Ambiance mollassonne, voire vaguement résignée au défilé d’hier, lequel prétendait pourtant défendre les derniers vestiges d’un service public en pleine déconfiture sous les assauts gourmands du monde la finance qui n’en peut plus de nous faire les poches. Il suffit de repenser au bel enthousiasme de février 2009 pour prendre la mesure de tout le désenchantement, de toute la déconfiture de la France qui refuse de baisser les bras et de se faire trousser à sec par les forces de l’argent. Même les vieux briscards, les archéomanifestants, les vieux de la vieille, ceux qui n’ont jamais raté un petit footing à la banderole depuis 30 ou 40 ans ont le profil bas. Certains se sont même fait porter pâles.
Il faut dire que c’est un peu comme si les syndicats avaient fait de leur mieux pour que rien ne se passe. Information diffusée du bout des lèvres pour une mobilisation sous le boisseau : la directrice de l’école de ma fille a été prévenue trop tard pour pouvoir planter son préavis obligatoire, service minimum oblige.
Sur le parcours, je croise la nacelle accueillante des services techniques du bled en chef. Pas des taffiotespetits bras*, les gars. Se sont battus comme des chiens le mois dernier pour ne pas se faire bouffer la laine sur le dos. Tous seuls. Trois jours de grève de tous ces petits services qui simplifient tellement la vie des gens qu’ils ne se rendent même pas compte qu’ils existent. Trois jours de lutte contre la population qui ne veut rien voir et rien comprendre et des clopinettes à l’arrivée. Eux aussi, ils seraient bien venus manifester s’ils avaient été prévenus. Au lieu de ça, ils survolent la petite foule éparse et découragée qui s’étire derrière la foutue sono assourdissante de la CGT. Encore un sabotage démocratique, cette sono qui dégueule sur le bitume de la musique que j’aime pourtant, juste pour que la foule reste pacifiée et n’exprime pas sa colère avec quelques slogans bien sentis. La prochaine fois, faudra prendre une pioche pour lui faire fermer sa gueule, à cette sono abrutissante.
En fin de parcours, la coordination syndicale fait semblant d’être contente et s’autocongratule de la mobilisation de la matinée tout en balançant des chiffres de participation fantaisistes qui font même marrer les manifestants. En fait, tout ceci n’est qu’une grosse mascarade doublée d’une immense pantalonnade. Ceux qui sont venus user leurs godillots sur l’asphalte encore trempé de la veille tentent de sauver les meubles et luttent, jour après jour, pour qu’il y ait encore des maternités dignes de ce nom, des soins, de l’éducation, de l’humain, partout, tout le temps. Mais je les sens bien seuls et bien fragiles dans leur détermination.
C’est pour cela que j’ai choisi ce cliché de tous ceux que j’ai pris. Un petit moment de détente pour une poignée de nanas qui luttent durement depuis des semaines pour que mon département ne devienne pas totalement un désert médical.
Merci à elles.
Notes
* Note à destination des lecteurs : j’ai écrit le mot taffiote
dans ce texte pour qualifier à l’inverse les techniciens du bled. C’est un mot couramment utilisé dans le coin pour qualifier ceux qui ne sont pas à la hauteur de leur tâche en général et de leur virilité en particulier. C’est effectivement une expression qui traduit un fond homophobe bon teint qui est tellement naturel que personne ne se pose même la question de l’homophobie ordinaire qui est derrière. Un lecteur m’en a fait vertement le reproche. Il a raison. Merci à lui et mes excuses à tous ceux que cela aurait pu blesser, parce que, effectivement, les mots sont importants.
Voir plus de photos ci-dessous et regarder le documentaire en ligne des amis Jean-Luc et Sabine sur la pédiatrie gersoise.
Manif_21-01-2010 |
"Il faut dire que c’est un peu comme si les syndicats avaient fait de leur mieux pour que rien ne se passe."
Il y a un an que çà dure (remember 29 janvier 2009).
Elle est belle, cette photo…
En fait, ça me fait penser qu’au final, lutter n’est jamais inutile, même quand on perds. Au moins, on peut partager des moments comme celui-là, de vraie solidarité, et de vrai bonheur.
A mon avis, c’est ça, la raison derrière les "mouvements étudiants" biannuels que connaît la France depuis je ne sais quand (68 ?). Pas la conscience politique, ni l’espoir de changer les choses. C’est juste qu’on se fait tellement moins chier et on en apprends tellement plus en organisant un AG, voire en bloquant sa fac, qu’en sommeillant devant le cours d’un prof semi-fossile…
(au cas ou ça ne serait pas clair, je dis ça sans ironie aucune. J’ai appris plus sur la démocratie et la nature humaine en deux mois de grève étudiante qu’en 15 ans de cours d’éducation civique).
