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Il me suffit de jeter un œil par la fenêtre pour me demander quel est le sombre abruti qui a décidé qu’on fêterait Noël en décembre.


Table de fêteFranchement, pire moment de l’année pour une fête familiale, je ne vois pas. Il fait moche, il fait froid, les jours sont tellement courts qu’on n’a pas le temps d’aller d’un bled à l’autre, alors quand il s’agit de traverser la France pour y retrouver des membres épars d’une famille éclatée, c’est gravement n’importe quoi.

En fait, l’idéal, ce serait de fêter Noël en juin.

Il fait beau, il fait chaud, les journées sont interminables et on pourrait se faire des brochettes à la plancha dans le jardin au lieu de se taper une bûche à la crème au beurre dans une pièce sombre et mal chauffée qui transpire encore la raclette de la veille. Sans compter que par une de ces collisions calendaires dont le hasard rieur des astres a le secret, l’année prochaine, Noël tombe juste après la fin du monde. Certes, les blagues ravageuses de l’oncle Norbert après le quatrième verre de Chartreuse ont quelque chose de délicieusement postapocalyptique, mais après une crise de civilisation et un effondrement économique total, on va tout de même avoir un peu de mal à se faire péter la sous-ventrière lors du traditionnel gavage orgiaque dégoulinant d’hypocrisie et de bons sentiments, sous les feux lancinants d’un sapin irradié à la mode de Fukushima.

Oui, bon, ce billet est un bon gros n’importe quoi que j’assume parfaitement, parce que sur ce chapitre précisément, du grand foutage de gueule qui fait du bruit pour qu’on ne s’entende pas pleurer, je trouve que nos éditocrates et nos médias couchés sont devenus des références orgasmiques et totalement indépassables. Juste comme ça, pour alimenter nos rires grinçants de fin d’année, l’idée grotesque et foncièrement réjouissante que pour pallier à la désertification médicale organisée de longue date, on enverra les pouilleux de la cambrousse se faire soigner chez le véto du coin. Je ne sais par pour vous, mais il y a dans cette fuite en avant dans le portnawak le plus échevelé quelque chose qui touche au sublime, à l’absurde dérision que les Monty Python ont élevée au rang d’art. On a dépassé depuis longtemps le stade du fameux : plus c’est gros, plus ça passe! Aujourd’hui, c’est un peu comme si tout le monde était complètement blasé par la vertigineuse connerie ambiante. Même la surenchère du grotesque et du pathétique ne parvient plus à nous sortir de la torpeur un peu poisseuse d’une sieste digestive un peu pénible. C’est le festival aux mauvaises nouvelles et aux surenchères de petits maréchaux autosuffisants qui clament à s’en exploser les carotides qu’il faut encore et toujours plus serrer la vis, encore et toujours plus poursuivre sur la même pente des mauvaises solutions à des problèmes qu’on ne se posait pourtant pas.

Alors quoi ? Il faudrait en plus que je me casse le tronc à commenter doctement le merdier ambiant pour tenter d’y trouver du sens ? Machin à dit ça, bidule fait deux points de mieux dans des sondages qui ne représentent qu’eux-mêmes, les petites phrases, les combats des chefs, les cascades de chiffres qui ruissellent sur nos épaules pour toujours nous noyer dans le même refrain : c’est la crise, c’est la crise, c’est la crise ; prépare ton dos, mon corniaud, tu es inscrit pour la prochaine charette des surnuméraires, mais en attendant, surtout, tiens-toi sage et prépare-toi à ton ultime devoir de petit soldat de l’apocalypse financière, en dilapidant chaque sou si misérablement arraché à la cupidité ambiante pour des fêtes clinquantes et sans signification.

L’autre jour, il m’a demandé, presque rituellement, comme chaque année : qu’est-ce que tu veux pour ton anniversaire ?
Autrement dit, quel objet devra-t-il immoler sur l’autel du temps qui passe ?

Je lui ai juste dit : ce que tu veux, pourvu que ce ne soit pas un objet.

Parce que je suis cernée par les objets, certains utiles, la plupart dérisoires et encombrants, les agents secrets du monde selon Ikéa, le moment arrive où il me faudra encore acheter un nouveau range-objets. Rationalité absurde de cet espace qui nous bouffe le temps.

