Plus que de marcher à côté de ses pompes, c’est le sentiment insurmontable qu’on ne les mérite pas.
La plupart des histoires n’ont ni commencement ni fin et c’est particulièrement vrai pour le narrateur, qui ne peut raconter que bien après le début et sera bien en peine de commenter en direct sa propre mort. Parfois, tout commence bien avant nous, dans l’esprit des autres, leur regard, leurs propres peurs et insuffisances, leur capacité incroyable à asséner des jugements comme des vérités. Le plus souvent, tout tourne en boucle dans le chaos intérieur de nos propres doutes.
De grandes facilités
Peut-être que ça commence là. Ou pas. Comment savoir ? J’étais une élève avec de grandes facilités
, sur ce point-là tout le monde accordait ses violons. Une éponge, encore que, comme le disait Woody Allen, une éponge n’a pas d’ennemi et que mon pire ennemi a toujours été moi-même. Un buvard. Un bon gros papier buvard au toucher duveteux qui pompait la constellation de taches que mon stylo-encre crachait sur mes cahiers. Le savoir qui coulait en moi comme une source rafraîchissante, et qui s’y fixait, dès lors, indélébile, n’attendant que l’occasion d’être ressorti, à ma sauce. Apprendre était plus que facile : c’était monstrueusement jouissif, un baume à peine apaisant sur une soif d’apprendre intarissable. Tout rentrait, tout se fixait et j’étais cette bonne élève indispensable pour flatter l’ego des professeurs, leur donner l’illusion qu’ils servaient tout de même à quelque chose. Alors, je m’appliquais à leur plaire, à partager avec eux l’intense satisfaction du savoir qui nourrit l’esprit, le chavire, le hisse à de nouveaux horizons. Et plus c’était facile, plus c’était plaisant, plus je faisais strictement ce que l’ensemble du système scolaire attendait de moi et plus je nourrissais le malaise insidieux, la sensation écrasante de ne pas mériter ma place, de n’être qu’une tricheuse qui devait sa réussite à sa bonne réputation et à l’art subtil de manipuler les autres.
De l’autre côté du spectre scolaire, il y a les méritants, les besogneux, ceux pour lesquels rien n’est donné, rien n’est aisé, tout est laborieux, ceux pour lesquels chaque petite réussite, circonscrite autour du nombril de la moyenne, a été arrachée de haute lutte, par un travail acharné. Pas de jouissance dans l’apprentissage, que du travail. Rien de brillant, que du constant, une discipline de fer, des week-ends studieux, des cahiers de vacances religieusement remplis. Ceux-là forcent mon respect, alimentent mes doutes et une profonde culpabilité. J’ai l’impression de leur voler le fruit de leur travail, de les spolier de leur juste récompense, de bafouer leurs efforts. Je suis la ligne de la moindre résistance, du moindre effort et j’emporte le morceau haut la main. J’ai mal pour eux, je me vois parfois dans leur regard et je me déteste. Alors, je deviens le pitre de service, j’enrobe toute cette esbroufe dans un costard de Bozo le clown et à eux aussi j’offre le spectacle qu’ils attendent, je mets en scène ma propre fatuité, l’incroyable escroquerie de mes fameuses facilités.
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Je suis un fumiste
C’est Étienne qui vient de lâcher ça, complètement à contre-temps, alors que nous traversons en bus Paris au crépuscule pour nous rendre à nos TP d’éthologie. J’ai continué ma carrière scolaire avec cette absence totale du sens de l’effort et j’ai atterri sous les lambris glorieux de la Sorbonne. J’ai débarqué comme un pèlerin dans un amphi bondé où se côtoient pas moins de 30 ou 40 nationalités, la crème d’une certaine élite internationale, le Mont-Blanc au garde-à-vous, l’uniforme discret de la bourgeoisie, chacun sapé pour un peu plus d’un trimestre de mes revenus sur le dos. L’impression de n’être pas à ma place n’est pas plus forte que d’habitude. Je vis avec depuis tellement longtemps qu’elle fait partie de moi. L’absolue certitude que toute ma vie n’est qu’une vaste imposture, la sensation permanente qu’à moment donné, une main va se poser sur mon épaule et qu’une voix basse va m’enjoindre fermement à regagner la sortie, parce que, désolés, mais la comédie a assez duré
. J’attends d’être démasquée tout en poursuivant le jeu, faute d’un meilleur choix.
