sont religieuses (l’impossibilité de l’altruisme, la compassion frustrée, la culpabilité, l’attente déçue du rédempteur, la colère contre soi et nous quand vous constatez qu’il n’y en aura pas)?
Alors qu’à la base vous auriez pu agir et vous le dites vous-même:
"J’ai envie d’arrêter le massacre et de payer ce qui manque."
Sauf que vous ne l’avez pas fait. Vous avez manqué de présence. Vous avez eu, comme on dit, l’esprit d’escalier. C’est seulement après l’événement que vous vous tapez sur le front en vous disant "mais bon sang, c’est bien sûr!". Mais c’est trop tard. Vous êtes le Raymond Souplex des files d’attente, encore qu’il trouvait le truc, lui, mais juste à temps (dans les 5 dernières minutes).
La prochaine fois, plutôt que de convoquer les représentations mentales provenant du fond et l’arrière fond de votre subconscient judéo-chrétien et marxiste léniniste pour faire un beau billet auto-culpabilisant sur l’éternelle misère du monde, le plus simple et le plus sage ne serait-il pas de faire quelque chose, sur le coup?
Et je pense que votre idée était excellente: payer. A vous de voir combien. Bref, faut pas être timide et faut faire ce qu’on a à faire quand ça se présente. Et si on le fait pas, il reste l’esprit Poulidor: essayer de faire mieux la prochaine fois.
Faut passer du modèle "juste après" au modèle "juste à temps", quoi.
Et cette fin d’année n’est-elle pas le meilleur moment pour prendre de bonnes résolutions, justement?
Non?
Sur ce, bonnes fêtes.
@ smolski, com 34,
Les cas de générosité avérés sont, effectivement, souvent le fait de gens qui sont eux-mêmes translatifs (randonneurs, SDF, cheminots, saisonniers, routiers, auto-stoppeurs, pèlerins, prophètes égarés, etc). Le fait d’avoir à translater place l’être humain dans une situation où, assez rapidement, la question de l’accumulation de biens complètement inutiles à sa survie immédiate devient secondaire. Quant aux biens qui sont utiles, à l’expérience, celui qui voyage perçoit rapidement qu’ils le sont encore plus lorsqu’ils sont partagés, parce que le partage crée de la sociabilité. Et la sociabilité, c’est très efficace pour survivre.
Quand on se déplace, la logique de flux est donc un bien en soi.
Les sédentaires sont plus facilement dans l’accumulation: c’est plutôt de la logique de stock (ce qui veut pas dire que c’est mal).
Là-dessus, je vous suis bien.
Mais je diffèrerais peut-être sur un point: la honte.
Je ne suis pas certain que cela soit un sentiment contre lequel il faille qu’on se blinde, pour mieux le répudier. Comme si c’était une maladie.
Après tout, la honte est une sanction que la conscience s’inflige à elle-même, avec le remord et le regret. C’est le signe d’un esprit discipliné qui n’accepte pas la déchéance. C’est une marque de grandeur.
Et puis, c’est surtout un sentiment assez normal, qui traduit pour celui qui l’éprouve la conscience de soi-même, la conscience de son rang s’il s’en est vu attribué un, ou qu’il l’a conquis, et la conscience de sa place, ou de son rôle dans un univers où justement ces degrés de l’être (le soi, le rang, la place et le rôle) n’ont rien d’évident ni de facile.
C’est donc un sentiment avec lequel, comme on disait jadis, un homme bien né (mais c’est valable pour les femmes aussi) devait faire avec, tout au long de sa vie. Et, visiblement, cela n’a pas changé pour Agnès.
En fait, la honte a à voir avec la conscience au moment où elle devient honneur. C’est ce moment de crise qu’elle ausculte.
Et, si on pousse l’analyse sémantique un poil plus loin (vous verrez après que c’est le cas de le dire) je crois que c’est à peu près le seul mot qu’elle ne prononce pas dans ce texte.
Pourtant, elle y fait référence, de façon assez inattendue, en passant par l’image de la femme tondue:
"À moment donné, j’ai même envisagé de me raser le crâne pour m’épargner l’épreuve du rinçage sans fin de l’après-shampoing dans l’extravagante longueur de ma chevelure."
Elle a envisagé de se tondre. Vous savez ce que ça veut dire, bien sûr. On se demande ce que ça vient faire là, même sous les traits de l’humour (la partie du récit avec le pommeau de douche, qui a pour but de nous introduire à la seconde partie du récit, sur la honte).
Ce récit, d’apparence superficiel, traite de problèmes antiques. Et il démarre par une ablution. Une douche, quoi.
http://fr.wikipedia.org/wiki/Abluti…
On est vraiment dans du récit je ne dirais pas biblique, bien que le vocabulaire y soit, mais plutôt baroque.
Ainsi donc, sans trop de risques de se tromper, on peut dire d’Agnès qu’elle est baroque ( c’est la pirouette de fin).
La douche, c’est un contrepoint, le fait que dans la logique de l’accumulation de biens juste pour l’accumulation, aujourd’hui, on en occulte totalement la question de la satisfaction obtenue. On n’a pas une douche parce qu’on trouve que c’est vraiment quelque chose de très agréable ou très utile ou très important, c’est juste parce que c’est considéré comme quelque chose qui va de soit. Il va de soit qu’on aura assez d’eau et de chaleur pour se permettre d’avoir des cheveux longs à entretenir. En fait, la question ne se pose même pas. Quand j’étais gosse, aller chez le médecin quand on était malade était une évidence, quelque chose de l’ordre de la normalité, sur laquelle on ne se posait aucune question. Comme le fait d’avoir chaud en rentrant chez soi et donc, d’être toujours vêtu à l’intérieur comme dans un éternel printemps. On ne le remarquait même pas.
Maintenant, pour beaucoup, quand on a un pet de travers, on commence par voir si ça veut bien passer tout seul, ensuite, on regarde si ça ressemble à un truc qu’on peut traiter avec les moyens du bord, et seulement si on a épuisé les autres possibilités, on va voir le médecin, en sachant qu’on est susceptible de refuser des soins par manque de couverture maladie.
En fait, l’anecdote de la douche parle de l’effondrement de la valeur des choses par rapport à leur prix. Disposer d’une douche quotidienne chaude et abondante est considéré comme sans valeur, sans importance… sauf quand on en est privé. D’ailleurs, la question de l’accès aux douches est toujours un enjeu crucial dans la vie carcérale, précisément, parce qu’elle perd son caractère normal et systématique et devient une chose suffisamment rare pour qu’on y accorde une grande valeur.
Donc, le confort moderne, la sécurité effective, la nourriture suffisante, la socialité, toutes ces choses n’ont plus de valeur, n’offrent plus de satisfaction supplémentaire et pourtant nous sommes tout à fait disposés à en priver d’autres pour une simple question de prix. Je crois qu’il faut être conscient de la violence de la confiscation monétaire actuelle sur tant de personnes pour apprécier la valeur intrinsèque du confort que nous estimons pourtant comme naturel et allant de soi.
« Avez-vous la paix, cet élan serein qui révèle votre pouvoir ?
Avez-vous des souvenirs, ces lueurs en arcade qui coiffent les cimes de l’esprit ?