Ce que je veux.
Finalement, telle est la question.
Ce que je veux vraiment.
Ce pour quoi je me lève, ce pour quoi je vis, j’écris, je ris et j’existe. Ce qui me fait avancer. Ce qui me fait vibrer.
Ce que je veux vraiment.
Non pas ce dont j’ai besoin, comme d’un pépin sous la pluie, non pas ce dont j’ai envie, comme d’un thé glacé une fin d’après-midi de juin, justement.
Ce que je veux vraiment.
Ce que nous voulons réellement.

Ce que je veux, c’est du temps. Pas du temps en plus, ça, on est tous plus ou moins logés à la même enseigne. Le temps d’une vie.
Non, ce que je veux, c’est du temps en mieux, du temps gagné sur les temps perdus.
Du temps pour nous.
Du temps pour aimer.
Du temps pour vivre.
Et c’est tout.

Noël en juin 1

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20 Commentaires

  1. Tu demandes le grand luxe. Parce que le temps épanoui est l’apanage des grands de ce monde, ceux qui n’ont pas besoin de travailler pour manger puisque c’est leur argent qui travaille pour eux. (Et aussi les salariés besogneux mais ça…)

    http://partageux.blogspot.com/

    Réponse
  2. Pour Noël je t’offre donc un superbe trajet paysagé à la force de tes mollets sous la douce chaleur d’un soleil ombragé par des arbres revêtus de leurs couleurs d’automne, terminé sous une bienfaisante pluie rafraichissante qui te permettra d’appréhender un pantagruélique repas dans des conditions optimales.

    Réponse
  3. Ben oui. Une fois n’est pas coutume, paraphrasons une antédiluvienne publicité : le luxe, c’est le temps.

    Réponse
  4. « le sombre abruti qui a décidé qu’on fêterait Noël en décembre »

    Pourquoi n’irais-tu pas passer quelques semaines à la Réunion ou sur l’ile Maurice ? C’est le moment. Faut juste revenir avant les ouragans de février. 🙂

    « on enverra les pouilleux de la cambrousse se faire soigner chez le véto du coin. »
    Bonjour docteur, je vais mal et je ne vous en dirai pas plus. Je ne vous payerai que si vous établissez un diagnostic valide. Sinon, je vais chez le véto, il soigne tous les jours des malades qui ne savent pas décrire leurs maux (je ne parle pas de celui qui coupe les griffes du perroquet à sa mémère).

    Réponse
  5. Moi j’hésite entre un appareil photo numérique pour filmer ou une caméra HD pour faire des photos…
    J’hésite mais de toute façon , l’un ou l’autre, j’en n’ai pas les moyens…
    Alors ?

    Réponse
  6. "ce que je veux, c’est du temps en mieux"
    😀
    C’est aussi le meilleur cadeau que je souhaite à chacun, car il ne dépend ni de plus, ni de moins, ni d’autrui, mais de soi-même dans l’instant.
    Peut-être que d’en avoir un peu plus vigilance, ce serait noel au quotidien, pour tous et tout l’temps ?

    Réponse
  7. Et pas de Noël du tout, ce ne serait pas mieux?
    Un cadeau? La Paix!
    Pas "la paix dans le monde", non! Je ne suis pas si gourmand.
    Juste qu’on me foute la paix de temps en temps. Qu’on me laisse vivre ma vie et m’occuper de mes oignons.

    Réponse
  8. Et bien moi j’ai passé un joli moment vendredi soir en allant écouté le choeur d’hommes "OMNES ORBIS" à Le Houga. Juste se vider la tête pendant deux heures de tout….
    (euh c’est quoi le titre du chant gascon qui cloture presque tout les repas ?)

    Réponse
  9. Noël n’a été placé là que pour remplacer la fête païenne du solstice d’hiver, puis la société de consommation s’est emparé de l’occasion pour en faire un culte païen à l’idole du Père Noël.

    Normalement, pour les chrétiens, la véritable fête familiale est Pâques ; mais la sécularisation de la société fait que cette fête tombe en désuétude (outre que sa date n’est pas la même d’une année à l’autre).

    Réponse
  10. Bonjour !
    Pas de problème pour moi : le 25 au dessert, c’est l’heure de fêter l’anniversaire du "gamin" (il aura 31 ans cette année). Ce sera donc toujours la fête. Et, comme le signalait HC, c’est aussi la fête païenne de Sol Invictus, celle où les Romains de l’ancien empire célébraient la reprise de l’allongement des jours.

    Réponse
  11. Noël on s’en fiche : quelle est la proportion de ceux qui le fêtent dans la joie des retrouvailles, sans engueulade
    – "tu as encore oublié tes médicaments, ne sois pas saoul dès l’apéro, arrête avec tes blagues pourries, et merde, mes cadeaux sont nuls, ma soeur ça va mon beauf au-dessus de mes forces" ?

