Sur France 2, les jours se suivent et ne se ressemblent pas!
Hier soir, exceptionnellement, on décide de regarder un téléfilm français. Pour un cinéphage, l’expression téléfilm français est souvent un repoussoir, mais là, entre le sujet et l’affiche, on n’a pas pu résister.
Dans Jaurès, naissance d’un géant, le rôle titre est tenu par Philippe Torreton, l’acteur dont le talent ne se dément jamais. Il y a quelques jours déjà, j’avais été soufflée par son jeu dans le Monsieur N. d’Antoine de Caunes, un film qui n’a pas eu l’honnête succès qu’il aurait mérité. Torreton y investi le personnage de Napoléon, sans phagocyter le rôle, ni le subir non plus. Un grand acteur donc, de l’étoffe dont on fait les Depardieu ou les de Niro, les mimiques de star en moins!
Alors Torreton en jeune Jaurès fondant le parti socialiste uni, et ce pour les 100 ans du parti du peuple, ça ne peut pas se rater.
On découvre donc un Jaurès un chouia embourgeoisé, mais sensible aux problèmes des mineurs de la bonne ville de Carmaux. C’est le licenciement de Calvignac, maire mineur de la ville par le patron marquis des mines qui va cristalliser la lutte des classes et entraîner Jaurès dans l’action politique. Plus Jaurès fréquente les mineurs, plus son discours s’éloigne de son parti d’origine, les Républicains. Jaurès devient un tribun convaincu de la cause ouvrière, puis le député désigné par le prolétariat.
J’ignore qui a écrit le téléfilm, et plus encore les dialogues, mais le discours de Jaurès est terriblement radical. Surtout si juste après, on zappe sur France 3 pour tomber pile poil sur Jack Lang, socialiste contemporain, en train de défendre le OUI à l’Europe en termes choisis. Et là, on se demande comment Lang peut se réclamer du parti de Jaurès, tant les discours, les idées prônés aujourd’hui par les héritiers de Jaurès sont à mille lieux de ceux de son fondateur. Du coup, on se demande où sont passé les socialistes. Comparé aux idées de Jaurès, le Parti Socialiste français d’aujourd’hui ne semble plus qu’une coquille vide au service des pouvoirs financiers que vilipendait Jaurès!
Rien de plus terrible qu’une mise en perspective historique pour mesurer l’évolution d’une société et des idées qu’elle draîne. J’arpente les chaînes du bouquet satellite, l’œil torve, puis me décide à reprendre une tranche de débat. Là, c’est Besancenot qui s’y colle, avec toute sa conviction, lui, le petit facteur que l’on décrit à gauche de la Gauche : un extrémiste, je vous dis, un crypto-bolchévique qui déferle sur nous le couteau entre les dents.
Et là, en écoutant Le petit facteur évoquer la constitution européenne et la lutte des classes, je lui trouve des échos de Jaurès dans la voix, la puissance vocale en moins, mais la conviction intacte. Je respire. L’esprit de Jaurès n’est pas mort!
Tiens, ben moi aussi j’ai regardé çà ! Etonnant, non ? 😉 Je rajouterai qu’il était aussi intéressant de voir les divisions de la gauche de l’époque, avant la grande unification voulue par Jaurés. Entre anarchistes, communards, marxistes, républicains réformateurs… Si l’on devait comparer avec aujourd’hui, c’est comme si Jaurès avait réussi à unifier la CNT, la LCR, le PCF et la gauche du PS… (l’écologie n’étant pas encore le soucis de l’époque !) fallait être bon orateur, effectivement !
Le PS d’aujourd’hui n’a rien à voir avec la SFIO d’alors. Je n’ai d’ailleurs pas compris pourquoi le PS fétait seul (discrètement, certes) ce centenaire, alors que le PC devrait le faire tout autant. Jaurès était quand même le fondateur de l’humanité !
Autre chose aussi, l’évocation des débuts du féminisme à travers la journaliste amoureuse de Jaurès, et la totale ignorence de ce dernier en ce qui concerne cette question !
Sinon, que dire, que les cheveux en bataille et les favoris avaient de la classe ?
Reste que je suis resté sur ma faim à la fin du téléfilm : j’aurais bien aimé un feuilleton avec les autres épisodes de la vie de Jaurès, et peut-être savoir, à la fin, pourquoi l’ont-ils tués, bordel !
Les socialistes en carton, ça fait un bail il me semble, déjà le premier ministrat de Jospin m’a laissé un goût d’UDF dans la bouche…
Pour être vraiment de gauche il y avait quelques choses à faire (ou à mieux faire) :
-la loi sur les 35 heures, qui a plus favorisé le patronat que les salariés (la preuve, le refus de vouloir les renégocier malgré les tentatives de l’UMP)
-la dépénalisation du cannabis (même les gauches en carton des autres pays l’ont fait, c’est dire la situation pitoyable française dans ce domaine)
-la double peine, un scandale qu’il ne l’ait tout simplement pas supprimée.
Comment se fait-il que nous ne reconnaissions plus les héritiers de Jaurès ?
C’est simple, voyons !
Dans la maternité de la République, nommée ENA, ils ont mélangé les bébés ! Eh oui ! Ils ont viré à la poubelle commune, les mamans socialistes et ont mis tous les rejetons restants à la soupe libérale…
A la sortie de la maternité, c’est un joyeux mélange ; tous formés à la même idéologie, ils testent leurs capacités dans les ministères et autres lieux chargés de mystères… Ensuite, bébés devenus grands, n’ayant jamais pu « tuer » père et mère, collés au bitume de leurs premières idées, enseignées à coup de biberons rageurs, ils vont tantôt à gauche, tantôt à droite ; il en est même qui s’égarent au centre…
Heureusement, il reste les buvettes du parlement, les « boudoirs » des ministères, les salons privés des « esprits du temps » et surtout les coulisses de la télé, où tout ce beau monde à la pensée nécessairement unique, se retrouve, trinque, partage le gâteau… juste avant de passer au spectacle, là où ils s’amusent comme des ados déjantés à faire semblant de s’opposer… Mais quant à faire une différence entre eux, il suffit de voir ce qu’ils produisent… Cela fait penser aux décors immuables de ces hôtels partout identiques quelles que soient la latitude et la longitude de leur position géographique…
Bref, tout ça pour dire, qu’il serait temps qu’on forme à nouveau des héritiers ailleurs que dans la maternité de la République et que ce n’est pas pour rien que le « petit » Besancenot nous plaît tant... Il est né dans le caniveau ou presque…
Et si l’on votait pour lui, dans deux ans, au lieu de l’affreux petit sarko, qui fait sa crise quotidienne en criant : je veux devenir président à la place du président ! NA…