Il était une fois, il y a très très longtemps, une entreprise d’État qui s’appelait les PT&T et qui faisait en sorte que tous les citoyens d’un pays pas si lointain puissent communiquer entre eux.
Un jour, vinrent des gars très très balaises en histoire d’argent, de gestion et tout ça et ils expliquèrent à tous les usagers des PT&T que ça ne pouvait plus marcher comme ça et que même si le pays était couvert de fils qui chantent, et même si chaque petit rat des champs au fin fond du bled avait le droit de recevoir des lettres à J+1 comme le rat des villes, il fallait en finir avec ce terrible archaïsme. Les gens-qui-savent, parce que c’est ainsi qu’ils aiment à se désigner eux-mêmes, expliquèrent donc qu’il fallait revenir au cœur de métier et ils mirent fin aux PT&T en les coupant en deux entreprises très différentes, l’une pour le fil qui chante et l’autre pour les missives qui se déplacent avec les pieds. Ils expliquèrent ensuite aux usagers qu’ils étaient devenus des clients et que c’était une super bonne nouvelle, parce qu’ainsi, ils étaient libérés de la dictature du monopole et qu’ils allaient pouvoir choisir entre plein d’entreprises différentes et que comme ça, ils auraient plus de choses, mieux et moins cher. Et tout le monde trouva l’idée fort séduisante et l’on fit liesse pendant des lustres.
Il advint qu’à peu près au même moment que naquirent France Telecom et La Poste, les filles naturelles et prometteuses des PT&T, deux nouvelles sorcelleries envahirent tout le monde connu, deux nouvelles manières de relier les gens entre eux : Internet et le téléphone portable. D’un côté, des machines se mirent à utiliser les fils qui chantent pour échanger des 0 et des 1, et de l’autre, de jolies petites valises presque transportables par un culturiste raisonnablement entraîné, permirent aux gens qui jouent à saute-mouton entre les mondes de continuer à se parler, mais sans fil à la patte. Deux nouvelles magies qui, assez rapidement, sentirent le pâté pour les jumelles de la communication. Lesquelles durent réfléchir à la manière d’étendre le périmètre de leur fameux cœur de métier et se mirent à apprendre les nouvelles magies qui envahissaient le monde entier.
C’est ainsi que la société des fils qui chantent engendra plusieurs filles pour prendre le train en marche des nouvelles sorcelleries, avec Itinéris, qui s’occupait de ceux qui voulaient parler en marchant et Wanadoo, pour ceux qui préféraient clavioter de leur tanière. Bien sûr, on aurait pu penser que Wanadoo eut été une avantageuse fille adoptive pour La Poste, puisqu’il s’agissait tout de même pour toute une génération de pipelettes de se remettre à écrire, mais comme le courrier sans papier passait obligatoirement par les fils qui chantent de France Telecom, Wanadoo procéda plutôt à l’enterrement du fils naturel Minitel.
Comme promis par ceux-qui-savent, advint un temps béni où il eut profusion de nouveaux sorciers dans le nouveau village global chez lesquels il devint facile de pratiquer les nouvelles magies sans trop bourse délier. Bientôt, une multitude d’estaminets fleurirent à tous les coins de bled et chacun pu trouver sa magie dédiée pour ne plus jamais être seul au monde, que ce soit sur une petite route de campagne ou au tréfonds de ses chiottes. Encore que cela fut assez relatif, tout bien considéré…
Bien sûr, tous les contes ont toujours tendance à partir en couille à un moment ou à un autre. La vérité, c’est que s’il y avait moult étendards auxquels se rallier, il n’y avait en fait que fort peu de magies disponibles. À savoir que mon sorcier local de téléphone qui marche finit par se faire racheter par la fille Itinéris de France Telecom : j’avais beau avoir goûté aux charmes de la libre concurrence sans entrave et tout, je me retrouvais au final au point de départ. De la même manière, j’avais beau régulièrement changer de dealer de courriel, je devais tout de même toujours passer par les fils qui chantent de France Telecom. En fait, on avait beau faire, derrière chaque nouvelle formule magique, c’était toujours les quelques même vieux sorciers qui nous tenaient par leurs cruels maléfices. Il advint donc que France Telecom, dont la magie sombre et la chefferie ostensiblement tombée du côté obscur de la force finirent par ruiner la réputation, s’offrit un magnifique Orange washing, étant par là même, sérieusement en avance sur son temps. Toute la magie noire devint Orange.
