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22 mars 2005

Alerte rouge chez les Eurologues avertis : deux sondages consécutifs donnent le "non" en tête en France pour le référendum sur la constitution européenne!

Dès le départ, j’ai trouvé cette histoire mal emmanchée : répondre par oui ou par non à un pavé de 475 pages rédigé dans le plus pur style juridique, que tout le monde s’accorde à trouver particulièrement clair, abordable, facile à comprendre et tellement proche des gens!

Devant l’ampleur de la tâche, et surtout en l’absence du texte dans nos petites mains avides, on ne peut qu’être dubitatif quant à la qualité démocratique d’une telle consultation : comment se prononcer sur ce que l’on ne connait pas et qui reste largement hors de portée du commun des mortels? J’ai bien essayé de le lire, ce Traité, mais voilà, quand on n’est pas au fait des subtilités juridiques, comment, déjà, reconnaître le droit mou du droit dur?[1]

Il ne reste donc plus qu’à s’en remettre à l’avis des experts, des gens qui savent! Le problème, c’est que les gens qui savent ne sont pas neutres et qu’en fait d’analyses objectives et pertinentes, nous autres pauvres béotiens, avons le droit à des petites phrases qui tuent, des formules toutes faites, des discours partisans, des slogans… difficile de faire le tri!
Une autre solution consisterait à s’en remettre à la formation politique dont nous nous sentons le plus proche. Mais voilà, la désaffection des Français pour la politique partisane ne permet guère de se rattraper ainsi. En plus, les partis implosent de l’intérieur au sujet de cette fameuse constitution et les deux camps, du oui et du non, regroupent à peu près tout et n’importe quoi pour des raisons diverses, variées et contradictoires!

En gros, devant l’ampleur et l’absurdité de la tâche (entendez : se faire une opinion pleinement éclairée de ce texte, que dis-je, de ce pensum!), l’attitude la plus raisonnable serait de s’abstenir!
Mais ce n’est pas satisfaisant!

Anticonstitutionnellement

Le mot le plus long de la langue française est en passe de revenir au goût du jour!

Comment se déterminer par rapport à ce que l’on ne comprend pas?

Je me souviens, au début de cette caricature de campagne, les partisans du oui répétaient à l’envie que le gros du texte ne nous intéresse pas vraiment puisqu’il reprend les grandes lignes des anciens traités européens déjà en vigueur, et que par-dessus, on avait ajouté une bonne couche de trucs vachement bien comme la paix, des trucs droit-de-l’hommistes, de la sauce sociale, des trucs sur l’égalité hommes-femmes, tous les ingrédients qui ne peuvent que réjouir le cœur des peuples! Et donc, voter oui, c’est être pour le progrès social!

Ne pas être pour le progrès social, c’est tout de même être un gros mufle assorti d’un imbécile, non?

Du coup, on se demande pourquoi avoir jugé bon de farcir un catalogue de bons sentiments avec des trucs techniques vraiment chiants que personne ne comprend alors qu’ils sont déjà en vigueur. Il aurait suffit de nous présenter un texte qu’avec les avancées sociales, sur la paix et tout ça! Le débat aurait été vite torché et on aurait pu profiter du retour des beaux jours au lieu de se faire des cheveux blancs sur un truc qui, en temps normal, n’intéresse personne!

Les partisans du non ont alors fait remarquer qu’entre les trucs sympas qui ne mangent pas de pain, il y a aussi des trucs qui le sont nettement moins, un peu comme un cuistot qui ferait passer de la viande avariée grâce à une bonne sauce relevée[2], autrement dit, sous la sauce humanisante, il y aurait un bon gros steak pourri plein de plus de libéralisme.

Du coup, voilà le non en tête des sondages et le camp du oui qui saute au plafond!

Et là, c’est Apocalypse Now, rien de moins. En gros, si on vote non, c’est l’implosion européenne, c’est la France au bord du chemin, c’est Armaguédon tellement pire que même une division de Bruce Willis ne pourrait pas nous sortir de ce merdier-là, c’est le retour au Moyen-Age, à l’Age de pierre, avec Hitler qui ressort de sa tombe, rien moins que ça!

Alors, je m’interroge!

Au départ, on nous a présenté le référendum comme une simple petite formalité vraiment très sympatoche à la sauce démocratique… du moment qu’on vote oui! Or, une fois que le non prend toute son ampleur, voilà-t-il pas que l’on nous parle de déflagration quasi post-nucléaire!

Pourquoi faire semblant de jouer le jeu de la démocratie, alors que j’ai l’impression qu’on va nous faire aller aux urnes qu’avec un seul bulletin de vote : celui du OUI?
Pourquoi nous faire tout ce cinéma, mobiliser la nation, pour une simple formalité de rats de prétoire?
Voilà qui n’est guère cohérent!