    Alors ? Allumer trois bougies, se lover dans son fauteuil avec un bon bouquin ("Les trois Lumières" de Claire Keegan, ou n’importe quel titre de Nadine Gordimer). Surtout pas de télévision, pas de radio sauf pour la musique, éventuellement Glenn Gould ou Brad Meldhau. Eviter Ferré, Ferrat et chants de messe.
    S’il y a des enfants, programmer pâte à sel et ribambelles, les charger de la déco et les laisser tout manger avec les doigts.
    S’il y a des ados, je peux rien pour vous.
    S’il y a des potes isolés, ou des potes de potes isolés, leur donner rendez-vous le 26 pour un repas de restes préparé depuis le 24.
    S’il y a chéri, se doucher à deux, se coucher tout nus et débrouillez-vous pour crocheter le premier rang des souvenirs.

    Et le 26 au soir on se retrouve "chez vous", Agnès, pour raconter ?

    Réponse
  12. « ou n’importe quel titre de Nadine Gordimer »

    Oui, mais dans le texte. Parce que, malheureusement, elle n’a eu que de piètres traducteurs qui ne se sont pas donné la peine d’ouvrir un dictionnaire afrikaans.

    C’est une bonne idée pour passer Noël en été dans l’autre hémisphère.

    Réponse
  13. Ahhh, Noël et son inénarrable mal de crâne à chercher des cadeaux pour des gens qui ont déjà tout… et le reste.

    Alors c’est vrai ? c’est pas une blague, le coup des vétos ? je pensais vraiment à un canular genre premier avril quand j’ai entendu ça à la radio. J’avais même trouvé ça plutôt pas mal, comme blague, parce que quasiment crédible, si on exagère un peu. Forcément, si c’était sérieux, ça en devient beaucoup moins drôle (La Palisse : 1470-1525)…

    @4 john

    Bonjour docteur, je vais mal et je ne vous en dirai pas plus. Je ne vous payerai que si vous établissez un diagnostic valide. Sinon, je vais chez le véto, il soigne tous les jours des malades qui ne savent pas décrire leurs maux

    L’histoire finit comme suit :
    … le docteur de répondre : " prenez ça, et si dans deux jours ça ne va pas mieux, revenez me voir pour que je vous pique".

    Bon, d’un autre côté, après quelques années, il y aura probablement assez de médecins dans les campagnes… ou assez peu de clients pour les médecins restant… Finalement, elle est pas si conne, cette idée.

    Réponse
  14. "Des gens heureux", tel doit être le credo de responsables politiques dignes de ce nom et non pas "une économie performante". Ce postulat implique automatiquement une vision autre de l’agencement de la société. Il est clair que ce n’est pas dans l’air du temps. Ceux qui vivent de la misère des autres n’ont pas l’intention de lâcher le morceau… Il nous faudra les foutre dehors!"

    J’aime bien le "Certificat d’exemption de cadeau"… je vais l’imprimer à des millions d’exemplaires!

    Réponse
  15. Un bouquin en afrikaan ? ah, il faut que je contacte la femme de mon cousin germain : elle est de Pretoria. Pendant longtemps ils ont "tenu boutique" de l’Alliance française.

    Réponse
  16. Je serais étonné que Nadine Gordimer ait publié dans une autre langue que l’anglais, mais ses textes anglais contiennent des mots de tous les jours en afrikaans que beaucoup de traducteurs se sont contentés de recopier au lieu de les traduire.

    Réponse
  17. Bonjour,

    La Noël est précisément placée à ce moment précis où les journée sont les plus courtes, où le temps devient bien pourri et où le moral fond comme un américain obèse en chute libre sans parachute vers le zéro absolu… car la Noël c’est la récupération chrétienne de la fête du solstice d’hiver, le Sol Invictus et ses affiliés, qui annonce le retour du rallongement des jours jusqu’au solstice d’été.

    En somme la fête du soleil invaincu est précisément là, ancestralement, pour nous remonter le moral au moment le plus pourri en nous rappelant la cyclicité de la vie et qu’après la pluie vient le beau temps (même à Paris…).
    Pour ce qui est de l’éloignement familial, rappelons qu’à la base la cellule familiale n’était pas éparpillée…

    Ici, si je puis me permettre :
    http://antimediocratie.org/2011/12/

    Réponse

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