Avez-vous la beauté, ce chemin qui conduit votre cœur à travers les objets de bois et de pierre jusqu ‘à la montagne sacrée ?
Dites-moi, avez-vous tout cela dans vos maisons ?
Ou plutôt n ‘avez-vous rien d’autre que le confort, cet amour du corps pour le confort, qui rampe pour franchir votre porte en invité et devient votre hôte, puis vous reçoit en maître ?
Et le voici dompteur qui, avec fourche et fouet, vous tire par les fils de vos amples désirs pour en faire des pantins.
Si sa main est de soie, son cœur est de pierre. Il vous berce jusqu ‘au sommeil uniquement pour rester devant votre lit et pour mieux railler la dignité de votre chair. Il se moque de vos cinq sens et, tels des vases fragiles, les dépose dans le duvet du chardon.
En vérité, l’amour du corps pour le confort assassine la passion de l’âme, puis marche en ricanant derrière son cortège funèbre ».
Khalil Gibran – Les maisons
Nous devons tout requestionner dans nos vies, y compris ce que nous appelons le confort, ce qu’il nous est nécessaire de faire pour l’obtenir, et ce qu’il nous apporte quand nous l’avons…
@babel
si le monde est grand, évitez de juger, ca évitera de le rendre encore plus grand.
Plutôt que de réunir, vous n’avez réussi qu’à diviser encore plus, mais c’est sûr VOTRE lutte (si elle existe en vraie), est plus importante que la mienne. Tout le monde le sait.
C’est exactement ce que je dis depuis le début. vous en êtes la démonstration vivante. Chacun son bout de gras. et bien sans moi, mais c’est vous qui avez dit qu’on ferait sans moi ou pire, que l’on ferait MALGRÉ MOI.
C’est pas gagné.
tschok post35
"[la honte] Je ne suis pas certain que cela soit un sentiment contre lequel il faille qu’on se blinde, pour mieux le répudier. Comme si c’était une maladie."
Dans la rue, le partage et l’entraide sont vitales à tous, voilà ce qui nous est enseigné aux tripes dehors, sinon à disparaître (prostitution, alcool, drogue, folie, suicide…).
Ce qui n’est pas loin du statut subi par le peuple des gens de peine d’aujourd’hui…
Quand je croise un voleur malchanceux,
Poursuivi par un cul-terreux;
Je lance la patte et pourquoi le taire,
Le cul-terreux se r’trouv’ par terre.
Je pense que la honte est une maladie.
On peut la distinguer notamment avec la générosité qui, par le fantasme qu’elle nous procure dans sa mesure, n’est que de la distanciation envers chacun et du mépris pour tous.
Pour faire une bonne dame patronnesse
Tricotez tout en couleur caca d’oie
Ce qui permet le dimanche à la grand-messe
De reconnaître ses pauvres à soi
Perso je boycotte depuis toujours les hangars à bouffe. D’abord je ne les supporte pas, ensuite je suis misanthrope, après ils sont en périphérie et je n’ai pas de voiture, enfin je n’ai toujours pas mon permis caddy.
J’en suis resté au stade de la supérette. Comme je n’ai pas de frigo, je me rends chaque matin qui se lève à la dalle, et je n’y consacre pas plus de dix minutes. Au-delà, c’est l’horreur. Je suis obligé de sortir.
L’avantage est que je cuisine. J’en ai le temps, en ma qualité de sous-produit recalé/déclassé/non-réinsérable du neolibéralisme option paupérisme planifié. Cela m’occupe la matinée. L’après-midi reste à tuer, puis la soirée, dans un appart humide dont le cumulus goutte, mais il y a du soleil quand il y en a, et une douche où tu n’as pas plus envie que ça de t’attarder, vu que la salle d’eau fait penser à un chiotte de gare routière bulgare et qu’il y fait aussi froid.
On est bien en France. Le pays des droits de l’homme où qu’on se pèle, où qu’on s’soigne plus, où les loyers sont trop chers pour c’quon a, et où les mois finissent le 10 pour ceux qui ne perdent pas de temps à donner le change. Le pays où le populo souffre mais ferme sa gueule. Le pays où le populo souffre mais continue à aller voter.
Pas moi.
Rien d’autre à dire à part : vivement la mort.
Autant j’aime ton écriture, Agnès, autant y’a des fois ou je peux pas suivre.
pourquoi avoir honte, pourquoi culpabiliser et avoir envie de tout casser quand tu assistes à une scène d’injustice?…
On ne peux pas individuellement prendre le malheur de tous les autres sur nos épaules ou alors on se flingue.
En quoi les rictus des gens de la queue sont-ils méprisables?
Ils ne sont que le reflet de leur propre impuissance, voire une décompression nécessaire pour survivre à cet étalage aberrant. Pas un jugement (du moins, pas nécessairement), pas un abandon.
T’arrive-t-il souvent de sourire à toustes dans ces hangars à conso, à discuter le bout de gras avec n’importe qui, ou y passes-tu le plus clair de ton temps à charger ton charriot en regardant tes pompes, histoire d’en finir le plus vite possible?
Doit-on culpabiliser pour autant,de notre incapacité à communiquer?
Bref, je suis personnellement d’un tempérament plutôt heureux.
Dois-je culpabiliser d’être heureux?
Si on suit ton raisonnement, oui, puisque certains ne le sont pas… Mais alors, on va tous faire la gueule…
A mon avis, on ne s’en portera pas que mieux.
@Saxo : Je ne réponds pas pour Agnès, mais j’accroche à ton propos. Il n’y a pas de culpabilité à être heureux, mec. Le bonheur c’est un état d’esprit, une affaire de contexte. Tu l’as ou tu ne l’as pas. Après il y a la lucidité, ce regard que tu poses sur ce qui t’entoure et qui t’en renvoie la réalité pure et dure, une vision non expurgée. Là aussi, tu l’as ou tu ne l’as pas. Tu ne sais pas pourquoi, mais tu n’as pas le choix. Quand tu l’as, tu te fabriques naturellement un blindage, ça vient à la longue, sans quoi un beau jour tu pètes un câble, et tu passes direct de la rancoeur au Semtex.
Tu sais Saxo, à la supérette dont je parle plus haut, à partir du vendredi tu vois toutes sortes de décharnés du système qui réunissent leurs piécettes pour se payer des canettes de cette bière forte qui réchauffe les zonards, vendue un à deux euros pièce (je n’ai pas eu la curiosité d’aller voir, je ne bois que de l’eau). Un jour, l’un de ces types m’a dit "comme ça, on cuve le week-end, on mélange ça avec des médocs et on a l’impression d’arriver tout de suite au lundi". Le lundi où il ne se passe rien de plus mais il faut savoir ce que ça représente le dimanche, et pire encore le samedi, quand on est seul et sans un.
Alors il faudrait avoir honte de ça ? Se montrer compassé ? Détourner les yeux ? Quelle que soit l’attitude, ça n’y changera rien. Le problème de fond est devenu tellement lourd, tellement oppressant, le point de non-retour est atteint depuis si longtemps que même si demain la poudre venait à parler, ça n’y changerait rien. Mieux : le populo se dresserait vent debout contre ceux qui feraient parler la poudre. Le populo brandirait le vieil attirail républicain, éculé et puant la compromission, le populo hurlerait à l’infâmie, dénoncerait avec les loups qu’il a élus, et dont il se ferait le porte-parole, cette intolérable atteinte à la démocratie. Même si la démocratie et les vertus républicaines appartiennent depuis longtemps à une langue morte. Alors que la guéguerre est en action.
