Et participe, toi aussi, à la grande braderie planétaire !
Ils sont face à face au-dessus d’une petite table de bistrot bancale et il la tient, de son regard et de sa main. Le premier, lourd, cajoleur, intense, et la seconde, légère, possessive et douce à la fois. Ils se font face et il lui raconte combien elle est belle, combien elle est intéressante, captivante, unique, sublime, merveilleuse, combien il aime ce qu’elle est, ce qu’elle fait, jusqu’à ses petits défauts touchants qui le ravissent, le font sourire encore plus et pendant qu’il la berce de ses mots doux, son regard se remplit d’étoiles filantes et elle se laisse bercer par le flux tendre et viril de sa voix. Elle aussi a un sourire lunaire accroché au visage, elle se réchauffe à sa passion, à la foi et elle aime l’entendre lui raconter à quel point il l’aime sans que jamais ces mots définitifs ne franchissent la barrière de ses lèvres. Ce qu’elle adore par-dessus tout, c’est ce miroir plaisant qu’il lui tend à bout de bras, c’est ce bagout de vendeur de foires en fin de journée, c’est de se voir si belle, si aimable dans ses yeux à lui. Ses paroles sont comme un baume réconfortant et bien plus que des flatteries banales qui trébuchent sur le formica terni par le temps et la danse des verres et des tasses, elles ont la propriété intéressante de s’autoréaliser.
Parce qu’il lui dit qu’elle est belle, elle se sent moins moche, elle a envie de sourire, de s’ouvrir à la vie, aux autres, au bonheur que ses phrases lui promettent. Son propre regard s’illumine de cette petite flamme si particulière que seul le sentiment amoureux peut allumer et la voilà déjà plus belle, plus désirable, plus charnelle. Ses mots à lui lissent la mèche rebelle que ses doigts tremblants ne parviennent plus à ranger derrière son oreille, ils rosissent délicieusement ses joues de pêche, ils arrondissent sa bouche trop fine, ils éclairent sa physionomie tout entière, plus sûrement que toute une armée de coiffeurs et d’esthéticiennes affairés.
Il n’est pas particulièrement bon dans son discours, il n’a pas créé un monde nouveau pour elle, un langage, un vocabulaire qu’elle seule pourrait comprendre, mais elle a tellement envie de le croire, elle a tellement envie d’être ce qu’il raconte qu’elle veut bien l’aimer aussi un peu. Il est en train de gagner la bataille des mots qui ouvrent le combat des corps parce qu’il lui vend mieux que personne le produit le plus difficile à placer de la planète : elle-même.
Vends-moi !
C’est sorti dans un souffle, il l’a reçu comme une gifle.
Si tu peux me faire croire en moi-même, alors tu peux réussir à le faire avec n’importe qui d’autre.
Pourquoi ne pas recycler ce merveilleux talent ? Pourquoi ne pas réussir ailleurs ce qu’il réussit si bien dans ce petit troquet sans âme et sans charme ? Chacun de nous est sommé de se mettre en valeur, de se vendre au mieux, mais comment fourguer l’encombrant produit que l’on est sans se solder ? Comment se vendre sans tapiner ou flagorner ? Fini les CV copiés collés, les entretiens malhabiles, les parcours du combattant. Terminés les tests foutraques, les autocongratulations vides de sens. Pour bien se vendre sur le grand Marché infini qui bouffe toutes les dimensions humaines, envoyons les fantassins du verbe fleuri, les mousquetaires de la distribution des prix, les mercenaires du mot qui fait mouche.
Des armées d’amoureux transis qui déclament leur flamme à des parterres de patrons de blasés.
Jusqu’à les faire bander.
Enfin !
Powered by ScribeFire.
Personnellement, je n’ai jamais pu "me vendre" et par là-même jamais su. Une sorte de résistance interne, une manière de considérer la vie, le rapport à l’autre, le rapport au monde ?
C’est un gros problème que je traîne comme un gros boulet pour trouver du taff…
Je rêve de rapports simples hors concurrence. Être reconnu pour ce que je sais faire, mon expérience, ce que je peux apporter à l’autre, ma sensibilité, un style : simplement pour ce que je suis.
Sans baratin, sans lécher les bottes, les chaussures, sans se "vendre".
Mais peut-être que je me pense dans un autre monde, pas celui où je vis.
D’où mon problème : je suis inadapté…
Et puis j’aime construire, inventer avec l’autre et pas me situer en concurrence, surtout si l’autre peut rêver comme moi.
Ça me fait penser à la promotion du dernier livre de Florence Aubenas, le quai de Ouistreham.
Si on continue avec l’analogie, et si on considère l’emploi comme un mariage (après tout pourquoi pas, il y en a bien qui dise que "l’amour est précaire, et que le travail doit aussi l’être")… ça à l’air d’être l’histoire d’une épouse trompée.
