Mieux que d’aller voir LE film sur le pinard, il y a aller voir LE film sur le pinard en compagnie des viticulteurs du coin!
Pas la forme
Du point de vue formel, ce documentaire est un cauchemar qui dure au moins une heure de trop. Quand au faux côté "amateur" c’est tout de suite crispant : des zooms de débutants, des flous pas artistiques pour un poil, un objectif qui tangue comme un bâteau ivre au pays du pinard. Si c’est un parti pris artistique, c’est plutôt raté. Heureusement le contenu rattrappe plutôt bien le coup.[1]
Requiem pour un massacre en quatre temps
Mondovino nous entraîne dans les arcanes de la mondialisation de la production de vin. Autrefois fleuron français, le vin devient une monstrueuse machine à fric globalisée, marketée : qu’importe le flacon, pourvu qu’on ait l’ivresse!
Jonathan Nossiter promène sa caméra tremblotante autour du monde, dans un aller-retour subtil entre petits producteurs attachés au terroir, avec un savoir-faire et les machines à fric qui font du vin de marque, de cépage. La méthode de ces derniers démontre une collusion bien huilée pour faire flamber les prix du Word Wine standardisé :
- Mondavi, richissime producteur de Word Wine californien de la vallée Napa, repère un domaine dans le monde bien exposé, bien ensoleillé, capable de produire du raisin bien concentré : il en prend des parts… pour commencer.
- Il envoie alors son arme secrète, l’oenologue Michel Rolland, issu du Pomerol, et qui grâce à des techniques High Tech[2], transforme un petit vin de caractère, en un produit pomerolisé qui pète bien en bouche et flatte les papilles un peu paresseuses.
- Arrive Robert Parker, LE critique américain, celui qui a compris que les consommateurs attendent qu’on leur dise ce qui est bon pour eux. Son goût est la référence, et étrangement, son goût lui fait préférer les vins Rollandisés.
- Enfin, on ferme le bal avec le magazine de référence américain le Wine Spectator, qui tend à filer les notes maximales aux vins avalisés par Parker, ce qui fait monter les côtes au plafond
Et voilà comment un honnête vin de Toscane, d’Argentine ou de Californie se retrouve à 110 euros la bouteille sur le marché, taillant des croupières aux plus grands Bourgognes.
Face à la machine marketing à mac-donaldiser les vins, Nossiter va à la rencontre des résistants, petits producteurs locaux, amoureux de leur terroir, qui défendent un vin issu de l’invraisemblable alchimie du temps, de la terre, du climat et de l’amour des hommes, tel Hubert de Montille, qui cultive en Bourgogne son vin qui est tout en longueur, l’oeil pétillant, sorte de rescapé truculent des Tontons flingueurs.
Mention spéciale à Aimé Guibert, viticulteur du Languedoc, sorte d’Astérix du pinard, qui a résisté envers et contre tous à l’envahisseur : quand Mondavi a voulu créer un domaine géant en rasant les collines qui surplombent le village, la multinationale s’est retrouvée face à une levée de boucliers. Finalement, La France est devenu un peu la bête noire du Californien qui a décidé de ne pas nous faire profiter de ses méthodes à l’emporte-pièce.
Le mot de la fin viendra des viticulteurs présents dans la salle : Mondavi vient de se faire racheter par plus gros que lui.
Les invasions barbares ne font que commencer
A lire aussi :
La critique de Libé
Celle de la Plume Noire
Le compte rendu de projection de la Gazette des Pays de l’Adour
Cinéma : Mondovino (de Jonathan Nossiter)
Un OVNI. On en ressort pas indemne ! Mais c’est quoi au juste, cette chose ? Un documentaire ? Une fiction ? Un polar ? Une tragédie ? Une comédie ? Un peu tout cela à la fois, et c’est ce qui en fait un OVNI ! …
🙂 je l’ai vu en avant première à Aix avec les viticulteurs provençaux, c’était pas triste non plus…