Il n’est qu’à se pointer au débotté dans n’importe quelle CAF, Sécu, Pôle Emploi pour mesurer l’acuité de l’agressivité latente. Derrière les guichets on a les foies. Les flics ne sont jamais loin. Mais t’inquiète, nul n’ira au-delà de l’injure. C’est tout juste si on s’imprègnera de White pour s’immoler, en se disant que ce sera pour l’exemple, et qu’enfin, enfin, on en aura terminé. Les gens en sont venus à se haïr dans ce pays, mais l’agressivité, c’est contre soi qu’on la retourne. On hait l’autre, on se hait soi-même pour sa lâcheté, sa peur d’agir, sa crainte de se barrer, tenter le coup ailleurs, même sans un rond en poche, prendre la route. Pourquoi cette haine ? La peur de l’autorité l’explique. On la débine, elle nous débecte, mais on rentre la tête dans les épaules à la seule vue d’un képi. La propag’ est efficace. On est grosso modo dans le même état que l’URSS à la fin des années 80, où la propag’ affirmait que tout ne va pas si mal camarades, mais faites gaffe si vous pensez et surtout, dites le contraire car la milice veille. Alors que sur le terrain la misère s’étendait comme la lèpre et que les rayons des supermarchés sonnaient creux, tandis que l’on s’entassait à plusieurs familles dans des cagnas sordides où l’on se chauffait tant bien que mal en écoutant les discours lénifiants de la Nomenklatura. La suite on la connaît. Nous, on a encore des hangars à bouffe qui suent l’abondance, ça fait partie de la propag’, mais ce que nous décrit Agnès c’est le terrain, et ce qu’elle ne nous décrit pas c’est ce qui se passe dans les têtes et qui se traduit par 10.000 suicides par an dans ce pays jadis merveilleux vendu pas cher aux requins de Bruxelles – modalité post-moderne des tranchées de 14. La guéguerre a ses victimes, la peur reste pour le moment dans le même camp (et à mon avis elle n’est pas près de changer de camp tellement le chantage opère, tellement la propag’ de la peur est efficace).
Je suis pessimiste ? Oui, totalement.
Je suis négatif ? Lucide.
Je suis nihiliste ? Je le suis devenu.
Désespéré ? Pas au point de me flinguer, là. Je sais que ça se fera naturellement.
""l n’est qu’à se pointer au débotté dans n’importe quelle CAF, Sécu, Pôle Emploi pour mesurer l’acuité de l’agressivité latente.""
Vrai, mais une autre partie de la population s’est affranchie de ces administrations, où n’y pointe plus que pour faire joli, pour les apparences, et encore, de moins en moins. Elle braque, de toutes les façons, selon les possibilités de chacun, escroquerie à la petite semaine, vrai braquage. L’image du délinquant de carte postale vendue dans les kiosques du polar de gauche ( l’auteur est souvent fonctionnaire, voire carrément flic, et sillonne les salons du livre ou les dédicaces en grandes surfaces pour arrondir ses fins de mois au plus grand bonheur des éditeurs), avec son cliché truands larbins du capitalisme, c’est fini. Les flics se plaignent du manque de respect, de la pseudo courtoisie bidon d’antan, s’étonnent de la haine nouvelle, que leur peau ne vaut plus tripette sous les roues d’un Cayenne, ou sous du 7.62. Çà explose, et il y en pour tous les ages ; la délinquance, secteur porteur, DRH peu regardant sur l’age du candidat du moment qu’il ait la rage. Les prisons sont pleines : peu importe, quand un tombe , dix le remplace.
La révolte a déjà commencée, mais vous ne la voyez pas ; pas encore.
oui, la douche est froide, bouche immonde ne servant que de transit, Lotus et bouche cousue
oui, tout corps introduit sera rejetté d’une manière ou d’une autre après période de digestion, pardon gestation et il n’en reste que l’idée, la croyance
je me mourris
@Chris & Didier
"la haine nouvelle, que leur peau ne vaut plus tripette sous les roues d’un Cayenne, ou sous du 7.62. Çà explose, et il y en pour tous les ages ; la délinquance, secteur porteur, DRH peu regardant sur l’age du candidat du moment qu’il ait la rage. Les prisons sont pleines : peu importe, quand un tombe , dix le remplace."
"bouche immonde ne servant que de transit"
Et de vendre la peau (de chagrin) des autres pour sauver la votre convient-il vraiment pour tous nous en sortir ?
C’est là que nous maintiennent déjà les ogres repus, vos mentors en la matière, que vous glorifiez.
« Si nous ne sommes pas les vainqueurs, emportons le monde dans l’abîme avec nous. »
N’est-ce pas le même slogan qui vous dessine et qui dessine déjà ce monde depuis la nuit des temps ?
Conduire à labourer le même sillon sans jamais rien y semer de nouveau organise la famine sans rien défaire du joug qui nous y maintient.
La Barbaque post47
"La révolte, elle se tient plutôt dans les vélleités de vote FHaine […]
Si le FHaine devait passer, la guerre civile suivrait, et là, chacun règlerait ses comptes. Le grand défouloir.
La suite, je vous laisse la pressentir…"
La suite est déjà écrite depuis lurette sans jamais rien réalliser de nouveau.
Recommencer encore une fois, qu’est-ce qui le justifie sinon l’orgueil de soi ?
"Tant que tu as la chance de n’être pas tombé dans cet engrenage malsain dont procède la marginalisation"
Y’a t’il un degré de suffisance et un degré d’insuffisance marqués pour vivre ?
Je ne le crois pas. Là, tout procède à l’échelle de chacun, ni plus, ni moins.
La Vie n’est pas une valeur comptable qui s’établit par comparaison à ce que possède autrui.
Ça, c’est de la capitalisation pure et dure contre tous.
Ouaip, La Barbaque,
Maintenant :
"Les gens en sont venus à se haïr dans ce pays, mais l’agressivité, c’est contre soi qu’on la retourne. On hait l’autre, on se hait soi-même pour sa lâcheté…"
Sans vouloir faire dans la psycho de comptoir, je te ferais juste remarquer que la haine des autres, c’est la haine de soi qu’on projette vers l’extérieur, et non l’inverse (c’est du moins ce que je pense).
Dans la même veine, comment peut on prétendre œuvrer pour le bien de ceux qui nous entourent si on est pas capable d’être heureux soi-même?…
Ma démarche personnelle c’est de trouver un chemin vers le bonheur (non consumériste) et d’en faire profiter mon entourage, à défaut de mieux.
A choisir,
Je préfère manquer un peu et travailler mon instrument (boulot de recherche technique et sensorielle fascinant) que pouvoir me payer le cubi au supermarché et me reposer sur mes acquis. Ma vie sera plus riche dans le premier des cas.
@Chris et Didier : Sacrebleu ! Je croyais les anars disparus de la surface de la poésie depuis l’extinction progressive des fanzines !