Et puis, il y a ce grand type bizarre, là-bas, en haut des gradins, une sorte de Viking rouquin et hirsute qui disparaît presque entièrement dans sa barbe à la ZZ-top sans que cette dernière masque totalement le Canon qu’il porte en sautoir autour du cou. Le gars est tellement décalé dans le décor, tellement aussi incongru que moi, que je me dis qu’il ne peut pas être totalement mauvais et que je décide de m’en faire un ami. Je fais souvent ça, dans la vie. Je rencontre des gens qui entrent en résonance avec moi, des gens dont je me dis qu’ils valent la peine de faire des efforts pour eux et je décide d’en faire des amis. Envers et contre tout. Et généralement, ça marche.
C’est comme cela qu’Étienne est devenu mon binôme. Un peu circonspect, mais pas hostile non plus. On s’entend plutôt bien, mais rien de bien intime. Jusqu’à cette déclaration à l’emporte-pièce.
Je suis un fumiste
Il vient pratiquement de se foutre à poil devant moi. C’est brutal et d’autant plus saisissant qu’en une seule et unique phrase, il vient de mettre un mot sur tous mes doutes. Nous avons en commun la certitude de notre imposture et de notre inadaptation flagrante, de notre capacité à tromper tout le monde, tout le temps, à commencer par nous-mêmes. Nous sommes définitivement amis. Sans faux-semblants, cette fois.
Le monde des pros
Mettre des mots sur son problème ne guérit pas. Cela éclaire, mais ne répare pas.
Quand j’étais gosse, j’avais une drôle de manière de voir le monde du travail. C’était l’univers des grands, des adultes, de ceux qui savent et qui font. Le monde du travail était peuplé d’experts, de femmes impeccables gainées d’un tailleur strict et surmontées d’un chignon serré, d’hommes mandibulaires en costumes trois-pièces ou de MenPower efficaces et précis dont le regard d’aigle tutoyait des horizons inaccessibles de compétence concentrée. Le monde du travail c’était le monde des pros, un monde d’une perfection mathématique, avec des savoirs presque ésotériques qui nourrissaient des machines parfaites à produire des choses parfaites. Un monde archétypal dans lequel j’ai immédiatement eu l’impression d’entrer par effraction. Dès le départ, je n’étais pas à la hauteur des exigences de cet univers fantasmatique qui nous est aussi abondamment vendu par la pub. Je débarquais comme un jeune chien fou, impatient de bien faire, persuadé de la nécessité absolue de devoir faire ses preuves en étant totalement efficiente et plus précise qu’une machine, loin de mon monde intérieur, fait de sensations floues, d’intuitions, de fulgurances et d’approximations.
Ce fossé entre mon imaginaire professionnel et la réalité du terrain était bien sûr impossible à combler et plus je me suis démenée pour toucher à cette perfection désincarnée, plus je me suis usée et convaincue de mon absolue incompétence, de mon inadaptation intrinsèque à la mécanique humaine d’un univers plus hiérarchisé que productif. J’étais illégitime dans mon travail, dans mes réalisations, sur mon bulletin de paie, dans l’ensemble de mes rapports dans le monde du travail, que ce soit avec les collègues ou les clients. Je faisais semblant d’appartenir à ce monde tout en me rendant parfaitement compte que la plupart des gens que je côtoyais faisaient strictement la même chose.
Comment vivre avec le complexe du fumiste dans un monde qui glorifie les gens sûrs d’eux ? Comment parvenir à se vendre quand on est intimement convaincu qu’on ne vaut rien ? Comment parvenir à vivre avec les autres, quand on craint sans cesse que notre vacuité et notre insignifiance finissent par éclater aux yeux de ceux que nous considérons comme nos amis et les détournent de soi ?
Il m’arrive parfois de distordre tellement la réalité que je vois soudain un monde peuplé de fumistes, de gens étouffés par la même certitude de leur indignité. Je découvre alors l’immense Internationale des fumistes, de tous ces gens profondément humains, faillibles et imparfaits, contraints de jouer la comédie de la perfection dans un monde factice gouverné par des hommes-machines, par de foutus imposteurs qui nous forcent à nous conformer à leur cauchemar éveillé.
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ah là là, comme ce portrait me va…
Tu pourrais te mettre un peu à la place des fumistes sans talent…
Bonjour
En même temps, c’est un peu le cas de tout le monde, ça.
J’ai lu il y a plusieurs années une enquête qui m’a marquée pour l’éternité ^^, à la louche ça disait un truc du genre : lorsqu’on leur pose la question, plus de 90% des gens disent se sentir comme des étrangers sur la terre, tellement "différents" des autres que c’en est pénible.
Et en fait, ce dont vous parlez ici, c’est de la capacité de chacun à se conformer à l’idéologie dominante. Au plan intime, elle est nulle : nous savons tous qu’il s’agit de faux-semblants. Au plan social, on arrive -plus ou moins bien selon les personnes- à faire comme si.
