C’est l’été en Maurienne et je dois avoir 14 ans. Les journées sont longues, lumineuses, remplies de nos jeux et de nos cris. On est une bande de potes. On est les terreurs de la montagne.
Peut-être que le meilleur dans la vie, c’est l’impromptu, le moment que l’on n’attendait pas et qui change tout, ou rien, mais en fait, cela n’a aucune importance.
Ce n’est pas comme si nous n’avions pas été patients. Ce n’est pas comme si nous n’avions pas participé massivement (bien que souvent à notre corps défendant !) au grand effort collectif (pour une fois !) de modernisation du monde. Ce n’est pas comme si nous n’avions pas aussi porté en nous ce grand espoir de lendemains qui chantent.
Mais tout de même, au bout de plus de 30 ans d’efforts, de sacrifices (toujours décidé par les uns et supportés par d’autres, mais toujours les mêmes autres), de régressions sociales massives, alors même que l’on nous contraint à toujours plus de serrage de ceinture, il est peut-être temps d’arrêter de jouer les gros naïfs confiants et de demander à nos apôtres du bonheur libéral si, au bout du compte, ils ne se seraient pas un peu payé la fiole de 99 % de l’humanité.
Et là, est-ce que tu commences à bien la sentir, la main invisible du marché ? Est-ce que tu la sens bien, son étreinte implacable qui t’a choppé par les balloches et qui te broie, continuellement, inexorablement, jusqu’à ce que tu mettes genou à terre, jusqu’à ce que tu ploies l’échine, jusqu’à ce que tu ne sois plus rien qu’un grand cri de douleur ?
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