Et la fille La Poste, me direz-vous ? Petit Hermès jaune qui parcourt sans relâche nos villes et nos campagnes, que deviens-tu dans ce monde de dématérialisation avancée ? Avec tes lettres de cellulose que plus personne n’écrit, tes prospectus criards qui tuent les forêts et dont plus personne ne veut et tes colis, acheminés par milliers, ectoplasmes bien tangibles de l’explosion de la magie du Net ? Et bien La Poste, justement, je viens d’en recevoir des nouvelles. Sur une vraie lettre en papier. Qui m’annonce qu’après toutes ces années de fuite en avant, La Poste vient de réinventer les PT&T et que me voilà, par la magie des fusions-acquisitions (grande magie bien puissante dont il faudra que je vous entretienne à l’occasion) cliente de… La Poste Mobile !
Mais quelle est donc cette diablerie ?
Encore un mystère qui ne murmure qu’aux oreilles de ceux-qui-savent…
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Grandiose , et tellement vrai et si bien raconté, on sent que tu as connu radiocom2000 et ses 2 kilos de téléphone "portable"
Tu peux aussi raconter que les petits sorciers débrouillards (en gros 50, j’étais dans les 5 premiers ) de l’internet ont été mangé par les grands démons de la concurrence libre et non faussée, qui se sont ensuite mangés entre eux. Et que les 3 gros fumiers du téléphone qui permet de parler en marchant (dans la crotte de chien?) ont été condamnés pour avoir escroqués leurs clients .. au profit d’un autre bandit : l’état qui nous avait promis le bonheur à coups de bits.
Ça me fait penser à EDF-GDF, qu’il fallait séparer parce que ça faisait pas sérieux, et ensuite, il fallait absolument que EDF se trouve un allié qui fait dans le gaz. Et ça tombe bien, on avait GDF Suez.
C’est vraiment bien foutu.
Je déclare forfait, c’est trop compliqué cette histoire de poste.
C’est pas cool de se foutre de la malheureuse ! Elle appelle un taxi, parce qu’elle s’est paumée en cherchant l’arrêt de bus, à cause qu’elle avait oublié de recharger les accus de son GPS-piéton.
Pas de commentaire, je rêve là.
Ou pas ?
La boucle est bouclée…
commenter quoi ou qui au juste ?
pour l’instant y’a que les habituels applaudissements.
avant y’a l’article. bon ben oui quoi hein, on est sûrement d’accord. donc justement on sait pas quoi dire. donc on dit rien.
Sauf que:
Quand les magiciens-qui savent ont déboulés la majorité des clampins de base ont applaudis des pieds et des mains si fort que cela fait marrer de les voir pleurer maintenant
Bonjour,
On revient toujours au même point : lorsque dans un groupe, il a des petits et des grands, mécaniquement les grands veulent dominer par la force. Donc mécaniquement il faut des règles et des personnes pour faire respecter les règles. Ce devrait être l’état dans la vie réelle, mais que se passe-t-il lorsque l’état fait parti du groupe des grands ? Il empêche les petits de se rebeller et aide les grands à dominer, c’est mécanique, pas de magie la dedans.
Mouaaaaah trop fort !
(Agnès, c’est un hors sujet, mais les trucs sur seenthis (c’est pas grave en copiant collant dans google je les trouve) mais en cliquant dessus ca reouvre ton blog) (au fait merci pour les liens que tu mets) (non sur ce post là, j’ai rien a dire à part ras le bol aussi) 🙂
mon fils fréquente Monolecte….je comprends maintenant pourquoi je suis larguée dès qu’il me parle des nouvelles technologies de la communication…(NTC qu’il dit)….moi je suis plutôt une littéraire !
mais alors la je m’incline ! c’est écrit comme j’aime et ça m’a l’air imparable sur le plan technique (bien que j’ai pas toutes les clefs pour juger). Finalement, mon fils a de bonne fréquentation !!!
Et oui, CQFD : c’était l’objet de ce billet! Le libéralisme casse les trucs qui marchent pour les "réinventer", sauf que là, ce sont les actionnaires et non plus les contribuables qui ramassent l’oseille. Et oui, une dette d’État, ça se construit aussi en externalisant les trucs rentables pour des clous et en ne gardant que les trucs qui coûtent, histoire de dire ensuite que ça coûte trop cher, ce qui est logique, quand on offre systématiquement les recettes au privé!