Mais ce qui est sûr, c’est que si vous êtes incapable de feindre l’intégration, vous n’avez plus qu’à aller vous cacher au fond d’une forêt, quel que soit votre niveau d’étude, votre talent et votre QI. Ce que j’ai fini par faire, en ce qui me concerne :-))
De nature contemplative et incapable de mentir, je n’avais pas l’ombre d’une chance dans cette société. Alors bon, au final je suis pauvre, mais j’apprends chaque jour des tas de choses incroyables sur la vie de l’humus, les habitudes des crapauds, la grande science nocturne du feuillage et les secrets des arbres… irrécupérable, ok, mais ce n’est franchement pas un bien grand drame.
Amicalement à tous les "fumistes" qui vont le nez au vent, les poings dans leurs poches trouées… 🙂
Comme ce qui tu dis est bizarre… jusqu’à l’âge de 12 ans environ, je me sentais inadapté, mal à l’aise, "en trop", alors que j’étais "la" tête de classe, et puis j’ai vu d’année en année ceux que je surpassais me dépasser, sans que j’y puisse rien (c’était dans un collège privé), alors que je travaillais de plus en plus. En même temps, je me suis senti tout doucement mieux intégré dans un monde où je refusais de plus en plus la compétition. N’est-ce pas paradoxal ?
Arrivé dans le monde du travail, j’y étais un très honnête Gaston Lagaffe, d’autant plus perdu dans un univers qui me haïssait, que je tentais d’y entrer. Sont-ce des parents trop présents, qui à force de sollicitations quotidiennes boostaient ma médiocrité ? Eux loin de moi, s’est révélée ma vraie nature, plus dilettante que studieuse malgré mes efforts.
Maintenant, je suis heureux, malgré la chère présence qui gît depuis vingt ans sur son lit, et mes enfants le sont aussi. N’est-ce pas l’essentiel ?
Je pense que tu te trompes que tu n’as pas eu des facilités pour tout. Quand tu étais à l’école primaire, tu n’avais pas de difficultés dans les matières scientifiques comme les maths mais cela n’a pas été le cas au lycée ou à la fac. N’as-tu pas dû laisser tomber ton DEUG scientifique ?
J’ai lu une fois que pour les enfants issus des milieux modestes, les taux de réussite étaient meilleurs dans les établissements privés que publics alors qu’il n’y avait pas de différence pour les enfants venant de milieux cadres. L’étude ne permettait pas de déterminer si ces meilleurs taux de réussite des enfants de milieux modestes venait de l’enseignement dispensé ou de ce que les parents accordaient une plus grande attention aux études de leur progéniture.
Tu as définitivement besoin de venir prendre un bol d’air par ici, toi…
saisissant comme description, cela rejoint un peu mes propres sentiments.
à la différence que je n’ai eu cette sensation qu’à partir de mes horribles années de prépa où toute ma confiance en moi de lycéeenne s’est éteinte.
malgré des concours relativement réussis, un diplôme obtenu, et un emploi, impossible de récupérer feue ma confiance en moi d’un point de vue pro.
Moi, c’est marrant mais en fait ça ne l’est pas, je me reconnais plutôt dans le mec besogneux qui a toujours dû travailler durement, soirs et week-ends inclus, pour parvenir à apprendre, maîtriser les notions, et … satisfaire mes parents 🙁
Merveilleux billet !
Ceci dit, j’ai quand même gamin expérimenté la cogne, deux fractures de la main obtenues pour m’être défendu.
L’opposant s’est pris un gros saignage de nez.
Je ne le ferai plus maintenant, même si ça me démange parfois.
C’est peut être pas si grave. Moi même à 4 ans j’étais insolent comme une peste vis à vis de l’institutrice qui ne l’a probablement jamais digéré. Cette conne m’avait affublé d’une jupe parce que je m’étais oublié, pissé dessus. Ca arrive à 4 ans.
Par la suite, on m’a qualifié d’asocial, d’atypique, d’extraterrestre, et même d’homosexuel alors que je ne le suis pas un seul instant.
J’ai envoyé paitre mes directeurs dans mon boulot et les ai envoyés au tribunal, prudhommes, appel et grande instance.
Il ont eu de la chance que je me contrôle un peu, sinon c’était mon poing ou plus dans la gueule. Démolition de faciès. Je ne l’ai pas fait, mais ça me chatouillait sérieux de les fracasser. Je me suis contraint aux voies civilisées.
J’ajouterais les besogneux de la fumisterie.
