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Il n’aura échappé à personne qu’en ce moment nous vivons ce qui pourrait s’apparenter au festival international du bully, un peu comme si les surveillants de Bétharram avaient pris le pouvoir, partout dans le monde. L’agression est devenue la voie diplomatique, la brutalité la marche optimale de l’humanité, l’humiliation et le mensonge la nouvelle norme des relations tant entre les personnes qu’entre les institutions ou même les pays.

Il existe un continuum entre Bétharram et la trumpisation du monde, quelque chose de systémique, de profond et de délibéré qu’il faut prendre le temps de décortiquer patiemment, alors même que les accélérationnistes nous entrainent à marche forcée vers le prochain grand abattoir mondial.

Le bizutage comme modèle éducatif

Au sujet de l’affaire Bétharram, Le 18 février 2025, mon mini-thread sur Mastodon.
Il y a un truc qu’il faut bien comprendre dans cette histoire : l’internat de « redressement » des gosses de la petite bourgeoisie française Kto ne s’arrête pas à Bétharram.

C’est un peu comme le père Fouettard ou le martinet : ce sont des établissements dont la carte de visite auprès des parents, c’est leur « sévérité », autrement dit, les brimades institutionnalisées pour briser les gosses récalcitrants.

En gros, TOUT LE MONDE SAIT que ce sont des semi-prisons.

… à commencer par les parents qui y envoient réellement exprès leurs enfants.
Pour qu’ils y soient dressés.

C’est toute une mentalité : tout le monde trouve parfaitement normal que ces établissements existent et que les gamins enfermés là-dedans y sont en mode punitif.

J’ai grandi dans le département à côté : on avait aussi notre pensionnat semi-carcéral du coin et il y en avait encore un autre du côté de Toulouse.

On connaissait tous les noms : c’était une menace permanente.

À partir du moment où tu es OK avec l’idée que les brimades, c’est une bonne manière d’éduquer ton gosse, tu vois que tes critères éducatifs te portent à les confier à des personnalités sadiques.

Le reste : violence, domination, abus divers, peut s’y épanouir en toute quiétude.

Les plaintes des gamins ne seront jamais entendues, l’impunité est pratiquement garantie.

En gros, Bétharram n’est pas un cas isolé, c’est un système dans l’enseignement catholique.
https://framapiaf.org/@Monolecte/114025858853763470

J’aurais pu ajouter : vous l’avez lu ici en premier, tant assez rapidement, les langues se sont déliées sur les autres établissements disciplinaires de France.

D’ailleurs, j’écrivais le 2 février :

https://framapiaf.org/@Monolecte/111861282035949881
J’attends qu’on sorte les dos’ de Garaison.

Le concept, c’était de bullier les gosses pour les dresser. Les parents signaient spécifiquement pour ça, une sorte de lycée pénitentiaire.

Les gus qui en ressortaient étaient essentiellement brisés.

Les parents étaient contents, les gosses étaient bien dressés en probablement de la graine de psychopathes .

En fait, derrière l’affaire de Bétharram se cache l’étrange appétence de tout le corps social pour les violences éducatives qui sont d’une telle banalité dans notre société qu’il faut un réel effort de déconstruction pour cesser de trouver normal d’être des brutes avec les plus faibles d’entre nous.

Car les violences éducatives ne sont en aucun cas une voie d’amélioration des personnes ou des communautés, mais bien une entreprise de formatage par le traumatisme pour forcer les gosses à entrer dans une vie de hiérarchie et de compétition que s’apelerio le capitalisme.

Il suffit de réfléchir deux secondes à l’étrange résistance qui s’est déclenchée quand il s’est agi de mettre fin aux bizutages dans les grandes écoles. Levé général de boucliers de la part des parents, de pas mal d’élèves, des institutions, des médias, en fait de tout ce que l’on peut nommer « élite » de notre beau pays. Ainsi, il y avait une complicité latente, voire une approbation générale à ce que les personnes qui allaient faire partie des instances dirigeantes du pays soit soumises à des rituels sadiques, basés sur l’humiliation, la brutalité et l’élimination féroce de celleux qui ne pouvaient pas rentrer – d’une manière ou d’une autre autre – dans un cycle de violences et de traumatismes.

Il était intéressant aussi de noter que les victimes de l’année précédente réclamaient leur revanche l’année suivante, répétant le cycle en se transformant eux-mêmes en bourreaux, créant un « esprit de corps » toxique dont on a ensuite bien reconnu la dynamique de meute dans les histoires de boys clubs de harceleurs.

Notre ennemi, c’est l’empathie

À l’autre bout de la lorgnette, nous avons Trump et sa politique de bulldozer qui n’est même plus lisible par ses principaux alliés :

Warner Crocker sur Mastodon
Ce n’est pas une stratégie de négociation que de faire volteface comme un poisson hors de l’eau.

Pourtant, il ne faut pas s’y trumper, sous les dehors du chaos, il y a précisément une stratégie délibérée de déstabilisation des adversaires, la stratégie du choc dans toute sa splendeur.

La stratégie du choc, Naomie Klein, chap. 21 : Quand la paix ne sert plus à rien.
Toute stratégie visant à exploiter une brèche ouverte par un choc traumatisant mise lourdement sur l’élément de surprise. Par définition, l’état de choc est un moment marqué par un fort décalage entre des évènements qui se précipitent et l’information dont on dispose pour les expliquer. Le regretté théoricien Jean Baudrillard a écrit que les actes terroristes étaient des « excès de réalité » ; en ce sens, en Amérique du Nord, les attentats du 11 septembre ont été, au début, un évènement brut, une réalité crue, non transformée en histoire, en récit ni en autre chose qui puisse combler le vide entre la réalité et la compréhension que nous en avons. Sans récit, nous sommes, comme au lendemain du 11 septembre pour nombre d’entre nous, profondément vulnérables face à ceux qui sont prêts à exploiter le chaos à leur avantage. Dès que nous disposons d’un récit capable d’expliquer ces évènements choquants, nous retrouvons nos repères et le monde a de nouveau un sens.