Heureuse surprise !
Cela dit Chris, ce n’est pas comme ça que je la vois, la révolte. Pas au volant d’un Cayenne. Les mecs que tu décris sont à fond la caisse dans le système. Ils sont de la même prédation que les cravataires. C’est le cauchemar qui a déjà commencé, pour paraphraser David Vincent. Pas la révolte mais un début de commencement de projet de guérilla urbaine sur le modèle de ce qui se passe dans les mégapoles américaines. Même procédé. Il y a la façade, ce que l’on montre au cul-blanc pour le rassurer, là-bas c’est la sous-culture lowrider, ici c’est le tuning jacky et le hip-hop concocté dans une cage d’escalier de Félix-Pyat, et il y a les faits décris comme divers par les pondeurs de chiens écrasés de la presse à neu-neu genre "Le Parisien" et La Provence", avec en arrière-plan les trafics d’armes, de filles, de dope, la guerre des gangs et les accointances avec le milieu et les basses-cours de la politique.
La révolte, elle se tient plutôt dans les vélleités de vote FHaine, qu’on le veuille ou pas. Ils sont trop cons au FHaine pour croire que la popularité de la blondasse, ils ne la doivent qu’aux vieillards crapuleux et aux beaufs. Ceux-là se replieront le moment venu sur les J.-F. Copé, les Eric Ciotti et leurs cliques qui cultivent en PACA l’héritage des Chemises Noires, plus à même (à leurs yeux du moins) de par la puissance financière de l’UMP et les réseaux dont ils disposent, de mener à bien le programme d’épuration ethnique et d’élimination des "assistés" qu’ils attendent d’eux.
Ils sont tellement cons au FHaine, ils sont tellement à courte vue qu’ils ne comprennent pas à quel point ils sont instrumentalisés par le populo abandonné par les bavards des gogauches perverties, ceux dont le fléau libéral a détruit la vie et tous les espoirs, ceux qui collectionnent les contrats jetables en serrant les dents, ceux qui rêvent de se faire leur référent Pôle-Emploi, ceux qui ont collé sur leur liste noire le nom de l’inspecteur de la CAF venu vérifier qu’ils n’ont pas une copine qui partage leur studette, ceux qui slaloment entre les flics parce qu’ils n’ont plus les moyens de payer l’assurance et le contrôle technique de leur vieille 205, ceux qui passent leur journée sur Le Bon Coin à se chercher un taudis plus abordable, mieux chauffé, moins humide où il n’auront pas à se taper les engueulades, les baises et les soirées footeuses du voisinage.
A ceux-là, le FHaine refile un arsenal et des alibis. Autrement ils n’oseraient pas. Ils savent que leurs congénères sont des lopettes, tenues par les minima sociaux et leurs crédits à la conso, trop le trou du cul graissé pour risquer de perdre le peu que leur consent le système. Seul à te révolter, seul à en découdre, à la première vitrine explosée, au premier esclandre bureaucratique où un planqué va payer pour les autres, on te jette dans les griffes des psychiatres qui te feront passer pour schizo, ensuite ce sera le lavage de cerveau à l’asile, ils procèdent comme ça, de cette façon, à la soviétique. Si le FHaine devait passer, la guerre civile suivrait, et là, chacun règlerait ses comptes. Le grand défouloir.
La suite, je vous laisse la pressentir…
@Saxo : D’accord avec toi. Tant que tu as la chance de n’être pas tombé dans cet engrenage malsain dont procède la marginalisation, logement pourri, quartier pourri, bled pourri, RSA, isolement, désoeuvrement, contrats jetables, comptes à rendre, bref, tant qu’il te reste la possibilité d’un minimum de choix personnels pour mener ta vie.
@Didier : D’urgence, je te renvoie à ce blog d’un pote qui a créé une revue de poésie underground où tes vers auraient leur place : http://mgversion2datura.blogspot.fr…
"Y’a t’il un degré de suffisance et un degré d’insuffisance marqués pour vivre ?"
Il y a une capacité minimale de choix personnels. Quand tu n’as plus la latitude de choisir comment mener ta vie, tu es acculé. On n’est plus là dans la suffisance ou l’insuffisance.
Exemple : Quand tu ne peux plus vivre où tu veux, mais où tu peux encore parce que les loyers y restent abordables. Tu n’es pas là par choix mais parce qu’il te faut un toit, même si tu n’as rien à faire là et que tu n’y as aucun repère.
Je te reproduis ici un article paru dans Le Monde Diplo en août 2010 (coller un lien expose semble-t-il à la modération et ça me fait chier)
NDRL : le filtre automatique a réagi sur autre chose que le lien. Par contre, copier in extenso un article, ça ne se fait pas. Du coup, j’ai ajouté le lien et sélectionné le chapo.
OK Agnès, et pardonnez mon râlage.
Donc, je reprends à l’intention de Smolski, oui il y a à un moment donné un amenuisement des possibilités de choix qui frise la privation de liberté. Ce dont parle l’article du Monde Diplo, je le vis, mes voisins le vivent, on se retrouve parachutés dans un bled paumé où les autochtones ne sont pas terriblement sympas, où la moitié de la population est à cran, où quand tu veux faire un truc il n’y a personne en face, et où, cerise sur le gâteau, on paie vachement cher pour des studios dégueulasses chauffés au grille-pain. Précision : on est en moyenne montagne. Dans les départements qu’on a fuis, on ne pouvait carrément plus se loger. Donc, je réponds à ta question, il y a un degré de suffisance et d’insuffisance pour vivre. Là où je suis je n’ai pas la sensation de vivre. Et quand tu écris "La Vie n’est pas une valeur comptable qui s’établit par comparaison à ce que possède autrui", pardonne-moi mais ce sont pour moi des mots. Si j’avais un insert au lieu d’un grille-pain pour me chauffer, ça irait déjà un petit peu mieux, je suis capable de faire du bois, ça tuerait les après-midi que je passe à broyer du noir et ma pièce ne serait pas aussi humide. Si j’avais une toute petite baraque avec un lopin de terre, ce serait le début de l’autarcie car je suis bricoleur et imaginatif.
Et si ma tante en avait, elle en serait… (Pierre Dac)
@ La Barbaque : je vis aussi dans une zone de grande ruralité et j’observe strictement la même chose. Cette nouvelle dualité sociale est occultée par la grande messe flagellatrice sur les banlieues, mais les écarts se creusent dramatiquement dans les zones oubliées de notre territoire, comme en témoigne cette autre source : en bleu les riches, en rouge les pauvres.
Ici, le Cassos’ a pris la place de l’Arabe dans le bas de l’échelle sociale, même si toute une nouvelle économie se développe sur son dos, les petits propriétaires prolétaires du coin se dépêchant de convertir le moindre garage, la moindre grange en apparto vite fait mal fait afin de percevoir des loyers directement versés par la CAF, tout en leur gerbant joyeusement dessus. Et l’intégration de ces périurbains est une pure cata : sans permis de conduire, car venant de zones desservies en transport en commun, ils découvrent très vite qu’ils ne peuvent même pas acheter du pain sans bagnole et que bosser est impossible (en moyenne, les gens font entre 30 et 60 km par jour pour aller bosser… au SMIC… et pas tout le temps à temps plein); sans réseau, ils ne peuvent accéder à l’économie des coups de main qui permet de survivre avec peu, sans culture rurale, ils ne savent pas utiliser les ressources locales.