Ceux qui font un tas d’efforts pour mettre partout un bazar dont ils espèrent qu’il masquera leur manque de confiance en eux, leur peur de l’avenir et des autres.
Peut-être que justement, il leur manque les parents à qui faire réellement plaisir ou les parents confiants qui seront heureux que leur gosse y arrive mieux qu’eux ont pu le faire.
Ceci dit, j’ai quand même gamin expérimenté la cogne, deux fractures de la main obtenues pour m’être défendu.
L’opposant s’est pris un gros saignage de nez.
Je ne le ferai plus maintenant, même si ça me démange parfois.
il y a facilité dès que l’on entre en résonance avec le programme, et c’est déjà foutue pour vous ou presque!
elle est le signe que vous correspondez à la demande, le programme se réjouit, vous êtes dans le collimateur pour êtes sélectionné, vous avez gagné les honneurs relatif et vous montez les étages sans tarder qui vous amène là où l’on vous attends généralement…
ainsi vous devenez victime de votre facilité, parfois et c’est peut être rare l’environnement ne vous corresponds plus, le plus souvent la question ne se pose pas car la conscience ne réagit pas, dans ce cas là le programme triomphe…et nous avons ce que nous voyons tous les jours sur les estrades gouvernante et subalterne…
heureux le besogneux qui parcourt ces chemins de traverses et qui rencontre sur son chemin ou pas les nouvelles familles fumiste doublement victime, car ensemble ils pourrait très bien devenir l’avenir de l’homme…
une réponse d’acné à ces cheminée et cette fumisterie polluante qui ne cesse de grandir…
Je ne vois vraiment pas pourquoi le fumiste devrait complexer ? 🙂
Ce complexe du fumiste est peut-être la racine de ce qu’on ne s’autorise pas à avoir parce qu’on ne pense pas le mériter… Dès qu’on passe en mode « Parce que je le vaux bien ! » ça résout bien des choses…
Oui bon ben voilà, j’ai changé de marque d’appareil photo.
J’ai un ami qui me dit que pour aller loin, il faut "jouer le jeu".
En fait il s’agit bien plus d’être dans la norme que d’être compétent.
Ne rien faire et le faire savoir, dénoncer ses petits copains, faire du bruit, râler, difuser les informations utiles aux autres avec autant de parcimonie et de mauvaise humeur que possible et vous serez respecté. Soyez vertueux et vous serez maudit. Travaillez plus pour gagner plus et alors là c’est carrément l’apothéose, vous n’aurez plus rien.
Mais rendez-vous vil et malfaisant et votre promotion est assurée.
Comment avoir honte d’être un fumiste dans un monde où toute une armée de marketteux, d’ingénieurs, de concepteurs et de directeurs tentent de vous faire croire en le criant haut et fort qu’une 5° lame sur votre rasoir est totalement indispensable !
Je me sens indispensable comme cette 5° lame. Mon avenir est assuré, et je suis même rentable.
Le truc, c’est plutôt de ne jamais se sentir à la hauteur. Le pire, c’est l’entretien d’embauche, avec ses questions à la con :
Qu’est-ce que j’en sais, moi? Il n’y a pas de choix meilleur qu’un autre, je ferai bien le taff, mais les autres dans la file d’attente aussi.
C’est comme en amitié. Tu aimes des gens parce que tu les apprécies vraiment, pour ce qu’ils sont, pour ce qu’ils font… et forcément, tu te dis que tu n’es pas à la hauteur et que ça va finir par se voir et qu’ils auront mieux à faire que de perdre du temps avec toi.
Il y a aussi le refus de la compétition, de la hiérarchisation, parce que ça ne veut rien dire, au fond, rien du tout.
On dirait que la question suivante à la fin de l’article, c’est moi qui la pose. Je me la suis posé tellement de fois !!
Moi qui ait toujours dû bosser dur à l’école pour arriver à être simplement moyen:
"Comment parvenir à se vendre quand on est intimement convaincu qu’on ne vaut rien ?"
D’autant plus dans mon nouveau taf, qui semble peuplé de tant de gens-machines parfait(e)s.
Passé la cinquième, je fus complètement nul à l’école.
Un peu normal, puisque je ne foutais rien.
Et je crois bien que je ne foutais rien, parce que rien ne m’interessait, et surtout la façon dont fonctionnait le grand bazar, qui m’ennuyait profondémment.
J’aimais les cancres, parce que je les trouvais toujours merveilleusement ingénieux, c’était à peu près tout comme lumière trouvée en ces lieux, l’échange avec l’autre, du moins qu’il soit particulier.