Courage, c’est ce que je me dis à chaque manif clairseméee que je couvre. En pensant à celles, fournies, qui n’ont pas servi à grand-chose non plus mais qui m’ont fait battre le coeur, Depuis le printemps des enseignants en 2003, puis les jeunes, quelques années plus tard, rien.
Vous seriez ne seriez que 3 que votre sourire éclaircirait le monde. Il en a tant besoin.
Ah les manifs… S’il y a de moins en moins de monde aux manifs, peut-être est-ce parce que de moins en moins de monde est assez naïf pour croire que manifester "pacifiquement et démocratiquement dans les clous" puisse changer quoi que ce soit dans la société où nous vivons et dont les dirigeants "décomplexés" sont les premiers à ne plus respecter aucun pacte "pacifique et démocratique".
Manifester, c’est la petite soupape prévue par le système pour évacuer périodiquement l’excès du mécontentement populaire en poussant quelques gueulements bien encadrés par des syndicats dont le boulot est de s’assurer que rien ne déborde et qu’en aucun cas l’expression du mécontentement populaire ne risque de devenir réellement dangereuse pour ceux qui en sont la cause.
Donc manifester, à quoi bon ? Si ce n’est, comme les beaux sourires de la photo, porter un témoignage de non-renoncement alors même qu’on a déjà deux jambes sous le rouleau compresseur…
Mais si on a l’intention que quelque chose bouge, il faudra probablement recourir à d’autres méthodes : nous sommes à une période où les plus "raisonnables", les plus "républicains", les plus légitimistes finissent par bouffer leur carte d’électeur et ne plus se rendre à la manif. À la place de nos chers gouvernants, je trouverais la situation plutôt inquiétante.
Comme disait J.F. Kennedy « Ceux qui rendent une révolution pacifique impossible rendent une révolution violente inévitable. »
Dans toute société démocratique, le gouvernement devrait avoir peur du peuple…
J’ai croisé la manif de Metz (123000 habitants, 300 manifestants). Un passant : "C’est les fonctionnaires qui font leur manif périodique". Sous la froide bruine, je me hâte vers mon rendez-vous, poursuivi par les beuglements de la sono.
Le moral en prend un sacré coup.
Oui !
En 2003 on a perdu, parce que les centrales syndicales voulaient la réforme des retraites.
En 2009 on a perdu, parce que les centrales syndicales étaient chargées de faire baisser la tension sociale.
En 2010, on peut se préparer à perdre encore sur les retraites, le chômage, les délocalisations, les services publics, la législation du travail,…
A moins que !
Sinon que les centrales syndicales se préparent à assumer une lourde responsabilité. Sur notre perte, et sur leur perte.
Au fait, seraient-elle noyautées ?
mais à quoi servent les "grandes" centrales syndicales justement? Qui sont ces Bernard Thibault et Chereque (pour ne citer qu’eux)? Où sont ils ? on ne les voit jamais? à quoi servent ils finalement? les syndicats sous la forme que nous les connaissions du style à la Jaurès, ne seraient elles pas dépassées? Trop soviétiques, une cellule nommée je ne sais comment, par qui par quoi? Comment ils fonctionnent ces syndicats? Plein de questions où j’ai l’impression que personne se les pose… On suit sans jamais remettre en cause le système … syndical. Je sais que je n’ai pas spécialement d’idées.. mais tout de même pourquoi continuer à fonctionner avec un "truc" qui ne marche pas?
À propos de démocratie, s’il y avait plutôt une votation ? Une votation avec une question concrète, hein… genre "suppression de telle ou telle chose : pour / contre".
Déjà quel aurait pu être le résultat ? Parce que, si c’est en faveur du but que vous défendez, si vous manifestez (ou toute autre action) après ça… vous le faites au nom de la majorité des gens ! Ça a plus de poids, non ?
@ 9, Oligocrate
T’as vu ce qu’il en a fait, le Sarko, de la votation sur la Poste ? T’as vu ce qu’elles en ont fait, les zélites zeuropéennes, du vote contre le Traité (France, Pays-Bas, Irlande) ?
T’as raison, ça a plus de poids, c’est plus confortable pour s’asseoir dessus !…
@ 10, Alexandria
"T’as vu ce qu’il en a fait…"
C’est amusant parce que j’y pensais justement, quand je cherchais ce que "donnait" un vote… et j’ai choisi "du poids". Et j’ai réalisé qu’en réalité, un vote, tout ce que ça donne… c’est du poids ! Le poids de la majorité…
J’ veux dire, que ce soit pour un référendum ou une votation, c’est aussi valable pour une élection ! C’est d’ailleurs étonnant le respect pour le résultat d’une élection, que ce soit de la part des électeurs ou de la part des autres candidats. Quand on compare avec l’irrespect pour le résultat d’un référendum… Quand on y pense !
