Je suis une sorte de voyageur immobile. J’ai toujours rêvé d’arpenter la planète pour témoigner auprès de mes contemporains de la manière dont on vit à peine un peu plus loin, juste après la colline, derrière une dernière moraine.
Et au lieu de cela, j’avance de saut de puce en glissage de limace, chacune de mes translations m’écartant encore moins de ma précédente position, en une sorte de spirale qui m’enferme dans ma propre médiocrité.
J’ai encore bougé mes meubles, toujours plus nombreux, capitaux de l’entassement sans but, vers un coin encore plus paumé, au centre de tout, car au milieu de nulle part.
Je fuis.
Mes congénères. Leur monde. Ce mode de vie à œillères. L’ultracompétition de tous contre tous. La poursuite des chimères. Le brouhaha du vide.
Le ciel occupe toujours plus mon regard, mon esprit, mon temps. Je vis au cœur des saisons, je respire l’haleine âcre du lisier et le cri rauque des oies sauvages m’annonce le froid des jours à venir plus sûrement qu’une connexion à Météo France.
Plus je m’éloigne, plus je me sens proche des autres. Ils sont tellement plus sympathiques vus de loin. Plus que jamais, je traîne mes guêtres au bled pour me nourrir de la vie des autres et l’embellir de mots que je sculpte avec une précision d’artisan appliqué.
J’ai abdiqué mes rêves pour habiller ceux des autres. Sans gloire et sans autre finalité que de poursuivre un peu mon voyage intérieur.
À Mattéo et Nicole
C’est en sortant d’un petit reportage pour un atelier d’art que je les ai vus, tous dépenaillés, avec leur dégaine de zonards. J’ai manqué passer mon chemin, puis l’âne a accroché mon regard. Je me suis moquée de ma propre lâcheté, de ma bêtise frileuse, j’ai sorti mon appareil qui prend de plus belles photos que mon regard et je suis allée leur parler. Dans un baragouin infâme, un franglais étrange qui s’appuyait sur le ballet improvisé de nos mains et de nos mimiques, nous avons tissé du lien. Quelques brides de vie. Une rencontre trop courte. Et se souvenir que l’on ne peut être humain qu’au milieu de nos semblables, dans la confrontation permanente de nos égoïsmes et de nos peurs que l’on surmonte pourtant et au-dessus desquels nous bâtissons des passerelles d’amitié et des cathédrales d’échange.
Juste quelques instants arrachés à la terrible banalité de nos vies, à la diarrhée médiatique, pour mettre en mots quelques miettes d’humanité!
Merci à eux et à bientôt…
Bonjour Agnes, depuis de longues années je suis militant, associatif, politique, syndical,et suis donc au milieu des gens depuis longtemps. Cependant et malgres cela je me rend compte aujourd’hui, alors que j’ai quitté la vie dite"active", que j’ai de plus en plus besoin d’aller à la rencontre d’autres humains. Comme si, il me fallait chercher encore et toujours mon semblable.Je pense que c’est une souffrance comme une raison d’être …humain. Voila un petit bonjour pour te dire aussi que ce billet est un de tes plus beaux. J’espère pour toi que d’autres réves viendrons remplacer ceux qui ne sont plus. Amitiées. Michel
Bonjour Agnes, depuis de longues années je suis militant, associatif, politique, syndical,et suis donc au milieu des gens depuis longtemps. Cependant et malgres cela je me rend compte aujourd’hui, alors que j’ai quitté la vie dite"active", que j’ai de plus en plus besoin d’aller à la rencontre d’autres humains. Comme si, il me fallait chercher encore et toujours mon semblable.Je pense que c’est une souffrance comme une raison d’être …humain. Voila un petit bonjour pour te dire aussi que ce billet est un de tes plus beaux. J’espère pour toi que d’autres réves viendrons remplacer ceux qui ne sont plus. Amitiées. Michel
Bien sympathique rencontre…
Et ça m’amène à une réflexion que je me fais parfois: la l’ordinateur, on ne connaîtrait pas ce qu’est la vie off-line…
Bien sympathique rencontre…
Et ça m’amène à une réflexion que je me fais parfois: la l’ordinateur, on ne connaîtrait pas ce qu’est la vie off-line…
>
Beaucoup gagneraient énormément à troquer leur sale médiocrité contre la tienne propre 😉
>
Je me demande si tu ne viens pas de mettre le doigt en une phrase sur le problème fondamental de l’humanité…
Allez va, je partage tout ce que tu écris là, le côté rural en moins sans doute 😉
michel> c’est drôlement joli ce que tu dis là… notre amie Agnès pourrait bien en avoir une petite larme…
🙂
"plus sympathiques vus de loin":
C’est vrai sans doute, mais moi, je voyais plutôt l’inverse:
Si tu t’approches trop près, même les pires salauds, comme dans le texte de La Bruyère, "Ils montrent une face humaine. Et, en effet, ils sont des hommes."
"plus sympathiques vus de loin":
C’est vrai sans doute, mais moi, je voyais plutôt l’inverse:
Si tu t’approches trop près, même les pires salauds, comme dans le texte de La Bruyère, "Ils montrent une face humaine. Et, en effet, ils sont des hommes."