Depuis, je ne me suis toujours pas soigné et ce que l’on nomme la fumisterie, j’appelerai plutôt ça la divine paresse (pas intelectuelle évidemment), et je trouve ça extrêment riche et réjouissant.
C’est très bien comme ça. J’appele ça, simplement, "vivre".
Bonjour!
Je définis cette situation comme le piège de la perfection. Et souvent on se compare à cette élite sur-doué qui piétine dans d’autre domaine. J’ai pote que j’aprécis beaucoup, Polytechnicien, fut câdre dans une entreprise d’informatique à Silicon valay, après entre Paris et Londre 2 fois dans la semaine. En ce moment il représente une firme Américaine et est toujours entre 2 avions à travers le monde. Vous voyez déjà le profil. Mais à ma grande surprise, dans une causette il m’a appris que Tombouctou se trouvait au Niger. Pour un Africain, en plus Alter mondialiste et panafricaniste, très cultivé, je n’en revenais pas. Tous ça pour vous dire que nous ne sommes pas des imposteurs.
Merci pour le lien, numéro 6.
Je ne résiste pas à l’envie de rapprocher ça d’une autre image (d’une vidéo, en fait):
http://vimeo.com/1665301
Cette sorte de banc à pièces qui amène à bien nous faire sentir qu’on n’est pas à notre place.
Et je trouve que ça met bien en évidence (à part que c’est froid et violent) que, la force de la chose, c’est que c’est un système… c’est-à-dire qu’il n’y a pas une personne unique qui endosse toute la responsabilité, et donc il n’y a personne contre qui se retourner. Parfois, oui, ça donne l’impression d’être comme dans une comédie, et on ne sait pas qui dirige.
Avec la vidéo-surveillance, la télé-réalité, des séries télé comme Le Prisonnier ou des films comme The Truman Show… je crois qu’il y a une réelle conscience de cela.
Ce que je vois, c’est que pour faire quelque chose à plusieurs, la coopération est le mode de fonctionnement le plus efficace. La compétition fait perdre une énergie et un temps fous en stratégies contreproductives. Quant à la hiérarchisation des gens, elle correspond très rarement à celle des compétences mais plus à celle de la roublardise à mettre en œuvre pour gagner la compétition (principe de Peeter).
@Agnès : tu devrais te demander pourquoi à tes yeux la compétition et la hiérarchisation ne veulent rien dire. Par exemple, la hiérarchie peut avoir un sens si celui qui est au sommet est le plus de compétent et a le plus de responsabilités. Si celui qui est en dessous fait tout le tout le travail et a plus de responsabilités, pour lui la hiérarchie n’a pas de sens. Ce n’est pas un cas d’école, cela arrive.
Touchant…
Mais est ce que ce n’est pas la compétition qui fait le monde dans lequel nous vivons. Je pense que la compétition peut être positive si elle n’est pas méchante. Je veux dire qu’on peut comptétir avec un esprit fair play. Pas dans le but de dominer ou d’écraser l’autre, mais de faire des progrès. Ce que je pense: on ne doit pas faire de nous des troglodydes pacifiques, et nous plus ….. je sais pas moi….des start trek cyniques mais plutôt des gens du juste milieu comme nous sommes: des battants fair play. Avant, je me suis toujours posé des questions comme les A quoi bon ? et dans mon cas je peux dire maintenant je ne réfléchis mais je fonce sinon je reste écrasé, humilié, méprisé, et il y a tellement pire que je veux taire pour le respect de ce blog.
la compétition dont le but n’est pas de dominer l’autre mais de faire des progrès, ça porte un autre nom, justement parce que ce n’est pas de la compétition : ça s’appelle l’émulation – du moins c’est ce que j’ai toujours cru 😉
Peut être que les "facilités" qui rendent fumiste permettent aussi de prendre conscience plus que les autres de la supercherie des situations socio-professionnelles et de la connerie du système
Quand je lis tes billets, Agnès, je suis parfois plus touché par ton style que par le fond.
Ta plume, tu l’as bossée, les mots coulent, et tu fais vivre ce que tu nous racontes autant par le fond que par la forme. Et ça, c’est pas venu tout seul… (même si tu y as pris plaisir et que tu n’as pas considéré cet apprentissage comme un travail au sens de la compète).
Bon, pour la facilité et la fumisterie, on peut très bien cumuler les deux vertus très tôt (et en avoir conscience). Personnellement, j’ai eu droit aux deux étiquettes dès le primaire. Sauf que dans mon cas j’en étais fier. C’était ma manière de dire à mes petits camarades, arrêtez de chercher les résultats, contentez vous d’écouter, de critiquer et d’aimer, c’est amplement suffisant.pour se forger la tête et s’en sortir dans les études.