Tout cela se fait dans des zones sans grand flux financiers, avec des services publics aux abonnés absents ou réduits à la portion congrue : je pense que la phase de construction du Tiers-Monde intérieur (dont je parlais il y a 10 ans) est en cours et elle se fait dans les bleds plutôt que dans les cités.
@La Barbaque post52
Je ne nie pas le dénuement mais je dis que de reprocher à d’autres de simplement ne pas être dans le même dénuement c’est une valeur qui s’établit par comparaison et non sur la réalité des faits vécus par chacun.
C’est un propos qui désolidarise par couches successives sans discernement.
C’est mener de soi un jeu qui plaît d’autant plus aux véritables oppresseurs qu’il dilue leur responsabilité de seuil en seuil jusqu’aux crèves la faim.
Bon, bon, bon…
petite rétrospective.
Quand j’étais à la fac, j’ai été choqué en découvrant l’UEJF, simplement parce que par définition, n’étant pas de confession juive, je ne pouvais pas y adhérer (et cette discrimination m’a choquée).
Maintenant, Ici (dans le cours des discussions), j’ai parfois l’impression que le simple fait de ne pas être à la rue, de ne pas avoir la haine, d’avoir trouvé un certain bonheur, d’aimer les gens (tout le monde confondu, les exclus les inaptes, comme les riches et les célèbres) et d’aimer mon boulot me discrédite.
La barbaque :
" Si j’avais un insert au lieu d’un grille-pain pour me chauffer…"
"Si j’avais une toute petite baraque avec un lopin de terre…"
Moi, j’ai ça (même un peu plus, ma baraque n’est pas toute petite). Ce n’est pas répréhensible tout de même! ou alors, il ne faut pas y prétendre…
Là où je veux en venir, c’est que ce n’est pas en crachant sur ceux qui ont plus qu’on avancera. Ou alors on est en contradiction. Pourquoi prétendre à avoir un toit et de quoi se nourrir si c’est pour montrer du doigt ceux qui l’ont déjà?
Oui Agnès il y a de la précarité dans les campagnes, il y en a aussi dans les centres urbains. Oui aussi l’exclusion est inacceptable et chacun doit contribuer à sa manière à lutter contre puisque pour l’instant, l’état ne s’en charge pas (ou à peine).
Mais non, on n’est pas condamnés à vivre dans la honte d’appartenir à une société qui se construit avec et malgré nous…
Lorsqu’on vit à l’échelle de 6 milliards d’habitants, il me semble normal que les exclus se comptent par centaines de millions (on peut réduire ça à l’échelle de la France, ça reste des chiffres énormes). Culpabiliser de son incapacité à réagir face à la misère et à l’exclusion, c’est se priver de vivre inutilement, seule face à une telle misère, on ne fait pas le poids.
Le seul moyen de prendre tout le monde en compte serait de vivre à des échelles beaucoup plus petites (là dessus, je rejoins Hervé_02 dans un post lointain d’un autre fil). Des groupes de quelques centaines de personnes grand maximum.
Mais là, on recréerait de nouvelles formes de communautarismes et de divisions entre les groupes, ce qui conduit, à terme, inévitablement à la guerre.
Il n’y a pas de solution miracle. Nous sommes des êtres humains. La seule chose que nous puissions faire à notre échelle, c’est contribuer du mieux qu’on peut à réduire la misère autour de nous. Qu’elle soit matérielle, culturelle ou physique. Et le mieux pour le faire, c’est le faire avec bonheur. Le faire avec aigreur n’aide pas ceux qui reçoivent de l’aide…
A une autre échelle, on peut aussi dénoncer le système financier (qui à mon avis ne nous est pas d’une grande aide), la propriété intellectuelle, biologique ou les excès écologiques. C’est toujours mieux que de les accepter comme inéluctables… Mais vouloir mettre à bas le système sans en avoir un qui fait consensus à mettre à la place, c’est simplement décaler le problème.
Nous vivons dans un monde où les compétiteurs et les possédants s’offrent la part belle du gâteau. Vouloir le transformer en un monde où eux deviendraient les exclus, c’est simplement décaler le problème.
Quant à ce qui est de tout partager, OK, mais comment on fait (et pour le coup, ça va pas faire consensus, même si la plupart aurait beaucoup à y gagner)? On peut pas partager tout seul, et on peut pas contraindre tout le monde au partage…
Quand bien même on contraindrait tout le monde au partage, comment on fait tourner la production (faut bien avoir quelque chose à partager)? On contraint aussi tout le monde au travail?
saxo post 55
On contraint aussi tout le monde au travail?"
Dans une société non hiérarchisé, chacun se contraint et si tu n’est pas apte à le comprendre, on te supplée sans t’exclure en attendant.
Il ne faut pas voir une civilisation sans hiérarchie établie depuis une civilisation fonctionnant avec une hiérarchie établie tel que nous la vivons aujourd’hui et poser des problématiques semblables alors que les problématiques sont particulièrement différentes entre les deux.
Notamment par le language et ses corolaires, comme le souligne Martin Scriblerius :
"Le langage du Pouvoir est un piège redoutable. On ne peut pas penser en ses termes et penser contre lui longtemps. On ne peut même pas penser sa propre condition avec son vocabulaire."
Bref pour conclure mon post précédent, il y a le constat, il est évident.
Le système économique actuel ne permet pas de lutter contre la misère. Au contraire il s’en nourrit…
Mais pour ce qui est de la méthode, en dehors de "tout" casser (ce qui pour moi revient à niveler par le bas), ou de s’auto-haïr (là, c’est carrément contre-productif), je ne vois pas de proposition concrète…
Dénoncer un système inégalitaire, constater des injustices, avoir conscience de la débauche énergétique dans laquelle nous vivons, c’est nécessaire. Mais construire ensemble quelque chose de plus équilibré, c’est beaucoup plus dur.
C’est pour ça que j’aime bien la démarche d’E.Chouard qui voudrais faire participer un maximum de monde pour établir une constitution citoyenne… quoiqu’en disent ses détracteurs.
@ Agnès
Oui bien sûr, la prise de conscience de la précarité s’accélérant, les utilisations de fournitures (que nous payons) notamment l’énergie et l’eau, naturelles et sans contraintes à priori deviennent fondamentales, primordiales…
La lente descente, la paupérisation commence par la supression d’un des moyens essentiel de la vie de l’homme…l’eau. Ajoutez à cela l’énergie qui compte tenu de nos mode de vie est indispensable, conserver au frigo, au congel, s’éclairer, se chauffer…
La lente descente est de perdre sa dignité, commencer à sentir le bouc car l’on ne peut plus se laver régulièrement, voir son aspect se dégrader…
La lente descente qui n’en ai plus une est la faim celle angoissante des lendemains "faut que je trouve de la bouffe"
Imaginons le tourbillon, la folie des images, l’agression des sons, l’agression des autres, complètement laminé par cette tempête permanente de frénésie de production où le vecteur principal est le profit d’où sort une notion selon que le marché pour être compétitif son leader ship en serai freiné par le coût social de la population et par truchement le coût du travail.