C’est pour pouvoir "pomper" l’oseille…
J’imagine que c’est pas facile pour eux, quand c’est quelque chose qui fonctionne déjà très bien. En fait, si on veut voir un truc positif à ces histoires, c’est que : ça fonctionne tellement bien qu’ils sont obligés de tout casser pour faire croire qu’ils peuvent faire mieux ! Et, le fait qu’ils reviennent au point de départ ne fait que confirmer que c’était très bien comme c’était.
Bonsoir,
Les PTT, j’y suis "rentré" secteur des télécommunication un 1 juin 1977 comme ouvrier d’état 4ème catégorie, un truc qui voulait dire agent des installations intérieures+ les téléphones d’entreprises avec des touches énormes pour s’appeler se poste à poste, + réparation des cabines téléphoniques extérieures et à l’intérieur des bureau de postes. Vécu le départ du tour de France à Fleurance, puis la catastrophe des inondations de juillet… tout le monde sur le pont, travail le samedi, le dimanche pour rétablir le réseau, raaahhh ces fonctionnaires !!!!
Ouai, que de nostalgie… puis les menace de privatisations en 86, cohabitation Mitterrand/Chirac un ministre Longuet, puis retour du Parti de Solférino Rocard qui réforme les PTT, bon je ne vais pas continuer le chemin à aujourd’hui, l’agent défoliant Orange, remarquez le mal être c’est à France Télécom pas à "Orange" le futur nom de cette multinationale… 2012 DSK ou Juppé, ou l’horreur du FN ?
Faudrait demander aux Tunisien la recette de la révolte, les foutre hors circuits.
Bonne nuit,
Merci Agnès.
Michel.
D’ailleurs, c’est "surprenant" ces similitudes avec la fission nucléaire (le phénomène utilisé dans les centrales nucléaires).
Un petit truc qui bombarde un gros pour le diviser, qui provoque à son tour d’autres divisions, et ainsi de suite. Si possible à l’infini, comme dans le monde du libéralisme où tout (et notamment les ressources) serait infini. Et c’est cette division en chaîne qui est recherchée et exploitée, pour en profiter, pour extraire ce qui peut être extrait. Et cela malgré que tout le monde soit conscient que non-contrôlé, c’est rapidement explosif. Et puis derrière, ça laisse tout plein de déchets (toxiques). Et bien sûr, ça sera à d’autres de trouver une solution pour ça.
C’est vrai… le libéralisme, comme la fission, ça "fonctionne". Mais alors il faut faire abstraction de ce que ça a besoin de "bruler", de détruire, de désintégrer. Et il ne faut aussi pas voir ce que ça laisse derrière… des choses désintégrées, toxiques, mortelles.
Et c’est curieux, le libéralisme et le nucléaire sont deux "choix" sur lesquels il ne serait pas question de revenir.
On pourrait presque en conclure que quand on ne peut pas revenir sur un "choix", ça veut sûrement dire que ce n’est pas le bon !
Quelques précisions :
– La Poste Mobile est l’ancien Simplicime qui est un "mobile virtual network operator" (MVNO) utilisant lui-même le réseau SFR
– pour ses services Internet et le domaine laposte.net, La Poste sous-traite la mise en oeuvre à France Telecom (ou Orange, c’est pareil mais les journalistes n’ont pas le droit de le dire pour pas qu’il y ait d’amalgame entre les suicides et le nom mondial de marque)
J’ai découvert votre blog parce que vous aviez indiqué le mien.
Votre manière de présenter les profondeurs de notre monde quotidien et l’attitude de recul que vous adoptez vous honorent. Vous dépassez les habituelles dualités pour regarder autrement comment en sortir… ensemble. Merci.
Je me permets de mettre votre blog en lien.
Sympa le texte, et d’ici de mon plat pays ben c’est pareil, vive l’europe ou pas.
C’est tellement agréable à lire qu’on en viendrait à supporter d’être dupés en permanence !
P&T : 1881
PTT : 1921
Et voilà le travail : Lancement de La Poste Mobile : 3000 guichetiers de moins pour le service public