J’en suis revenu grâce à un échec quand j’ai retapé ma seconde, et surtout quand plus tard, en prépa, j’ai réalisé que j’avais canalisé la haine d’une camarade de classe sur moi, précisément parce qu’elle bossait et qu’elle n’y arrivait pas.
Je suis revenu de la fierté que m’inspirait mon statut de fumiste à facilités, mais pas de mon constat initial. Je persiste à croire qu’il faut s’intéresser au maximum à tout ce qui nous entoure et que le meilleur moyen de ne pas atteindre un objectif, c’est de le viser. Que le seul vrai souci dans ce raisonnement, c’est que pour que ça marche, il faut être orienté très tôt dans la vie sur cette façon de procéder (dès la naissance, en fait) et que tout le monde n’a pas cette chance…
Et je suis loin d’être sûr que l’école va actuellement dans cette direction.
Maintenant, ce n’est pas parce qu’on s’en tire relativement bien sans effort qu’il faut culpabiliser pour autant. Moi, je n’en tire aucun complexe, j’essaie au contraire de voir dans quelle mesure mon expérience peut servir à d’autres…
Notamment comme le dit agaagla, en essayant de créer des univers (musicaux dans mon cas) où c’est l’émulation qui tire vers le haut, et non la compétition.
Est ce que vous pouvez supporter la vérité ?
Il y a deux genres d’étudiants
Les fumistes, et les fumistes fils à papa ( soit des fumistes )
Évolution culturelle : conquérir en copiant
http://linuxfr.org/2010/04/21/26767…
L’imitation, l’entraide est ce qui fait de nous des humains. ( oui les mots ont des sens profonds )
Tout ce qui peut être fait, peut être copié, et fait en abondance.
Les capacité intellectuelle sont et ont toujours été partiellement externalisé : le web ne fait que rassembler la culture humaine.
un lien :
http://www.agoravox.fr/actualites/e…
Ce thème du fumiste, du doué et etc…
Ca me rappelle bizarrement le narcissisme de Freud.
Un Narcisse qui tourne en boucle sur son désir de lui même.
Si je te suis bien, je ne souffre pas d’un gros manque de confiance en moi mais d’un excès de narcissisme?
A mon avis, on parle plus ici de fumisterie (celle de nos multiples postures) et d’ inadéquation (au monde) que de compétition et de performance, même si ça ne saute pas aux yeux :-).
Le propos sous-jacent serait peut-être : Qu’est ce qui dans nos sociétés nous apprend réellement à devenir les personnes humaines que nous sommes en naissant?
Humble et très imparfaite réponse: Presque tout nous en éloigne. D’où le malaise, qui va grandissant chez ceux qui ont pris la fâcheuse habitude d’essayer de s’appréhender autrement qu’en se mirant dans une glace. (Même si ça sert aussi 🙂
c’est marrant…
ça commence pas un paragraphe sur l’incontournabilité écrasante du regard des autres sur notre devenir…
ça se poursuit sur des moi je…
et à la fin des commentaires, on tombe sur la remarque du narcissisme…
ben wouai…
mais dire qu’on est écrasé par le regards des autres… ça commence aussi par un moi je…
y’en a marre… ça tourne en rond effectivement…
d’autant que la description de l’apprentissage entre deux pôles, une dualité, l’éponge et le besogneux… ben je ne suis pas du tout sûr que ça corresponde… y’a des tas de gens qui font les choses sans être ni fumistes doué ou pas d’ailleurs et besogneux : ils font les choses par soumission très souvent, sans motivation autre que celle qu’on leur foute la paix. ils n’ont même pas envie de plaire ni à leur parents ni aux prof, juste de pas se faire traîter comme des chiens.
et puis y’a ceux qui sont simplement curieux, pas franchement besogneux, pas franchement doué, pas franchement éponge, qu’on pas forcément une motivation très nette, voire, qui ont en eux parfois un sentiment latent d’ennuie profond du monde, qui fait que le moindre truc qu’on leur met dans les mains pour les occuper, devient un espoir de sortir du monde… juste le temps de la découverte… en attendant la prochaine etc…
alors après, y’a l’histoire de la réussite du monde professionnel… ben je sais pas si je suis d’accord ou pas hein… mais dans mon entourage, les gens, hommes ou femmes, qui se sont le mieux intégrés à l’univers costard tailleur cravate, super bien payé et non licenciable, ben ce sont ceux que je connaissais à l’école comme des fumistes, jamais ni des curieux, ni des soumis, ni des besogneux…
c’était le genre à se moquer de tout, à lire le truc une heure avant l’interrogation, voire improviser la réponse à partir des bribes de souvenir du cours qu’ils avaient par ailleurs détruit en fouttant la merde… au mépris du prof autant que des autres Kamarades de classe, et pire encore du contenu de l’enseignement… ça c’est sûr qu’ils sont super doués intellectuellement pour réussir continuellement le bac, les concours, etc… les entretiens d’embauche fraccassants…
et que quand je croise leur regard, ben je suis écrasé de mépris… et que ça me rend narcissique… et suicidaire…
ce que je note dans cette description du complexe du fumiste, c’est cette dualité, deux oppositions. la rivalité.
