Drôle d’endroit pour une rencontre : un lycée agricole paumé au fin fond de la pampa, des affichettes A4 griffonnées à la main, ces longs bâtiments utilitaires et sans âme dont les années 70 raffolaient et au bout du chemin un peu défoncé, une fenêtre qui brille dans la nuit naissante.
On vient de tomber sur deux autres Gersois égarés, comme nous, mais peut-être pas des inconnus. Comme souvent, quand on se rend à un évènement un peu militant, on finit par toujours retrouver les mêmes têtes. Au début, ça réchauffe le cœur, mais à la longue ça finit par inquiéter : serions-nous si peu nombreux à nous intéresser, même seulement de temps à autre, au monde qui bouge encore et ne se rend pas ?
« L’essentiel, c’est le terrain et la convergence des luttes »
On nous avait prévenus : le film n’est pas encore terminé, c’est une copie de travail. Mais l’essentiel est là : la mise en parallèle des politiques de destruction des populations, que ce soit en Grèce ou en Espagne et la manière dont la résistance, parfois joyeuse, souvent âpre et désespérée se met en place un peu partout.
C’est un film qui commence sur le deuil de l’espoir Tsipras. Comme un mal nécessaire. Comme l’enterrement à la sauvette d’une immense attente qui avait fini par étouffer les luttes sur le terrain. C’est un film sur les véritables héros, ces gens ordinaires dont la vie est broyée par la marche de l’histoire et la cupidité de quelques-uns et qui se retrouvent devant la nécessité absolue de la lutte pour seulement continuer à survivre.
C’est aussi un film qui laisse ses petits cailloux derrière lui, qui trace des chemins en forme de point d’interrogation. Pourquoi diable la Grèce tellement endettée subventionne-t-elle pratiquement à 100 % l’installation d’éoliennes industrielles dans des zones Natura 2000 en Crète ? Et pourquoi cette « croissance verte » — qui est devenue un gros mot en Crète — détruit-elle les écosystèmes, exproprie les habitants et ne profite exclusivement qu’à des multinationales étrangères ? Et que vient foutre EDF dans cette histoire ? Nous payons des factures de plus en plus exorbitantes pour financer la goinfrerie d’une boite qui a été à nous avant d’être cédée à la découpe aux actionnaires ?
« Le fascisme a toujours été le bras armé du capitalisme »
En marge du film, Yannis Youlountas s’exprime assez longuement sur l’état de l’Europe actuelle, sur les tentations totalitaires, la menace de putsch d’Aube dorée en Grèce, le fait que Merkel nous rappelle sinistrement Thatcher, que l’essentiel, aujourd’hui, c’est de renouer avec l’action, c’est de cesser de tous attendre que le voisin bouge pour bouger à notre tour, mais de faire quelque chose, là, tout de suite, même si c’est juste organiser des collectes et des transports de médicaments vers la Grèce.
L’action, c’est aussi celle — très encourageante — des futurs jeunes agriculteurs du Lycée Jean Monnet de Vic-en-Bigorre qui ont invité Yannis à présenter son film (même pas fini) au public et qui préparent un voyage d’études en Crète. Cette nouvelle génération — qui n’a pas l’air très convaincue de la supériorité hégémonique de l’agriculture industrielle prônée par la FNSEA — part dans 10 jours à la rencontre des techniques agricoles alternatives des nouveaux résistants au rouleau compresseur productiviste.
Et rien que ça, c’est une très bonne nouvelle.
« De Grèce et d’Espagne, un vent du sud contre la résignation souffle sur l’Europe. Dans les villes et les campagnes, dans les îles et les montagnes, au cœur des luttes et des alternatives en actes, des femmes, des hommes, mais aussi des enfants refusent de baisser les bras. Une même devise résume leur courage de résister, leur joie de créer et leur persévérance à toute épreuve : « JE LUTTE DONC JE SUIS » (prononcer « AGONIZOMAI ARA IPARKO » en grec et « LUCHO LUEGO EXISTO » en espagnol). Quelques mots pour vivre debout, parce que rester assis, c’est se mettre à genoux. Une brise marine, souriante et solidaire, de Barcelone à Athènes et d’Andalousie en Crète, qui repousse les nuages du pessimisme. Un voyage palpitant en musique, d’un bout à l’autre de la Méditerranée, en terres de luttes et d’utopie. »
Source : Je lutte donc je suis – A la Une
« On vient de tomber sur deux autres Gersois égarés, comme nous, mais peut-être pas des inconnus. »
Oui mais presque 3 générations représentées à 4 gersois, c’est top.
Oui, c’est ce que je disais à table : de la chair fraîche chez les militants! Très réjouissant!
Et d’autres façons de militer. Concrètes. Immédiates. Singa, pour son programme d’accueil de réfugiés « comme à la maison » reçoit cinq cents messages par jour proposant une chambre, un coup de main, une offre de matériel. Ils avaient prévu de démarrer tout doucement cette nouvelle activité…
– Vous pensez vraiment que vos réunions « tupperware » vont changer la face du monde ?
Trèès en retard : on(je) veut pas changer le monde, on(je) veux juste que les gens changent.