La télé, comme "boîte noire" de l’inversion des valeurs!
Je parle de moins en moins de télé. C’est normal, je perds de moins en moins de temps devant. Je fais du chômage paradoxal : je bosse le plus possible. J’écris, je fais, je communique, je participe, je m’investis, je rencontre… bref, je fais de l’anti-télé. En fait de télé, on a plutôt un moniteur de luxe qui nous sert essentiellement à voir nos films fétiches en DVD[1]. La désintoxication de la boîte à cons avance à grand pas, et chaque replongée dans le PAF nous conforte dans l’idée qu’il y a forcément toujours quelque chose de mieux à faire.
Hier soir, petit zapping mou entre deux films. Le premier, Phone game, intéressant thriller en huit clos dans une cabine téléphonique, le second, Les Rivières Pourpres II qu’on a laissé tombé après 25 minutes de visionnage pénible tant le scénario est un fleuve d’incohérences et d’insuffisances et le filmage pénible, prétentieux et sans aucune signification[2]. Trois quart d’heure de battement, et je tombe sur de la télé-réalité édifiante sur Paris Première : Quitte ou double à Las Vegas. Il s’agit donc de l’histoire vraie et consternante d’un jeune londonien de 31 ans qui décide de miser toute sa vie sur un seul coup de roulette. On y voit longuement le blaireau en train de vendre tous ses biens : télé, Rollex, T-shirt fétique, console de jeu, bouquins, répondeur, parapluie et même le briquet en or que son père lui avait offert pour ses 18 ans. Liquidation totale du stock. Il va même vendre son nom à une entreprise pour quelques milliers de livres de plus. Bref, le gars vend tout et part à Las Vegas avec l’assurance du gros con à qui il ne peut rien arriver. C’est d’ailleurs tout ce qui lui reste. Même ses gains au poker y sont passés. Car il semble que l’activité principal de ce naze soit de jouer au poker sur Internet. Il a aussi son caleçon fétiche. Il arrive à Las Vegas avec l’intention de miser tout l’argent qu’il a pu ratisser (135 000 $, quand même) sur une couleur, histoire de doubler sa mise. On le voit arriver dans un casino manifestement tenu par les Soprano, accompagné par une équipe de télévision anglaise et de son fan club, c’est à dire sa famille et ses potes qui lui on racheté à bas prix tout ce qu’il possédait. Il mise sur le rouge.
Evidemment, il gagne. Je dis évidemment, parce que sinon, quelle est la vertu pédagogique du truc, je vous le demande. Il gagne, il est un Winner! CNN parle de lui, il est invité partout. Son nom, qui n’est même plus à lui, est sur toutes les lèvres. Vu le battage, on se dit qu’il va faire un truc extraordinaire avec son fric, ouvrir une fondation, financer un programme humanitaire, offrir des fleurs à sa mère, quelque chose, quoi! Ben non, tout ce fric, c’est pour pouvoir aller jouer dans les tables de poker du monde réel! L’apologie du vide n’a jamais été aussi loin.
Ce gars totalement inintéressant devient donc le modèle du Winner, c’est ce qu’il faut être, c’est le miroir que nous tend la télé.
Et la Winneuse, dans tout ça?
Pas de panique, elle arrive, Sur TF6, bien sûr[3]. Elle, elle ne compte pas sur la chance pour changer sa vie. Mais elle compte bien changer sa vie grâce à la magie de la télé. Voici Nip/Tuck en vrai, en crade, en moche et en direct, rien que pour vos yeux, elles vont se faire refaire tout ce qui est possible de se refaire faire pour ressembler à une de ces créatures de papier glacé dont on sait qu’elles n’existent pas, qu’elles ne sont que des chimères nées de la magie de la retouche numérique.
Mais les Miss Swan l’ignorent sans doute. Tout comme elles ignorent sûrement aussi qu’une opération chirurgicale n’est jamais sans risque. S’il y en a une qui claque sur le billard, ce sera des pics d’audience assurés et on pourra encore faire grimper les enchères sur les 30 secondes de pub de saucisson entre 2 coups de bistouris!
Bien sûr, il n’y aura pas de complications. Je pense que celles à qui cela arriverait seraient simplement changées pour des filles plus résistantes. Au final, à l’écran, nous n’y verrions que du feu. Car il est important de ne pas plomber l’industrie du charcutage.
La gagnante sera sûrement celle qui se ressemblera le moins au final.
Tout ça me rappelle Le prix du danger, le film de Boisset, sorti en 1982. A l’époque, c’était un peu comme 1984 d’Orwell : un truc d’anticipation qui fait peur aux enfants, le soir, à l’heure de se coucher.
Aujourd’hui, la réalité dépasse la fiction.
Notes
[1] Grande nouvelle! Mon homme, qui lit mon blog en cachette, comme un plaisir honteux, a décidé de m’offrir Dumber and dumber. Elle est pas belle, la vie?
[2] La grammaire du film, c’est justement l’utilisation de techniques de prise de vue permettant de souligner tel ou tel point et de soutenir le point de vue de l’auteur. Des effets, pour l’effet, n’apporte rien à l’histoire, plombe le récit et font plutôt médiocre!
[3] TF6 est le concentré de la médiocrité télévisuelle, mariage logique entre TF1 et M6!
Merci de nous répéter que la télé est une calamité publique. Pour ma part, j’ai posé sur l’objet une ancienne nappe jaune d’or avec des festons blancs dont je n’avais plus l’usage et voila qu’elle ressemble à un photographe de l’ancien temps ! Et puis, sur le tout, j’ai installé Bug’s Bunny, une reproduction de l’Atomium de Bruxelles et une bougie fixée dans une boîte de sardines. Sous l’Atomium j’ai coincé un accordéon de cartes postales du lieu de la même époque ( 1958 ). Je suis très content de ma nouvelle télé.