ce que j’ai souvent observé c’est qu’effectivement l’activité "remarquée" d’un groupe était dominée par cette présence de pôles oppositionnels. mais que le gros de la troupe, était silencieux entre ou devant tout ça, comme spectateurs "soumis", pris en tenaille entre les cancres et les leader de tous poils.
soumis entre guillemets. parce qu’il y a bien des façons d’être soumis. les uns rêvent d’être leader, les autres méprisent les cancres ou au contraire les jalousent pour des qualités qu’ils leurs "projettent" , d’autres se font indifférents à ce qu’ils ne veulent pas être, ou fuient ce qu’ils ne pourront pas suivre ou atteindre, etc…
ensuite, parmi les gens qui "réussissent", il y a aussi des besogneux, des ordinaires silencieux, et des cancres… parce que ce que j’observe dans toute réussite qu’on me présente, mais dont je ne me suffis pas de la présentation, c’est qu’à chaque fois, je découvre l’importance fantastique des circonstances qui ont fait que le gus, ben il y correspondait tout simplement.
ça me ramène toujours à ce constat énorme, toujours passé sous silence, de l’analyse du travail dans l’économie humaine de Marx : en chaque travail, il y a toute la part des autres travails de toute la société. et ça fait oublier complètement cette idée de la "réussite", du mérite individualiste dans l’orgueil social. sans pour autant rien enlever aux qualités du travailleur, du manoeuvre à l’ingénieur ou au chercheur et au fonctionnaire administratif.
le gros avantage de cette vision là, c’est qu’elle décomplexe totalement d’être ce que l’on est, d’avoir le vertige de la réussite "fumiste", ou au contraire de celle de l’orgueil.
on n’est pas grand chose d’autre que ce que l’on sait faire.
mais rien de ce que l’on sait faire ne peut se faire sans les autres.
et les autres, dans un système obsédé par l’orgueil, de la propriété privée des moyens de production et des ressources, qu’elles soient matérielles ou cognitives, les autres n’ont pas "besoins" de chacun puisqu’ils sont les uns les autres en concurrence, donc en dualité, donc en rivalité, donc pour ou contre, donc en guerre, afin de s’approprier leur propre production et ne pas être prolétarisés.
le costard tailleur cravate, c’est l’horreur de cet orgueil de la crainte de la prolétarisation inhérente à l’orgueil de la possessivité…
tant qu’on ne lèvera pas le tabou de toutes les dimensions économiques et culturelles donc psychologiques et sociales de la propriété privée des ressources et des moyens de production,… y’aura ce complexe du fumiste au risque de déchoir… quand les circonstances ne se servent pas de lui…
Pour ma part, j’ai du mal à me mettre dans une catégorie, tantôt laborieux, tantôt pas. Mais quand je suis laborieux, le résultat peut être bon aussi ou nul.
Il m’est arrivé d’avoir la solution sans presque aucun effort parfois. Ou alors des efforts dans un domaine, sans succès amènent des succès dans un domaine autre. Bref, aucune régularité. Ce que je trouve remarquable chez les winners, des machines bien huilées qui tournent sans à coups. Ce qui me serait invivable, tant quand ça m’arrive je m’ennuie.
Je pense faire aussi bien partie des cancres que de ceux qui sur un malentendu ont des réussites, d’ailleurs toujours éphémères.
Mais c’est quand même quand j’ai été laborieux que les résultats éventuels sont plus appréciables. Dans ce cas j’ai au moins une histoire à raconter, la succession de ses propres plantages c’est toujours comique.
On m’avait surnommé Gaston Lagaffe, me valant la commisération paternelle ou maternelle de tout un chacun, et le mépris qui vient avec comme contre partie bilantielle mécanique. Face à quoi on n’a qu’un pffff à penser.
C’est pour ça que j’apprécie Buster Keaton :
http://www.dailymotion.com/video/x2…
Un bon fumiste doit savoir bien enfumer: c’est scientifique!