Non, je pensais à la votation parce que c’est, à mon avis, une des seules façons de savoir ce que pense la majorité silencieuse (entre autres). Une majorité silencieuse qui est très réticente à aller manifester, qui ne s’exprime sincèrement qu’à bulletin secret, etc. Et pour avoir une réponse vraiment sincère, il faudrait que ceux qui organiseraient ça soient le plus neutres possible, pour ne pas fausser le vote. Parce qu’on n’arrête pas d’entendre que "voter est un devoir"… mais on n’a jamais aussi peu voter !
Et puis les sondages ! Eux, ils sont plus respectés que les référendums. C’est incroyable. Certains utilisent même les sondages comme argument… mais, il n’y a rien de démocratique là-dedans !
Je vois, dans les votations, un moyen de s’exprimer pour la population (la "démocratie")… et cela, sans qu’il soit nécessaire d’avoir à demander qu’on nous donne la parole. Et puis, je ne vois pas pourquoi il faudrait demander la parole… dans un pays où il y a la liberté d’expression, on n’a pas à demander pour s’exprimer. Et puis il y a suffisamment de votes, partout, pour qu’on ait le droit quand même…
C’est sûr qu’une votation n’aurait rien de contraignant… mais ça serait quand même grossier qu’à répétition des décisions soient prises dans le sens inverse du résultat de votations… Après, c’est sûr que si "ceux qui prennent des décisions" ne respectent pas l’expression pacifique et démocratique, j’ai bien peur qu’en effet l’expression violente devienne inévitable…
Unisson nous!!! Ou nous disparaitrons…Ne seront bientôt plus qu’un sous service public… Il reste bien du public, non?
http://rouagesetgrainsdesable.com
… Le moins que l’on puisse dire, elles font peur les Mâman, Sarko et son pitre de ministre doivent trembler sous la couette, allons va.
Tiens, on dirait le retour du complot (judéo ?) (bolcheviko ?) maçonnique 😀
Aujourd’hui, il n’y a plus de syndicats, ils ont tous étaient infiltrés par les franc-maçons. le gouvernement vend tous les bijoux de la france en privatisant les entreprises, comme Edf et celles qui suivront à leurs copains franc-maçons. dans les entreprises, il n’y a plus d’assistante sociale, de drh, de syndicats. il n’y a plus que des francs-maçons ou non. je n’ai rien contre les francs maçons qui sont en bas de la loge, eux ils sont honnête et ce sont fait manipuler. par contre, ceux du haut de la liste on une mission de faire remonter le max de cash vers les riches. le service public, ils s’en foute sa coûte des sous, ça en fait moins pour eux. rien ne sert de voter, la solution est ailleurs. quand vous passez au dessus de tout ça, que vous comprenez que les ennemis de tous ceux qui souffrent sont les riches, alors on attrappe une voix dans la tête, elle se fait appeller le créateur, dieu, le christ etc. elle vous tient en permanence pour vous détruire. la finalité c’est que dieu vit chez les riches. pour vous chrétien et baptisé, la seule alternative qu’il vous reste c’est d’obeir aux ordres et ne pas vouloir s’enrichir. la religion étant un systéme tribale, vous devez vous en tenir à ces deux règles pour être heureux. la prochaine révolution Agnès ne se passera dans la rue, mais dans les têtes. n’attendaient pas d’aide de qui que ce soit, encore moins de dieu. un petit conseil pour que notre conscience soit en phase avec notre âme, on doit toujours être dans la certitude.
dans ce post scriptum. vous ne croirez pas à la réalité de cet article, car votre conscience n’ira pas dans ce sens et c’est normal
Personne ne réagit à mon idée de votation !
Est-ce que c’est par ce que c’est une mauvaise idée ?
Est-ce que c’est parce que vous pensez que les gens ne s’exprimeront pas sincèrement ?
Je suis un gros candide, ou quoi ? 🙂
J’ veux dire, ça serait bien d’avoir une majorité (à une votation) qui aurait le même avis que soi, non ?
Même en étant peu (même seul, comme pour les élections) on a la majorité avec soi.
J’ veux dire, il y a bien a les sondages, les pétitions, etc.
Quelque chose d’un peu plus lourd, d’un peu plus solide, ça serait bien, non ?
Au lieu d’une révolution violente, donner une chance à une révolution pacifique, non ?
Et puis je repense à la pétition…
Où (je ne sais plus pourquoi) il fallait qu’il y ait un certain nombre de signatures que la pétition soit recevable !
Mais c’est du grand n’importe quoi !