Ils sont chouettes, tes deux voyageurs.
J’ai vu Modiano, à la télé, l’autre jour, il a dit quelque chose qu’on entend rarement.
Après avoir dit sa tristesse face à notre époque chaotique, il a ajouté (je certifie pas le mot à mot):
"Ce qui me réjouit, c’est une certaine confiance que j’ai dans la jeunesse. La jeunesse actuelle".
mc: "confiance dans la jeunesse actuelle" , oui certes, ça fait plaisir d’entendre ça… M’enfin ce serait un petit peu plus intéressant, si pendant que tu y es, tu pouvais peut-être dire ce qu’il y voyait qui lui donnait confiance… (mais peut-être que laconique comme il est, il ne l’a pas dit…)
texte superbe
à 20 ans j’ai fui la campagne, trop ennuyeuse pour ma frénésie d’alors
depuis je parcours le monde à chaque fois que je le peux.
j’ai renoncé à m’insérer dans la société, à jouer le jeu, à obéir, à me disputer.
et j’ai eu la chance de pouvoir le faire.
une prochaine étape sera, je l’espère, au loin, dans la campagne kéralaise, sous les cocotiers à regarder la pluie et à jouer avec les enfants
@mc
j’aime beaucoup Modiano, sa sensibilité, ses hésitations.
Tu connais Modiano, tu imagines bien qu’il n’a pas été plus précis que ça. Je l’ai pourtant trouvé beaucoup plus bavard que d’habitude, il finissait ses phrases avec des mots, pas avec des gestes et des soupirs.
Je l’ai cru sur parole. D’abord parce que ça me convenait, bien sûr. Mais surtout parce que ce bonhomme, il est tellement … je n’arrive pas à trouver le mot qui lui convient vraiment, "tellement tout ça" comme aurait dit Brel que tu as envie de lui faire confiance: s’il le dit, c’est qu’il a de "solides" (mais encore une fois, appliqué à Modiano, le mot solide n’est pas le bon) raisons de le penser. Car il est rarement, pour ne pas dire jamais, aussi affirmatif. Il est vrai que le mot "certaine" est un peu incertain, mais le mot "confiance", dans sa bouche, c’est pas rien.
Et il a bien complété, précisé: "la jeunesse actuelle".
Tu connais Modiano, tu imagines bien qu’il n’a pas été plus précis que ça. Je l’ai pourtant trouvé beaucoup plus bavard que d’habitude, il finissait ses phrases avec des mots, pas avec des gestes et des soupirs.
Je l’ai cru sur parole. D’abord parce que ça me convenait, bien sûr. Mais surtout parce que ce bonhomme, il est tellement … je n’arrive pas à trouver le mot qui lui convient vraiment, "tellement tout ça" comme aurait dit Brel que tu as envie de lui faire confiance: s’il le dit, c’est qu’il a de "solides" (mais encore une fois, appliqué à Modiano, le mot solide n’est pas le bon) raisons de le penser. Car il est rarement, pour ne pas dire jamais, aussi affirmatif. Il est vrai que le mot "certaine" est un peu incertain, mais le mot "confiance", dans sa bouche, c’est pas rien.
Et il a bien complété, précisé: "la jeunesse actuelle".
mc: merci pour ta réponse… assez modianesque, en effet!
On a tant à apprendre d’eux qui ont choisi une autre forme de liberté, eux sont bien plus libres que nous, j’en rencontre régulièrement et je m’éclate à passer quelques instants avec eux.Quelques grammes de finesses dans un monde de brutes
très beau texte, Agnès. Tellement juste, tellement profond, tellement humain… me nourrir de la vie des autres et l’embellir de mots que je sculpte avec une précision d’artisan appliqué: belle phrase qui résume bien ce que tu fais dans ce billet !
le mot qui vient pour terminer ce commentaire, petit mot parmi d’autres, c’est celui de Michel : amitiés.
Merci pour ce très beau texte, Miss Maillard. J’ai pas compris pourquoi la peur. C’est à cause du chien ? On dirait qu’il a vu passer un lapin, là derrière. Il a l’air sympa, ce clebs.
Non, je post pour MC. MC qu’est-ce que tu fout là ? Retourne chez toi,
http://mccabinet.wordpress.com/
va bosser. On attend tes textes. Et pas de Cécilia, s’il te plait.
Merci pour ce très beau texte, Miss Maillard. J’ai pas compris pourquoi la peur. C’est à cause du chien ? On dirait qu’il a vu passer un lapin, là derrière. Il a l’air sympa, ce clebs.
Non, je post pour MC. MC qu’est-ce que tu fout là ? Retourne chez toi,
http://mccabinet.wordpress.com/
va bosser. On attend tes textes. Et pas de Cécilia, s’il te plait.
Ah ben non, c’est pas moi. Mon pseudo s’écrit avec des MINUSCULES.
Ah ben non, c’est pas moi. Mon pseudo s’écrit avec des MINUSCULES.
désolé. Si tu le croises, passes lui un (gentil) savon de ma part.
désolé. Si tu le croises, passes lui un (gentil) savon de ma part.