Chère madame Maillard,
Si votre parole correspond à ce que vous pensez
si vous ne faites de ce qui ne l’est pas une affaire personnelle
Si vous évitez les suppositions hasardeuses
Si vous faites toujours de votre mieux
et ainsi réussissez à briser les vieux accords imposés par "le système" et acceptés bon-gré, mal-gré, pour en conclure de nouveaux,
Je pense que ni le manque de confiance en soi, ni le risque de narcissisme exacerbé ne vous effraieront plus
(Je résume ici "les 4 accords toltèques" de Don Miguel Ruiz dont je vous avais déjà touché un ptit mot par ailleurs. J’ai entendu dire que ce petit livre pour aller vers "la liberté personnelle", dans le domaine "mieux-être" aurait fait fureur à une certaine époque, mais je me demande bien qui l’a lu !!! Je ne discerne pas tellement autour de moi, ni dans les cercles élargis des "médiatitudes" le côté simple et essentiel que j’y ai trouvé)
Je suis presque sûre que si vous souhaitez "réparer" le "problème éclairé", il y a moyen, tout n’est qu’histoire "d’accords" (j’aurais dit il y a quelques temps, " de renoncements nécessaires"(Judith Viorst) et de choix, mais je préfère la douceur des "accords, désaccords, nouveaux accords…."), que ce soit "dans votre tête, en société, avec l’argent, ou même avec vous même" (je vous cite)
Je ne prétends pas que c’est facile, mais en ce qui me concerne, je m’exerce, je joue.. au "jeu du mieux" ! (un peu comme avec les techniques de l’analyse transactionnelle que je trouve très rigolotes)
Mais arrêtez de vous sentir coupable à longueur de textes. Vous avez eu une éducation catho ou quoi ?
Vous n’êtes coupable de rien. Vous essayez simplement, comme tout le monde. Vos hésitations valent plus que l’assurance de ceux qui se trompent toute leur vie sans s’en rendre compte. Vous avez la chance d’être consciente, alors profitez-en.
D’accord avec gégé
"Vincent, c’est un fumiste… Il glande à ses TP, me ramène des 5 ou 6/20 , mais il s’en fout parce qu’il sait qu’il aura 18/20 au contrôle…"
Une envolée lyrique de mon prof de bio en 1ère.
Un souvenir marquant d’ado qui remonte comme une bulle à la lecture de ce billet :^)
J’étais entre pourpre qu’on me montre ainsi du doigt devant tout le monde, et fier d’être érigé en ‘bon élève’ – un trait de caractère que j’ai forgé dès l’école primaire, le regard de mon père…
Bon, mis de côté le mensonge/ la question de l’inné – beaucoup s’entrainent, travaillent, puis cachent cette partie d’effort pour pouvoir se vanter d’un "c’est facile !", comme si leur réussite était intrinsèque à leur ‘être’ et non à leurs actions passées… (oui, on est pas égaux, et alors ?)
Ce sentiment de ne faire ‘que ce qu’on me demande et pas plus’, je l’ai encore bien souvent aujourd’hui, et je continue à le revendiquer : "pourquoi faire plus que ce que je veux moi ?"
Réforme des retraites : "pourquoi travailler plus?"
Bon, par goût parfois, mais quand je n’ai pas cette envie, pourquoi cette culpabilité latente?
ah, oui… le regard des autres !
Ben oui, quoi qu’on en dise, et aussi fort loue-t-on l’individualité, et le mythe d’hommes (de Rousseau, ou encore Robinson Crusoé) capables de faire société. Non, nous restons en réseau, nous tissons une toile sociale avec nos semblables, et les interactions avec eux nous marquent…
Maintenant, à ce ‘regard des autres’, on peut réagir de façon épidermique, ou alors l’assimiler dans une ‘opinion personnelle’.
Ne pas se juger uniquement à l’aune des mots et attitudes des autres, mais les fondre, les relativiser, les mettre en contexte et en opposition…
(j’pense qu’il y’a suffisamment de commentaires de gens qui semblent éprouver le même sentiment que celui décrit dans ton billet pour que tu puisses déjà ainsi relativiser.)
Et pas de narcissisme à ce niveau, juste un "connais toi toi-même" (parce qu’on a pas fait mieux en philo "de base" depuis Socrate)
Sans virer dans le prosélytisme des ‘coach’ et autres partisans du ‘améliorez vous vous-même’ – je ne crois pas à une formule ‘universelle’, on a tous nos sensibilités, nos goûts – je pense qu’en apprenant à se connaitre, on peut plus facilement saisir des opportunités, et se trouver une place où l’on se sente ‘mieux’
Enfin, l’enfer, c’est les autres… 😉