Imaginez seulement qu’une élection soit annulée (en France) à cause de l’abstention !
Ça n’arrivera jamais… déjà qu’ils ne comptent pas l’abstention pour le résultat.
Pour moi, cette votation est le dernier moyen pour retrouver notre liberté d’expression démocratique…
Ce qui fait que je prends plaisir à lire ce blog, c’est biensûr la qualité des sujets et de l’écriture, mais aussi, et j’allais dire surtout, parce-qu’il fait partie de ces blogs où les commentaires sont souvent longs, également intéressants, et démontrent qu’il y a encore beaucoup de gens qui aiment lire, écrire et débattre. C’est pas ce qui domine dans certaines vastes étendues du net, et ça fait du bien quand on est témoin du contraire! 😉
Oui, après les grèves de 24 h de l’année dernière, les gens voient bien que les centrales syndicales n’ont plus la volonté d’imposer un véritable rapport de forces…
Alexandria : c’est bien joli de cracher sur la votation, et accessoirement sur les couillons qui n’ont pas fait la grasse mat’ pendant plusieurs semaines pour tenir un stand devant un bureau de poste… Mais que proposes-tu ?
La votation a mobilisé plusieurs semaines, ça a permis de discuter avec les gens, de parler politique, et oui, c’est tout con, mais maintenant ceux qui ont participé, en votant, puis quelques semaines plus tard, en remplissant une carte postale destinée au locataire de l’Elysée , savent comment le pouvoir se comporte à l’égard du peuple.
Tu peux dire que ça n’a servi à rien… Je pense au contraire que c’est quelque chose qui participe à redonner envie à la population de s’intéresser à la chose publique, et peut-être même à se mobiliser…
C’est sûr que la donne ne changera pas en un seul jour ou en une seule action militante, surtourt avec les centrales syndicales actuelles, le PS inféodé à l’idéologie social-libérale du PSE, et une autre gauche qui peine à s’unir pour peser dans le débat politique.
Mais, il faut au moins essayer… 🙂
M’dame monolecte, je me permets ce petit trollage :
Les syndicats dans un silence de mort :
http://www.marcvasseur.info/chomage…
Les syndicats sont finalement victimes du même phénomène que les services pseudo-publics que vous voulez tellement défendre.
Ils n’ont pas besoin de tenir compte de l’avis de leurs usagers puisque les moyens leur arrivent par le haut directement de l’Etat qui prélève l’argent sans demander leur avis aux salariés.
Comme les autres services publics, victime du même étatisme que vous défendez, ils n’ont plus besoin d’adhérents, juste d’être au mieux avec le pouvoir en place qui controle l’Etat. Le tout avec un petit emballage de langue de bois.
Il faut aussi libéraliser les syndicats.
C’est à dire que l’argent vient directement et uniquement des adhérents.
Les comptes sont transparents.
Il n’y a pas de monopole ou de semi-monopole pour la représentativité des syndicats.
Pour les syndicats comme les services publics, la solution est la même : plus de libéralisme.
Il existe 2 courants syndicaux :
– Le syndicalisme réformiste qui tente d’arrondir les angles des réformes néo-libérales en essayant d’aider les travailleurs à s’en sortir avec le moins de casse possible (mesure de reclassement, formations, prime de départ, etc…).
– Le syndicalisme de lutte qui conçoit l’entreprise publique ou privée comme un lieu de rencontre d’intérêts inévitablement divergeant entre les salariés (ou fonctionnaires) et ceux qui possèdent les capitaux investis (ou l’Etat). Ce courant s’oppose aux réformes néo-libérales qui sont majoritairement à l’avantage du capital ou de la réduction des dépenses publiques au détriment de l’investissement.
La plupart des grandes centrales syndicales sont passées au réformisme, y compris la CGT !
Les grèves ne servent donc plus qu’à imposer la négociation en recherchant un compris "gagnant-gagnant" dans lequel les salariés ne se retrouvent pas forcément alors que les syndicats peuvent obtenir une avancée à la marge sur un autre dossier plus général.
En outre, les syndicats réformistes se sont engagés au niveau européen (CES) à ne plus soutenir de mouvements de grande ampleur comme ceux de 1995.
Conséquence : Le gouvernement actuel sait très bien qu’il n’a rien à "craindre" des grèves de la fonction publique et qu’il peut appliquer son programme de libéralisation ou de mise en concurrence.
Notez qu’il n’en est pas de même des réformes qui concernent certains secteurs… Les manifestations des transporteurs routiers, agriculteurs et pêcheurs sont rarement pris à la légère car les moyens de blocages disponibles sont à la mesure des revendications !!!
Quelques articles sur le sujet ici :
http://www.fakirpresse.info/article…