Sauf si on comprend que nous n’avons été consultés que pour donner notre blanc-seing à ce qui va suivre.

Nous voilà sommés de dire Oui! Etrange ballet démocratique, non?, où l’on nous demande notre avis sur un truc auquel nous n’avons pas accès uniquement pour obtenir notre assentiment!

Pour ma part, je trouve déjà le principe et les pratiques autour de ce référendum des plus suspects.
Et après m’être échinée comme j’ai pu à lire ce machin, j’ai surtout remarqué que le grand principe fondateur de tout ça, c’est le respect de la concurrence libre et non faussée.
La concurrence libre et non faussée, c’est déjà plutôt une vue de l’esprit, une abstration théorique, un jouet pour économistes : dans la réalité, entre les multinationales oligopolistiques et {les PME | les consommateurs | les salariés | l’environnement}, c’est David contre Goliath, c’est la loi du plus fort, du plus riche, du mieux pourvu en avocats. Mais érigée en principe, cette concurrence libre et non faussée devient l’instrument de l’émancipation totale des entreprises de toute tutelle politique, juridique ou sociale, c’est l’abolition des dernières règles, c’est abdiquer toute volonté de réguler, de contrôler les activités des entreprises, de les confronter à leurs responsabilités vis à vis du reste du tissu social, voire de l’humanité, voire de la biosphère.

Et quand je vois ce dont les entreprises sont aujourd’hui capables[3], ce que produit cette certaine conception de l’économie, je ne peux décemment pas souscrire à cette philosophie!

C’est pour tout cela que je vais voter NON


A en perdre les pédales!
The Corporation
Sous-traitance et externalisation
Le client délinquant
Le Cauchemar de Darwin
Le goût du travail
Les 35 heures en question
La valeur de la vie humaine
Le Mythe de Sisyphe

Notes

[1] A priori, le droit mou, c’est tout ce qui est de l’ordre du chapelet de bonnes intentions mais qui n’est assorti d’aucune contraintes réelles, alors que le droit dur, c’est tout ce qui est assorti de règles, contraintes, et qui peut être sanctionné en cas de non-respect. Il semble que quiconque qui est incapable de reconnaitre ces 2 aspects du droit est totalement incapable de juger par lui-même du contenu de ce fameux texte, soit 95-99% de la population, dont ma modeste personne! Pour comprendre, voir >>ICI<<, les analyses des articles du projet de traité constitutionnel

[2] Surtout, les partisans du non ont eu bien du mal à s’exprimer sur les médias, comme l’analyse Acrimed

[3] Voir ci-dessus la liste des billets parlant de la vie et des œuvres des entreprises, ainsi que la philosophie économique actuelle et de ses conséquences déjà publiés dans ce blog

6 Commentaires

  1. Une belle démonstration !! A fond d’accord avec toi !!

    Réponse
  2. Europe : le débat confisqué !

    D’un côté les réacs de gauche et les nationalistes : ceux qui n’ont jamais voulu de l’Europe, qui disaient non depuis Maastricht, et qui diront non quoi qu’il arrive, tels les Laguiller, communistes, villieriste et fascistes… de l’autre,…

    Réponse
  3.      Les électeurs se ramassent à l'appel -

    L’grand timonier va s’ ramasser aussi..

        J'crois bien que je

    vais reprendre des moules..

    Réponse
  4. les anglais trouvent cette constitution trop sociale et vous préférez prendre les français pour des cons incapables de lire ce texte!Une grave erreur a été faite:ne pas avoir fait un référendum européen!Toute l’Europe votant le mème jour ça aurait eu une autre gueule.Non?Seul l’avenir dira qui avait raison!

    Réponse
  5. Chère agnés, Merci pour ce morceau de plaisir, ce récit drôlatique d’une histoire tellement pathétique….Référendum? hum…Moi si je pouvais me le permettre je dirais, baratin and co. Mais bon les français gardent un morceau de jugeotte au fond de leur garde-manger, tout comme les économies au fond du bas de laine… Et nous avons dit non. Donc plus de débat qui font blanchir les cheveux et rougir les joues de concentration extrème, plus de prise de tête à trois balles sur la place d’une virgule et l’intitulé d’un paragraphe long comme une chaine de frontistes… Non! L’affaire est dans le sac, l’Europe envisagée de cette manière ne plait à personne en tout cas pas à la sacro-sainte majorité alors feu de ce texte emplit de serpents venimeux et de bons sentiments, et vive la france! Seule dans son coin-coin! Et si on faisait l’Europe Française à nous tout seuls?

    Réponse
  6. Soledad : « et vive la france! Seule dans son coin-coin! Et si on faisait l’Europe Française à nous tout seuls? »

    C’est une blague ?

    Réponse

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