Maltraiter les institutions, humilier ses interlocuteurs, dire tout et son contraire, inverser le valeurs et dénaturer le sens des mots est un schéma hélas bien connu par tout·tes celleux qui en ont déjà été victimes :

Sur BlueSky, le 8 mars 2025
Les abuseurs utilisent souvent la méthode de la douche écossaise pour placer leurs victimes dans la sidération : tu dis un truc et son contraire et tu changes d’avis et d’exigences toutes les 5 minutes.
Comme ça, la victime ne sait plus où elle en est, elle est en stress permanent de faire un faux pas, elle ne sait jamais sur quel pied danser alors que le plan, c’est… de la gaslighter pour mieux la contrôler.
C’est très précisément ce que fait Trump… à l’humanité entière. Il doit jubiler d’être devenu le bully ultime.

D’ailleurs, bien des copaines ont parfaitement compris ce que je racontais :

J’écris :
— C’est très précisément ce que fait Trump… à l’humanité entière.
Il doit jubiler d’être devenu le bully ultime.
— "Regarde moi !"
"Baisse les yeux je te dis"
— Oui, ce genre
— ou encore, "tu vois ce que tu m’oblige à faire."
— Dès que j’entends quelqu’un sortir le fameux « c’est pour ton bien », je déterre la hache de guerre.
— Et moi, mon gourdin.

La séquence avec Zelensky est une master class du bully toxique, tel qu’il peut être fabriqué dans les meilleures écoles de la planète. Il y a une mise en scène assez dégueulasse du rapport de force qui vise à anéantir l’interlocuteur, d’une manière tout aussi efficace que si on l’avait forcé à boire un bol de morve à la chiasse de nourrisson. À ce moment, Trump endosse sans vergogne son rôle de tyran du monde et veut que le message soit parfaitement compris et pas seulement par ceux qui sont coincés dans la pièce avec lui.

Comme bizuteur en chef, il assène le message : la soumission ou la mort, avec une parfaite indifférence pour les conséquences de ses actes.

Et ça aussi, c’est caractéristique de ce que la brutalité érigée comme norme éducative du monde peut agir en termes de dissociation avec notre propre humanité, notre sens de la compassion, lesquelles sont brocardées est réduites au rang de faiblesses indépassables.

Un tweet de WongKarWaifu @wongkarwaifu.com 

« Jane Fonda a la Screen Actors Guild : "Ne vous y trompez pas, l’empathie n'est pas une faiblesse ou un truc woke. Et d'ailleurs, être woke signifie juste que vous en avez quelque chose a foutre des gens autour de vous." Cette dame est le fer de lance de la résistance & Hollywood et l'a toujours été. »

Jane Fonda, Green Actor Guild, 24 février 2025
Être woke signifie juste que vous en avez quelque chose à foutre des gens autour de vous.

Ce à quoi répond en fait assez directement le spadassin de Trump, Elon Musk, une autre bonne illustration de ce que notre civilisation peut produire de pire :

Elon Musk, 28 février 2025 (Voir l’article de CNN)
“The fundamental weakness of Western civilization is empathy, the empathy exploit,” Musk said. “There it’s they’re exploiting a bug in Western civilization, which is the empathy response.”

Traduction
« La faiblesse fondamentale de la civilisation occidentale est l’empathie, l’exploitation de l’empathie », a déclaré M. Musk. « Ils exploitent un bogue de la civilisation occidentale, qui est la réaction d’empathie. »

Ce à quoi Kee Hinckley juxtapose :

Captain G. M. Gilbert, the Army psychologist assigned to watching the defendants at the Nuremberg trials
“In my work with the defendants (at the Nuremberg Trials 1945-1949) I was searching for the nature of evil and I now think I have come close to defining it. A lack of empathy. It’s the one characteristic that connects all the defendants, a genuine incapacity to feel with their fellow men. Evil, I think, is the absence of empathy.”

Traduction
Capitaine G. M. Gilbert, psychologue de l’armée chargé d’observer les accusés au procès de Nuremberg :
« Dans mon travail avec les accusés (au procès de Nuremberg 1945-1949), j’ai cherché la nature du mal et je pense maintenant que j’ai presque réussi à la définir. Un manque d’empathie. C’est la seule caractéristique qui relie tous les accusés, une véritable incapacité à ressentir quelque chose pour leurs semblables. Le mal, je pense, c’est l’absence d’empathie. »

Il ne s’agit pas là de psychologiser ce qui est un fait social. Le fait que pour perpétuer un ordre injuste, fondé sur la domination, les hiérarchies et qui produit des inégalités de plus en plus intenables, une partie de la population choisit en réalité de brutaliser ses gosses pour en extirper toute trace d’empathie, dans l’idée qu’il n’existe pas d’autre alternative que d’être un bully ou un perdant.

Ad nauseam.

2 Commentaires

  1. Je pique le : je suis woke.
    C’est tellement parlant et une super revendication.

    Réponse
    • Merci à Jane Fonda qui n’a jamais perdu le nord et qui rappelle simplement le sens des mots. La campagne d’inversion des valeurs des médias fachos a parfaitement rempli son office en stigmatisant la simple décence humaine et en nous rendant honteuses de refuser notre avilissement éthique.

      Réponse

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