Alors agnès tu peut être goguenarde face à ce jeune en costard en train de vider de la palette mais tu as là le parfait exemple de ce que donne la notion du coût du travail car qui n’a pas d’ambition dans la vie peut importe ses voies mais demain ce gars là peut faire le grand plongeon "jeune homme vous n’êtes pas assez compétitif,vas falloir accélérer!"
Alors quoi! le gars y remet un coup de collier jusqu’à quand?Lui aussi peut être réduit en poudre d’humanité où sa propre conception de lui même devient un paquet hagard pousser au gré de la faim.
La réalité de cette notion créer de la précarité, avec cette notion tout le monde peut devenir précaire, cette notion nous fais déserter les perspectives d’avenir et donc des comportements d’immédiateté squeezant à contrario la notion de coopération…
@ Joël
J’ai bien retenu la phrase de Martin (et le fait que tu l’avais appréciée 😉 ).
Maintenant, je te cite :
"Il ne faut pas voir une civilisation sans hiérarchie établie depuis une civilisation fonctionnant avec une hiérarchie établie telle que nous la vivons aujourd’hui et poser des problématiques semblables alors que les problématiques sont particulièrement différentes entre les deux."
Seul problème, l’humain ne se remodèle pas librement instantanément. Et même avec des années et en l’aidant un peu les résultats sont décevants (URSS, Corée du nord, Cuba entre autres, tu me diras qu’il y existe une hiérarchie, initialement, c’est sensé être un stade transitoire…).
Quand bien même on ferait sauter toute hiérarchie (l’idée me plaît bien), pour obtenir un résultat probant, il faudrait que tout le monde joue le jeu (et encore, ça ne serait pas suffisant, une éducation au concept d’autodiscipline, au minimum, est nécessaire au préalable).
Or, d’emblée, puisqu’on sort d’un modèle de société qui ne correspond pas du tout, une très large majorité ne jouerait pas le jeu, simplement parce que ça changerait trop de repères à trop de monde d’un coup, et les privations des pouvoirs de certains ne seraient simplement pas acceptés sans résistance (je ne pense pas être présomptueux en faisant cette affirmation). Les jeux de dominant-dominés étant complètement intégrés dans notre psychologie sociale, les bouleverser du tout au tout serait dans un premier temps totalement destructeur.
Peut-être (sûrement, même) peut-on jouer le jeu de l’absence de hiérarchie fonctionnelle en petit comité, mais le faire à l’échelle de 65 millions d’individus du jour au lendemain, c’est provoquer un bain de sang de façon assurée… Peut-être peut-on y arriver à cette échelle, mais sur des centaines d’années, et en se remettant perpétuellement en cause.
Aujourd’hui, si je quitte le Jazz band que je dirige (et qui fonctionne de façon auto-disciplinaire, la "hiérarchie" n’étant que fonctionnelle, personne ne valant plus qu’un autre à l’intérieur du groupe), la structure s’effondre tout simplement (les rares répètes où je n’ai pas été là ont été stériles, musicalement parlant, à mon grand regret d’ailleurs). Alors à l’échelle d’une société…
La phrase de Martin n’y change rien.
saxo post59
"l’humain ne se remodèle pas librement instantanément"
Oui saxo, juste : « je fais un rêve »… 😉
La temporalité de celui-ci n’est pas à l’échelle d’une génération, ni de deux, ni de quelques-unes… Et peut-être même disparaîtrons-nous avant que cela ait pu nous sauver tous ?
Juste je dis qu’on peut déjà le mener au lieu de le jeter avec l’eau du bain dans lequel il barbote tout jeunôt parmis nous.
Pour la citation de Martin, je la trouve tellement claire et limpide que pour en rappeler la texture, je ne vois rien de mieux que de la citer lorsqu’elle s’impose, ainsi que quelques autres bien sûr, je suis pas un fanatique égocentré !
@Agnès : Cela nous renvoie aux phénomènes de désaffiliation sociale évoqués par le regretté Robert Castel. Dont -j’en ai rencontrés- ces gens qui s’expatrient vers des bleds isolés "pour couper aux petits boulots", la fleur au fusil, et qui au bout de quelques mois sont rendus à l’état d’épaves. Le problème de beaucoup de ces personnes qui vivent sur le fil est qu’elles vont s’alcooliser à outrance, fumer du shit et tôt ou tard, suite à quelque incident, bagarre, scandale, se retrouver psychiatrisés, ce qui va les enfoncer dans la marginalisation. Mais ça c’est un autre problème…
Allez, on va quand même reconnaître à certains de ces bleds quelques initiatives pour maintenir à flot les populatons qui y échouent. Il y a les "logements très sociaux", les "Pact’Arim" qui pallient aux abus de ce que vous qualifiez un peu généreusement de "propriétaires prolétaires" (Je dirais plutôt des pédzouilles engraissés à l’héritage qui se croient au-dessus des lois -elles ne s’appliquent pas pour eux vu qu’ils s’arrangent pour connaître qui il faut à la mairie ou au CG-, des rentiers de carrière et autres vieillasses crapuleuses), et toute une batterie d’initiatives allant de l’épicerie dite solidaire (où vos revenus sont soigneusement épluchés par je ne sais quelle mémère pour que vous soyiez admisE à y faire vos courses) à la distribution de sape et de matériels de toutes sortes, donnés et récupérés.
Mais il est certain que vous aurez des gens qui préfèreront se taper une studette poisseuse payée au tarif d’un T3 il y a quinze ans que tenter la loterie de l’HLM où on n’a pas forcément, surtout quand on avance en âge, envie de se retrouver coincé entre une famille à kékés qui reçoit jusqu’à plus d’heure le samedi et le couple de cassos’ qui va faire profiter le voisinage de ses engueulades et de ses baises. Ensuite, adhérer au statut de décharné du système, en rejoignant les dispositifs associatifs évoqués plus haut, peut être de nature à vous fiche durablement le moral en berne, en ce qu’on a pris l’habitude, dans ce pays, d’infantiliser les gens qui sont sur le fil, même avec les meilleures intentions, et que côtoyer à longueur de journées des gens qui s’entretiennent mal, et des "travailleurs" sociaux pétris de conseils de resocialisation et de "projets" d’insertion à base de contrats piégés, ça va contribuer à vous enfoncer davantage. J’aime bien l’univers de Vincent Ravalec, mais dans ses bouquins. Perso, étant un asocial assumé, pas question d’HLM ni d’assos’, je préfère me casser régulièrement et tenter de reconstruire quelque chose ailleurs, le temps que je m’en lasse, et le financer à l’occasion, quand ça se trouve, par des heures, des journées au black avec l’idée de me retrouver une nana bien dans sa tête pour reprendre une vie de couple peut-être pas dans les clous – car après des années de marge, même quand on a évité tous les pièges de la marge, après des décennies sans télé ni bagnole, à préférer les sentiers aux bistrots, la solitude des montagnes à la foule qui grouille dans les hangars à conso, on ne peut pas imaginer rentrer dans la norme, en aurait-on encore envie… ce qui n’est pas mon cas. Mais le couple c’est quand même la base. Je le vois aux mecs qui traînent déjà tôt le matin dans les ruelles de ma petite ville. Les nanas ont l’air de mieux se débrouiller avec le quotidien. Les types s’effondrent lentement et au bout d’un moment, vous les voyez la bibine à la main. On observe la même chose chez les vieux. Les vieux seuls ça vire à la tragédie. Les vieilles s’en sortent mieux. Je vis avec l’idée, qui me tient paradoxalement en vie, que j’ai la liberté, n’ayant pas de famille ni d’amis, d’en finir d’une minute à l’autre avec ce cadeau empoisonné de la vie. Voilà et pardon pour mes digressions !