Et, j’aurais cru qu’il allait être question d’infidélité, de promesses non tenues, etc. Pour une société qui place le respect de la morale comme une obligation, cela aurait logique. Mais non, c’est de la cocue (oui, même des cocus en général) qu’ils parlent, pas du mari (du "parterre de blasés") ! C’est : "ils sont bien braves, ces cocus, quand même" … c’est même à se demander s’ils ne rient pas aux dépens des cocus. Que "le spectacle continue" ! C’est tellement drôle de rire des victimes… ou pour les moins méchants, de les plaindre. Ça fait un beau spectacle !
Pas très nouveau de voir ça. On se vend au désir de l’autre pour en récupérer une part, Lacan avait vu ça, pas que lui.
Et puis voilà, on redécouvre le déjà connu…pour l’oublier et mieux le répéter. Bof, c’est ainsi, pas nouveau.
S’étonner en s’insurgeant de l’évidence, quel intérêt ?
Vendre: capitalisme,
Partage: communisme…
2 visions du monde…
J’ai jamais été un bon vendeur ;o)
Ah oui, c’est terrible, j’ai entendu deux fois cette semaine aux infos un mec qui voulait mieux "se vendre". Qui regrettait de ne pas savoir le faire assez bien. Qui allait essayer de faire mieux. Le point extrême de l’esclavagisme. L’homme n’est pas une marchandise comme les autres: quelle marchandise se vendrait elle-même?
Sais-tu depuis combien de temps cette expression qui était gravement péjorative est devenue désirable, synonyme de courage, d’efficacité, de dynamisme? De "modernité"?
Ceci est l’épicentre de ma dépression personnelle.
Ce que tu es, ce que tu fais, tes compétences, tes talents, tout ça, c’est de la merde si tu ne sais pas te vendre… Donc oui, ça me fout les boules grave, comme si notre monde entier ne devait être peuplé que de vendeurs à la criée. Ben non, je ne sais pas me vendre et le système est tellement tordu à présent que celui qui ne sait pas se vendre ne vaut plus rien.
Donc je ne vaux rien.
Je vois une nouvelle profession poindre son museau : VRP personnels. Le mec payé pour te vendre. On pourrait même imaginer Pôle Emploi comme une véritable agence de placement où les conseillers deviennent les agents de leurs chômeurs, payés au pourcentage des salaires perçus, ne recevant que dalle quand le mec est entre deux boulots. Du coup, ils se bougeraient le cul pour vendre leurs tonnes de viande à trepalium à bon prix et non à les fourguer sur des voies de garage avec des salaires de misère.
Le prisonnier :
José Bové :
Le Monolecte :
On n’arrête pas le progrès.
T’en fais pas Agnès, si, tout comme moi, non seulement tu ne sais pas te vendre, mais que quelque chose dans le tréfonds de ta conscience y objecte très vigoureusement, c’est plutôt bon signe : ça témoigne qu’il y a un tréfonds dans ta conscience :-}
Alors ma foi, il te reste la ressource de faire comme moi : rater ta "carrière".
En même temps, les travaux forcés, casser les cailloux, tout ça, ça n’a jamais été mon truc, non plus.
Quand on y réfléchit, rater sa "carrière" ne présente que deux défauts majeurs, allez trois, si on veut, le premier c’est de manquer perpétuellement de thunes, le deuxième c’est de passer sa vie à devoir supporter d’être commandé par des cons (ce qui est Très Insupportable), le troisième c’est de très mal employer les talents qu’on avait, à malaxer de la merde avec pendant 42 ans et mèche.
Sinon, c’est pas mal.
« depuis combien de temps cette expression qui était gravement péjorative est devenue désirable,..»
Simplement depuis qu’on a accepté sans broncher que le personnel devienne des ressources humaines, que se répandent les expressions marché de l’emploi, marché du travail, et conséquemment coût du travail, que personne ne trouve à redire à ce que les agences, ou succursales, ou établissements des entreprises soient devenus des centres de profit…
" Le samedi 20 février 2010, 07:32 par laurent
Vendre: capitalisme,
Partage: communisme…
2 visions du monde…
J’ai jamais été un bon vendeur ;o)"
euh, donc si j’en crois laurent , le capitalisme c’est le bordel , le communisme la partouze … pfffffffffffff je comprend pourquoi je me sens communiste …..
@ Agnès : Vu l’état de tes réflexions, je ne peux que te recommander de lire les Premiers matériaux pour une théorie de la Jeune-Fille, qui a été édité aux éditions Mille et une Nuits, il y a quelques années, et qui est disponible en pdf, remise en page pour la lecture à l’écran, là : http://www.bloom0101.org/jeunefille…
C’est plutôt une vision d’horreur que d’essayer de voir les similitudes entre emploi et relation amoureuse.
