Rien ne vaut les petites nuits froides de novembre.
Ces derniers temps, alors que tout le monde se plaint du retour des mauvais jours, je me plais à parcourir les ruelles que la froidure a vidé de ses passants. Il y a quelque chose de purement sensuel à cette solitude glacée, à cette marche à pas vif qui seule enfreint le silence. J’aime sortir la morsure de l’air sur mes joues, mes narines se figer dans la bise, je me sens alors terriblement vivante.
Hier soir, une brume épaisse, poisseuse avait envahi la ville, étouffant la cadence de ma marche, dévorant les perspectives. La lumière des réverbères en était encore plus vive, et fusait dans la matière mouvante. C’était comme un cocon de moiteur froide, de silence sourd.
Ce soir, par contre, le ciel était immense, vibrant, l’air claquait mon visage comme une gifle, le froid, sec, pénétrant, incisif a rapidement investi les différentes pelures de mes vêtements. Les sons rebondissaient comme des coups, la nuit était limpide, grandiose et glacée comme je les aime. Les étoiles transperçaient l’obscurité comme des piqûres de givre tremblotantes, c’était somptueux, un de ces moments où, seul avec le crissement de ses semelles sur le gravier, la tête en l’air, l’esprit aussi ouvert que l’horizon, tous les sens déployés, on sent que l’on touche tout simplement au sublime.
C’est l’état de grâce, sans aucun artifice, ces tout petits moments qui nourrissent l’être, même au cœur des heures les plus sombres. Le temps suspend sa course implacable, l’espace de quelques inspirations brûlantes… Puis je pousse la porte du cinéma, retrouve la lumière, la chaleur, le brouhaha de l’humanité toussante et reniflante, la complainte de l’hiver qui s’empare des ruelles, les vide de leur substance, en chasse les flâneurs… en m’ouvrant la voie royale de mes marches solitaires et légères.
Oui, j’aime l’hiver qui s’approche à grands pas et pousse les gens à rentrer chez eux. Le monde n’appartient pas seulement à ceux qui se lèvent tôt, il s’offre à ceux qui ne craignent pas d’en affronter les rigueurs.
Des mots de cristal en guilandes et arabesques, farandoles de guipures et pampilles, tintinnabulaient dans un soir tiède, aux relents de tilleul suranné.. Tout ça c’est bien joli, mais quesqu’y a pour bouffer ce soi ?