La Barbaque post61
"Les nanas [dans la rue] ont l’air de mieux se débrouiller avec le quotidien."
En fait, à moins d’avoir un compagnon protecteur, elles subissent tellement d’agressions supplémentaires (proies sexuelles notamment) qu’elles se dissimulent davantage que les hommes, perdant alors l’entraide des communautés comme l’assistance des associations par la nécessité de leurs évitements.
Source : Arte "Les femmes dans la rue."
@smolski : Je pensais aux femmes en général qui se retrouvent seules et sans taf, pas forcément à la rue ni dans la rue. A ce que j’ai souvent pu observer, elles auraient même plus de facilités à maintenir un lien social. Beaucoup de types ont par contre du mal à se prendre en main dès qu’ils se trouvent privés de ce qui fait d’eux des hommes au regard des schémas que cultive la société : une femme, un travail, une voiture.
Les nanas s’en sortent mieux… comment dire… disons qu’elles ont tellement l’habitude de morfler et d’être celles qui pourvoient réellement aux besoins fondamentaux de la famille, qu’elles prennent plus de gnons mais qu’elles résistent bien mieux. Dans une société patriarcale comme la nôtre le reste encore pas mal, l’homme est éduqué à trouver une femme qui est éduquée à le servir. Bon, de nos jours, c’est dit moins brutalement que cela, mais dans les faits, ça revient toujours au même. De Singly avait bien résumé la question quand il avait travaillé sur les divorces, lesquels touchent beaucoup les gens de mon âge. Les hommes se sentent perdus quand les femmes se sentent libérées. Dans le divorce, les hommes se retrouvent avec les piles de linge sale pendant que les femmes récupèrent du temps libre… Heureusement qu’il y a les enfants pour rééquilibrer un peu le jeu, puisque, contrairement à ce que braient les masculinistes, il y a rarement bataille sur la garde des enfants, les hommes ayant déjà tant de mal à s’occuper d’eux-mêmes.
Dans le bled, il y a beaucoup de femmes seules. Soit des veuves, mais c’est notre lot à toutes, soit des femmes jeunes plaquées sans ressources avec les gosses. J’avais raconté l’histoire de l’une d’entre elles et le portrait est très fidèle à la réalité.
Agnès post64
"Heureusement qu’il y a les enfants pour rééquilibrer un peu le jeu, puisque, contrairement à ce que braient les masculinistes, il y a rarement bataille sur la garde des enfants"
Incontestable.
Toutefois, quand les rares pères s’y essaient, notamment lorsqu’ils se sont impliqués dans la vie familiale, la femme peut entreprendre plus de destructions pour conserver la garde des enfants avec l’aval de la société que le père ne peut accepter d’en infliger à sa famille de lui-même.
Peut-être parce qu’il a acquis auparavant plus de recul sur ce qui se passe réellement ?
Le conditionnement est certainement à deux niveaux et non tout d’un côté seulement.
@Agnès : …"l’homme est éduqué à trouver une femme qui est éduquée à le servir."
Est bobonne qui veut, Agnès ! Atavisme patriarcal ou pas ! Le mec qui ne met pas la main à la pâte n’a qu’à aller se faire cuire un oeuf chez Plumeau, c’est comme ça que je vois la chose et j’espère qu’on est quelques-uns.
J’ai lu cette terrible tranche de vie, révélatrice d’un état de guerre, n’ayons pas peur des mots.
Oui, je suis d’accord : une femme a autant besoin d’un macho dans sa vie qu’un poisson rouge d’une bicyclette. Mais le conditionnement est fort et je vois tant de femmes qui se sentent en charge quasi exclusive de la propreté de la tanière, du ravitaillement, etc. Des intendantes par défaut qui exercent leur double journée pendant que leur cher et tendre se consacre au sport, à la politique, aux copains, à tous les trucs qu’il trouve intéressants et détendants et dont il justifie la primauté par son besoin de décompresser après le boulot. Et plus la nana est dans ce schéma et plus elle le défend et le reproduit. Dans tout rapport de domination, il y a une part de servitude volontaire, de croyance magique en ce que l’on accroît sa valeur en poussant sa soumission au-delà de ce qui est demandé. La remise en cause de ce modèle est alors totalement rejetée, parce que cela impliquerait un tel niveau de remise en question non seulement de ses comportements, mais aussi de ses choix, jusqu’au fond du pieu, que cela en est intolérable.
Et puis il y a cette illusion du lien renforcé par l’interdépendance qui découle automatiquement de la spécialisation sexuée des tâches. L’idée qu’être cette ménagère parfaite permet de
s’appuie généralement sur une assez faible estime de soi et de sa capacité à bétonner le lien amoureux sur des rapports égalitaires et libres de tout assujettissement. Il y a même une forme de stratégie de la force de faible où, l’état de dépendance du dominé implique une plus grande responsabilité du dominant, le rend responsable de la rupture et de ses conséquences. Ce qui est une putain d’illusion, savamment entretenue depuis des générations.Gironde l’amazone qui file toutes voiles dehors sur la photo qui illustre l’article… Sacrée détermination dans l’allure, une bête de la conso? :o)
Et l’autre tordu avec son téléphone qui la remarque même pas…
Belle composition au final, même si elle était manifestement pas le "sujet".
@Agnès : Triste ce que vous écrivez, et malheureusement pas faux. M’enfin, ce n’est pas parce que ces règles à la con sont posées qu’elles ne doivent pas évoluer, non ? Du côté des types comme des nanas… J’ai eu quelqu’un dans ma vie qui entendait tout prendre en main. Fidèle à ma vieille habitude, je traînais des deux sabots, vu que je trouve indigne qu’une femme tienne un balai, nettoie des sanitaires, vide les cendriers, étende et ramasse le linge pas seulement pendant que son jules est avachi devant sa télé, son Fesses-de-Bouc ou la page des sports, mais dans la vie en général. Donc elle faisait ET je faisais, tour à tour chacune de ces besognes creuses mais nécessaires à l’ordonnancement d’une baraque civilisée. Quand elle travaillait et moi non, elle trouvait en rentrant une baraque nickel-chrome, la table mise et la pasta fignolée comme seuls savent la faire ceux dont les veines charrient du sang rital. Le truc c’est peut-être que j’ai une mentalité de vieux garçon, que je n’ai jamais voulu de môme et plus intimement, que j’assume un certain quelque chose que la plupart des types dans mon cas préfèrent refouler par je ne sais quelle sordide peur du ridicule. Je vous raconte ça pas pour me mettre en valeur, mais pour vous affirmer, parce que à ça, j’y crois, que je ne suis pas un cas isolé, que d’autres qui aiment vraiment les femmes et au-delà d’elles, leur femme, sont là pour trahir ces règles depuis trop longtemps établies. Sans quoi on en serait encore à l’Inquisition.