Et puis, j’allais dire… les "blasés", je crois qu’ils préfèrent les jeunes vierges qui font ça pour le moins cher possible. Au fond, ça expliquerait pourquoi le même genre de personne va faire un certain type de tourisme en Asie du Sud-Est. Il faut croire que tout ce délocalise en Asie, tout…
Ah… et puis, ça voudrait dire qu’une entreprise, c’est une sorte de harem ! Avec, comme sultan, le patron… Et puis, il y a aussi les eunuques. Par contre, là, ça, c’est assez juste… Celui qui est plus haut dans la structure s’arrange toujours pour choisir quelqu’un qui ne pourra pas prendre sa place.
Mais qui sera la Shéhérazade ? 😉
Des gens payés pour vendre les autres, cela existe dans les sociétés de service ; ce sont les commerciaux.
Et il n’y a pire menteur que ces personnes (qui doivent tout de même avoir du mal à se regarder dans la glace).
Je confirme, Fward.
Je ne sais absolument pas me vendre non plus. Mais comme je suis consultant dans une société de services, un commercial en est chargé à ma place.
C’est une expérience étrange d’assister à une transaction entre un vendeur et un acheteur en étant considéré comme de la marchandise. Et voir le "vendeur" mentir avec autant d’assurance me confirme que c’est un métier à part entière.
J’ai beaucoup vendu. Pour moi-même à mes débuts sur les marchés où faut flatter sa madame Michu. Ensuite pour des multinationales avec des régiments de vendeurs à formater ( la plupart n’attendant que ça vu leur peu de talent d’ailleurs), puis un jour estimant avoir fait le tour de la question : j’ai enfin "pu" ne plus vendre…,enfin si, mais plus de la même façon.
Terminé les ronds de jambes, les bonjour môssieur comment vont vos enfants (dont je me contrefous). Aujourd’hui, je fais dans le hard et pur. Le bon produit au meilleur prix et au client de faire son boulot de client. Il n’y a plus de rendez- vous pause café, mais plus que des offres par mail, suivies d’un ""t’en veux ou t’en veux pas ?
C’est formidable, je gagne un temps fou pour écrire ou faire du sport, et j’ai même des clients heureux de n’être plus pris pour des pigeons.
Avec les femmes, je suppose que cela restera toujours plus compliqué. Enfin, je m’imagine pas trop leur jouer du violon non plus…, les bécasses peut-être.
Faut pas trop se biler avec la vente, Cartman le dit bien, il y a des gus qui nous vendent, d’autres qui nous achètent, nous on y met son grain de sel tout de même et c’est central en fait car personne ne m’achèterait ou me vendrait si je ne disais pas " Eh attention, j’en sais des choses".
C’est du théâtre, chacun son rôle à la con et sa façon, c’est pas grave. C’est juste ainsi sans aucune justice supérieure prédéterminée avec un livre des lois qui nous protègerais. Il n’y a pas vraiment de livre de loi, il n’y a que des us qui dans un avenir lointain voudraient bien faire des lois.
Le plus con n’est pas celui qu’on croit.
Connaissez-vous le féminin de winner ? C’est gagneuse…
Des fois il vaut mieux de ne pas en être.
Sujet passionnant et au centre de tant de mots, merci Agnès de l’aborder avec un point de vue qui exprime si bien tant de situations que j’ai vécu et re vécu … tant et tant de fois …
Aujourd’hui je crois avoir touché du doigt une parcelle de réponse : il y a en chacun de nous un désir de donner et un désir de prendre.
Ce qui donne de la valeur à une personne est donc double : la valeur qui correspond à ce qu’elle est prête à se donner, et celle qui va donner envie aux autres de la désirer.
Il y a opposition entre le désir de créer et celui de consommer.
Opposition entre deux définitions :
– Nous sommes riches que de ce que l’on donne
– Notre valeur est proportionnelle au désir de l’autre.
Dans un cas nous avons le choix, dans l’autre nous sommes objet du désir de l’autre.
Opposition encore entre le don et la possession.
Et au milieu de cette opposition il y notre choix et ces questions : à quoi voulons nous accorder de la valeur ?
Quelle valeur recherchons-nous dans le regard de l’autre ?
Quelle valeur recherche l’autre en nous ? Celle que nous cultivons dans notre intimité ? Ou plutôt celle qui vise à l’attirer par une image ? Par quels mots sommes nous touchés ?
Telle est notre liberté humaine, celle du choix
Au plaisir de te lire
http://www.rezo.biz
"qu’est-ce que je vaux" ? de quelle "valeur" parler ? valeur d’usage où valeur d’échange ? 😉
« Ceci est l’épicentre de ma dépression personnelle »
Ça nous fait un point commun supplémentaire.
