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Le trottoir ou la rue

Par Agnès Maillard
19 février 2005

Étrange dilemme auquel sont soumises certaines chômeuses allemandes…

Est-il vraiment nécessaire d’utiliser l’argent du contribuable allemand pour financer l‘Agence fédérale pour l’emploi quand elle soumet les chômeuses allemandes à ce genre de chantage.

Pour ceux qui suivent un peu ce qui se passe ailleurs que dans leur pâté de maison, on se souvient des lundis de la résistance outre-Rhin, contre un gouvernement de gôche qui applique les recettes les plus appréciées des ultra-libéraux et qui détricote les droits sociaux les plus élémentaires. Dans la catégorie "les pauvres sont des gorets, ils ne comprennent que la matraque" : Hartz IV, dont les lois Borloo se sont largement inspirées dans le volet anti-chômeurs. Sachant que les chômeurs sont coupables de leur situation, il convient de les forcer à prendre n’importe quel emploi qu’on leur propose, sans aucun critère que qualification, de salaire ou de quoi que ce soit. Le chômeur n’a plus voix au chapitre, il prend toute sa place de simple variable d’ajustement.

Le souci, c’est que la prostitution a été légalisée en 2002 en Allemagne, et du coup, les maisons closes allemandes sont habilitées à passer des offres d’emploi à l’ANPE allemande pour recruter des vendeuses de charme. Imaginez une seule seconde une ancienne de chez Moulinex, une nana qui a bossé des années et des années, qui se fait jeter par un plan social et à qui on finit par dire qu’en vertu des nouvelles lois anti-chômeurs, soit elle prend le boulot de prostituée, soit on va la sanctionner au niveau de ses allocations chômage, parce que, manifestement, elle ne veut pas bosser!

On va me dire que c’est un exemple extrême. Certes, mais il existe! Et le simple fait que ce soit possible devrait tous nous faire bondir sur nos ergots. Et est-ce mieux de forcer un ingénieur en chimie organique à aller servir des cafés en terrasse? Va-t-on grandir notre économie de la sorte?
On va me dire encore qu’on ne peut pas indemniser le chômage indéfiniment. Ha bon? Pourquoi donc? Alors que c’est la mise en péril des moyens de subsistances de millions de salariés qui a largement contribué à l’explosion des bénéfices record des entreprises cotées en bourses. Alors que rien n’empêche d’alimenter indéfiniment l’appétit des actionnaires dont on peut douter parfois de la contribution à l’intérêt général.

Chaque jour, j’ai l’impression qu’on assiste au jeu du bouchon : nos gouvernants agissent comme s’ils se demandaient chaque jour "jusqu’où pouvons-nous pousser le bouchon aujourd’hui sans que tous ces abrutis ne se réveillent?". Et pour l’instant, tant que nous restons vautrés sur nos canapés devant la boîte à cons dans l’illusion qu’en faisant le gros dos, ça ira mieux demain, il semble qu’il y a assez peu de limites au grand jeu du bouchon.

9 Commentaires

  1. La perversité du système ne connaît plus de limites. C’est signe que sa fin approche, c’est ainsi que finissent toutes les dictatures.

    Mais combien de victimes avant que la bête ne crève ?

    Réponse
  2. J’y crois pas ! Je ne me tiens pas très au courant de ce qui se passe en dehors de chez moi, c’est vrai ("pas bien", je sais). Mais là, je trouve cet exemple sacrément révoltant. C’est une blague ? Les allemands laissent faire ça ?
    Dites, c’est quand, le prochain aller simple pour la lune ?

    Réponse
  3. Est-ce que j’ai l’air de trouver ça drôle?
    La nouvelle se répand sur le Net, mais nos canaux d’informations officiels ne relaient toujours pas

    Réponse
  4. Heu, d’après tous lessites que j’ai vu jusqu’à présent les propos sont tou issue du site de l’humanité quotient d’extreme gauche (communiste).
    SAchant toute la crédibilité que je mets sur ce journal (aucun), je me pose des questions sur la véracité de l’article.
    Toutefois, le piège est que (vu que notre société est un peu dingue) ce soit effectivement vrai et que les gen trouvent çà trop gros pour bouger.
    Enfin avant de descendre dans la rue, je préfère être informé par une autre source.
    Encore une fois si ce qui est sous entendu est vrai c’est tout bonnement inexcusable, le problème de la legislatino de la prostitution est un problème qui peut être posé, mais celui de forcer un être humain à se prosituer ne l’est pas.

    Réponse
  5. Précisions

    Ici, je reprends l’idée principale du commentateur allemand : La légalisation de la prostitution + Hartz IV = La possibilité de forcer des chômeuses (et pourquoi pas des chômeurs!) à accepter de travailler dans l’industrie du sexe, puisque c’est devenu juridiquement un métier comme un autre et que les tenanciers de bordel sont des patrons comme les autres (en moins hypocrites, nous dirons!) en ce qu’ils s’acquittent des diverses cotisations sociales, ce qui les rend légitimes à exiger les mêmes services que les autres secteurs d’activité, dont les services de placement de l’Etat.
    Ce qui est scandaleux, c’est que la possibilité existe… car selon toute vraissemblance, tout ce qui n’est pas strictement interdit est forcément autorisé, et donc finira bien par se faire. L’économie n’a pas de morale, faut-il le rappeler?
    Plus que la légalisation de la prostitution, c’est d’autoriser (tu prends un boulot qu’on te donne, même si c’est sous-qualifié, sous-payé…etc, ou on te prive des indemnités de ton assurance chômage, assurance à laquelle tu as cotisé du temps de ton salariat, ce qui était sensé te garantir un certain niveau de couverture!) qui me scandalise!
    D’ailleurs, fait intéressant, le Traité pour la Constitution Europénne prévoit qu’on ne puisse forcer une personne à occuper un emploi pour quelque raison que ce soit : Borloo I et Hartz IV virtuellement illégaux?
    Enfin, selon toute vraissemblance, les récits de femmes qui auraient été d’ors et déjà contraintes à accepter des métiers du sexe semblent des allégations douteuses issues de journaux type tabloïds, dont on peut penser qu’il s’agit là de récits peu dignes de foi, mais qui ont l’insigne avantage de jeter l’opprobe sur l’ensemble du débat sur le travail forcé et d’occulter le problème de fond!

    Réponse
  6. Plus de 3 ans plus tard :

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    Réponse
  7. Il y a une dizaine d’années environ, les Pays-Bas se sont demandés si il fallait "légaliser" la prostitution. Et les syndicats de salariés, comme les associations féministes, comme les associations religieuses, comme les spécialistes du droit du travail, ont notamment soulevé vigoureusement ce point du "refus de proposition de travail".

    Finalement la modification de la législation néerlandaise a permis de d’accorder une couverture sociale aux prostituées sans en faire une activité "normale". La première remarque faite à la suite de la déclaration des prostituées auprès des organismes sociaux ? Plus de 90 % des prostituées provenaient de pays hors de l’Union Européenne. Des victimes de conditions économiques…

    Réponse
  8. Merci d’apporter un éclairage sur l’effet de ciseau entre la nécessaire intégration des prostituées à notre monde social (Sécu, retraite, etc) et le risque de banalisation. J’ai écrit, bien après ce billet, un autre qui se posait justement la question de la manière dont les putains sont (mal)traitées dans notre société, cet ostracisme qui en fait clairement des sous-citoyennes.

    Réponse

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