Les mentalités évoluent lentement et certains sont voués à être en avance sur leur temps. J’ai des amis hommes qui ont une conscience du sexisme nettement plus aiguë et une jeune femme qui revendique sa haine du fourneau n’est plus vouée à finir vieille fille mais à trouver un homme qui se revendique cordon bleu. J’ai un copain qui assume à peu près toute l’intendance (courses, bouffe, linge et tout le bordel) et qui ne se le met pas en étendard pour autant. Il aime les bonnes choses et ne voit donc pas d’inconvénient à y consacrer une bonne partie de son temps libre, même s’il adore pédaler dans la bouillasse et les rafales de vent glacial dès que possible. Un autre trentenaire encore qui avait pris l’habitude de s’occuper du trivial et qui, ayant un emploi du temps plus flexible que celui de sa compagne, continue ainsi. J’ai cru que l’arrivée de bébé allait remettre en cause ce schéma, mais non. Un autre ami encore, juste un peu plus jeune que moi qui prend sa part parce qu’il est féministe. Ce qui signifie, et il est très clair là-dessus,
. C’est très encourageant.@Agnès : En effet. Des raisons d’espérer, donc. Il y a quelques domaines où nous réussissons à sortir de la condition neandertalienne.
@Saxo : C’est cool, on sent que tu es content de toi et c’est très bien, mon garçon. Aurais-tu un lien vers un enregistrement, une video de ton jazz-band ?
Quand j’étais gamine, une vieille dame habitait en face, sous le toit d’un immeuble. 7.000 francs par mois, des anciens bien sûr. C’était dans les années 60, on disait "économiquement faibles", ya toujours eu de ces trouvailles pour désigner les pauvres. Tous les matins, elle descendait faire ses "courses": un pain de 800, un litre de vin. Ya des calories, dans le vin, et ça aide à s’endormir quand on a faim. Et froid. Et ça console, un peu. Alors, les sourires dans la queue, jusque là plutôt digne… c’est dommage.
@ La barbaque
des enregistrements valables… les seuls susceptibles d’être présentés sont sur mon ordi.
maintenant, le site du JB (y’a qq photos et 2-3 trucs à écouter qui datent de quelques années…)
http://www.jazzband007.fr/
J’arrête là notre publicité ;).
bonnes fêtes à toustes
@Saxo : Vrai, ça a l’air bien sympa ! Désolé de t’avoir un peu charrié, j’ai quelquefois un humour lourdingue !
Bonne bourre à Tutti, itou !
Pas fini de lire tous les commentaires et leurs liens, j’y reviendrais demain. Juste envie de partager ce texte, après avoir lu le commentaire qui parlait du dernier supermarché avant l’apocalypse : http://blogs.mediapart.fr/blog/gill…
Bonjour,
A l’âge de sept ans je suis arrivée d’un pays où les pauvres, les handicapés, car les autres trouvaient toujours à manger contre quelques menus travaux, les handicapés donc, s’exposaient lors des fêtes religieuses. Ils s’alignaient et alignaient leurs plaies purulentes et leurs malformations le long du trajet emprunté par les processions. Mon père avait l’habitude, dictée par sa morale chrétienne, qui en était vraiment une de morale, de faire de la petite monnaie afin de donner un peu à chacun. Aujourd’hui, plus de cinquante ans plus tard, je sais que tout le monde en faisait autant, et que ces "disgraciés" comme on les nommait, ne vivaient pas bien, loin de là, mais finalement pas beaucoup plus mal que les pauvres "valides". Simplement, ils vivaient dans une communauté dont ils faisaient naturellement partie. il n’y avait pas plus de honte à être assisté qu’à assister. Pourtant, quand mon papa nous a amenés en France, c’est la première chose que j’ai remarquée, tout de suite : il n’y avait pas de pauvres dans ce pays! et je me suis dit dans ma petite tête de gamine de sept ans : c’est ici que je veux vivre car il n’y a pas d’handicapés avec des malformations horribles qui demandent la charité. Je ne savais pas alors que les handicapés, ici, ils étaient "pris en charge", cachés quoi! N’empêche, c’est ce que j’ai aimé tout de suite dans mon nouveau pays. Imaginez mon désespoir lorsque à peine quelques années plus tard, au début des années 1980, les rues de la Doulce France sont devenues le domicile de ces Sans Domicile. On m’avait trahie ! Pire on avait trahit mes parents qui avaient tout abandonné pour offrir à leurs enfants une vie meilleure ! Eh bien la misère les avait rattrapés. La misère des autres, pour l’instant, mais je vois bien, malgré mes études et mon travail, à peu près assuré (mais qui sait aujourd’hui ???) à quel point je suis fragile, à quel point ma famille est fragile, en tout cas, sa survie matérielle. J’ai le sentiment de me retrouver dans la situation de mes parents, de devoir me déraciner, ou en tout cas que mes enfants devront le faire, pour trouver mieux ailleurs ! Et mieux ailleurs, ce n’est pas espérer avoir une ferrari et un appart de 400m², mais simplement vivre correctement ! Maintenant, la question : comment en est-on arrivé là ? Qui a laissé faire ? Comment la France est-elle passée de l’image d’un pays de cocagne à celui d’un pays où la misère est partout ?? qui est responsable ? et qui faut-il sanctionner ? Comment ne pas avoir honte devant les jeunes générations de n’avoir pas su leur préserver, non pas l’assurance de gagner des millions, mais seulement d’avoir une vie digne gagnée par un travail digne, dans le pays de la "Liberté, Egalité, Fraternité", ma France celle chantée par Jean Ferrat ? Celle de la Résistance, d’Aragon, de Camus, de Sarthe, de maître Badinter ?? Elle est où cette France là aujourd’hui ?? Et quand l’ a t-on perdue ? Quand s’est-elle perdue ?
amemar post76
"Elle est où cette France là aujourd’hui ?"
Elles est toujours présente, juste que le capital, après le vandalisme des pays lointains asservis, y a étendu ses reîtres propres au pillage à l’aide de la mondialisation des marchandises et des finances.
Dans les faits, rien de changé.
Sire de gisborne trône toujours au château tandis que les robins sont aux abois.
Merci, Amemar, pour ce très beau commentaire. C’est tellement juste.
Joyeux Noël à Agnès et à tous les commentateurs et lecteurs du blogue.
Comme disait Brel, j’ai mal aux autres.
Nous sommes tous fragiles dans les grandes surfaces, l’impudique charriot montre à tout le monde qui nous sommes. Alors cette pauvre femme qui a du exhiber ses achats devant tout le monde, c’était un peu comme la mettre à poil ! La grande "Surfascisation" du monde avance à grands pas, les marchands passent leur temps à nous déshabiller et à nous exhiber pour savoir ce qui nous collera le mieux à la peau.
Bien ! Sur ces paroles pleines d’espoir, je vous souhaite un bon courage pour vos écrits de 2014, et vous félicite pour votre belle plume.