Ne pas savoir se vendre est une qualité. Être inadapté à une société malade est un signe de santé. Les cabinets psychiatriques sont remplis de personnes parfaitement saines d’esprit, incapables de prendre activement part à cette marchandisation de l’être humain.
Bien sûr que tu vaux quelque chose !
La sensibilité écorchée que tu exprimes avec tant de talent dans tous tes billets a une valeur inestimable à mes yeux, et probablement aux yeux de toutes celles et ceux qui viennent régulièrement chercher ici leur dose d’humanité.
Tu es comme les grandes œuvres d’Art, Agnès : tu n’as pas de prix.
Encore une fois, il ne faut pas se faire d’illusions, les humains sont des voyous, surtout ceux qui prétendent ne pas l’être et condamnent les voyous. C’est pas en se braquant sur les vendeurs en tous genres qu’on résoud le problème.
Moi je sais très bien me vendre. En tout cas j’ai fini par apprendre à le faire sans trop m’en rendre compte, poussé par des nécessités professionnelles et bassement économiques. Et le pire, c’est qu’à l’instar de tous les commentaires diffusés ici, je déteste ça.
Il y a quelques années, suite à un licenciement économique, j’ai été amené a passer un nombre d’entretiens professionnels assez impressionnant, tant auprès d’employeurs directs que de cabinets de « chasseurs de têtes ». Au début j’ai commis pas mal d’erreurs dont j’ai rapidement pris conscience et au fil de nouveaux entretiens je me suis amélioré pour finir par servir précisément le discours type que mon interlocuteur souhaitait entendre. Alors que j’étais toujours un peu tendu et sur le qui-vive lors des premiers entretiens, j’ai fini à la longue par les mener avec une décontraction dont j’étais le premier à être étonné. J’ai réalisé que j’avais fini par apprendre un rôle à mon corps défendant et qu’il suffisait alors d’étaler un texte bêtement appris tout en singeant une attitude volontaire, positive et dynamique, pour ravir celui ou celle qui me faisait face. Ce n’était ni plus ni moins qu’un travail théâtral dans lequel l’acteur doit écrire son texte en prenant soin d’y incorporer quelques mots clés et formules formatées banalement attendues. Et ça fonctionne. Même si je n’ai pas toujours été retenu, je savais (après m’être renseigné) que ma candidature avait fait partie de la dernière sélection.
Le pire c’est que la personnalité (en gros, un trou du cul de cadre aux dents longues) que je singeais pour la circonstance était totalement à l’opposé de ma véritable personnalité. J’avais presque fini par m’en amuser, n’eut été l’impérieuse nécessité de trouver un boulot.
Tout cela est consternant et pitoyable.
Je vois pas pourquoi on s’acharne à parler de "vente". Quand y a une centaine de candidats… et si c’est pas un millier… il y a plus rien de rationnel ! C’est le "hard discount", comme on dit…
Et il faut vraiment être un pigeon pour croire qu’on a été embauché pour sa "compétence" !
Un pigeon, ou un corbeau…
"Maître Renard, par l’odeur alléché,
Lui tint à peu près ce langage" …
😉
Ca fait longtemps que je cherche un VRP personnel a qui je céderais un pourcentage de des revenus que je toucherais grâce à lui. Jusqu’à maintenant, je n’ai pas trouvé 😉
Tu ne sais effectivement pas te vendre, moi je n’arrive pas à t’acheter 😉
Lulu a encaissé mon virement le 4 décembre pour l’achat de ton livre, mais je ne l’ai toujours pas reçu. Ils indiquent que tant que la poste ne leur renvoie pas le paquet, il ne peuvent rien faire.
Et ils n’ont pas répondu à ma dernière relance.
Suis-je la seule dans ce cas ?
Cordialement
En fait, il y a de gros délais, ce qui me fait chier par rapport aux lecteurs, mais là, ça dépasse le tolérable. Merci de me signaler tout problème avec Lulu. Sinon, les gens que je connais on reçu leur bouquin.
"se vendre " pouah….
Quelle expression déplaisante utilisée à outrance par cette société malade….
J’ai toujours détesté "me vendre" bien que je l’ai fait par moment pour un emploi.
C’est idiot…çà nous oblige à faire comme si on se considérait au dessus des autres alors que je ne vois pas pourquoi je serais meilleure…
Dans le même registre je déteste la question en entretien d’embauche "Pourquoi je vous prendrais plutôt qu’un autre?" Ce qui oblige à se positionner.
Et le pire du pire je trouve c’est ceux qui "se vendent" dans les agences matrimoniales où on doit faire une petite fiche pour se décrire et où j’en suis sûre tout le monde triche sur sa personnalité,se déclare dynamique et sans défaut…
A ce compte là mieux vaut encore rester seul.
Il y en a un qui sait se vendre c’est "Super Sarko!!" …