Ce qui est fascinant avec nos concitoyens, c’est qu’ils ont un niveau de vie nettement au-dessus de leurs revenus.
Je suis attablée avec un élu du bled-en-chef, à la sortie d’un colloque sur les jardins partagés. On mange du pâté bio dans des assiettes jetables en plastique et on devise à l’emporte-pièce sur les échanges démonétisés. Et c’est lui qui vient de mettre le doigt sur ce qui fait toute la force de la société gasconne en une seule petite phrase précise.
Se passer de l’argent n’est pas encore devenu le sport national, mais dans un département où le SMIC est plus un salaire maximum qu’un plancher gluant, le bonheur n’est pas en bas de la fiche de paie. Crise ou pas crise, ici, c’est un département pauvre avec quelques belles constantes, quel que soit le sens du vent : recordman de France de l’habitat indigne, avec 20 % de logements concernés, 80 % de la population éligible aux logements sociaux, pas de réelle industrie, ni d’activité phare pour faire tourner la planche à billets, juste le tourisme et l’agriculture, des secteurs pas franchement pourvoyeurs de gros salaires. Et ne parlons pas des vieux, le gros du bataillon étant formé par les retraités de la MSA, c’est-à-dire strictement scotché sous le seuil de pauvreté.
Et pourtant, la plupart des gens ne s’en sortent pas trop mal si on compare leur niveau de vie avec leurs homologues coincés en ville. Parce qu’ici, le réseau remplace l’argent, le coup de main
permet d’accéder à des services autrement trop coûteux. Pas de travail au noir, même s’il y en a qui s’arrondissent les fins de mois en bossant le soir à la lampe frontale, non, c’est beaucoup plus subtil que cela.
Je viens de m’enquiller trois jours de déplacements dans la capitale, histoire de voir s’il y a des gens qui sont prêts à utiliser efficacement mon petit talent d’écriture. J’ai quadrillé trottoirs et bouches de métro, croisé de plus en plus de miséreux qui ont clairement délimité leur mètre carré de bitume, tout en mangeant aux meilleurs râteliers de la bonne rive de la Seine. Je suis exténuée, mais ma tournée n’est pas finie. Je navigue dans les vertes collines de la Gascogne au volant de mon paquebot préféré, MGMT à fond dans les esgourdes et je savoure pleinement ce premier intermède printanier depuis bien des jours.
Je suis attendue du côté du bled en chef pour filer un coup de main.
Disons que dans le jeu extrêmement subtil des relations sociales gersoises, j’ai assez peu de compétences intéressantes à mettre dans la balance des échanges amicaux. Certes, il paraît que je suis de bonne compagnie, je raconte bien les histoires et j’arriverais à faire rire un plantigrade affligé d’un herpès génital (va donc te gratter les couilles avec des griffes de 20 cm de long et tu verras de quoi je parle!) avec la chronique de mes petites aventures du quotidien. Sorti de ça, je suis dotée de quatre pieds gauches et d’une irrésistible propension à déclencher pannes et défaillances à n’importe quel objet que je regarde plus de 30 secondes. Je me rattrape en fourguant à tire-larigot des crumbles aux pommes dont je détiens jalousement une recette de la mort qui tue et en proposant avec une insistance un peu gênante des coups de main que tout le monde s’empresse généralement de décliner. Jusqu’à ce jour. Où je dois ouvrir une voie d’escalade dans le lunaparc privatif de Papa Chicho.
Papa Chicho est un ami qui connaît parfaitement mes super pouvoirs destructeurs et qui m’a déjà rendu suffisamment de services pour que je sois condamnée à lui tondre la pelouse jusqu’à la fin de mes jours. Bien sûr, personne ne tient de comptabilité de tout ce réseau dense de menus services et de petites compétences échangées à longueur de temps, mais il y a comme une entente tacite sur la nécessité de maintenir un certain équilibre flou et illogique entre tout le monde. Certains, comme l’Ours ou Papa Chicho ont suffisamment de cordes à leur arc pour se rendre absolument indispensables et je les soupçonne régulièrement de m’assigner des tâches plus ou moins utiles ou nécessaires pour que je ne me sente pas redevable au point de ne plus oser les contacter.
Comme cette histoire de mur d’escalade.
A priori, 30 minutes de surf sur Google suffisent largement pour se faire une bonne idée de la manière dont on peut équiper un mur dans son jardin. Et je sais que Papa Chicho est suffisamment méthodique pour parvenir à relever le défi tout seul. Mais voilà, en me demandant de le faire, il m’offre la possibilité de participer à hauteur de mes moyens à son propre réseau informel d’amitié, tout en relativisant les deux heures qu’il a passées une autre fois à ramper dans mes chiottes pour circonscrire une fuite bien malencontreuse. Sans son intervention, il m’aurait fallu faire appel à un plombier que je n’ai que très vaguement les moyens de payer.
En fait, l’idée est plutôt simple si on y réfléchit deux secondes : de chacun selon ses moyens et à chacun selon ses besoins.
L’idée de pendouiller plusieurs heures d’affilée sur un mur est terriblement plaisante à mon cœur et compense suffisamment la fatigue accumulée depuis plusieurs jours pour que ma tâche n’ait rien d’une corvée, mais voilà, dans le monde parallèle de l’entraide au débotté, les plans se déroulent rarement sans accrocs. Débarque alors Le Bouta qui a besoin urgemment de bras pour bouger des arbres chez lui. C’est un truc de Gascons, de bouger des arbres, les estrangers ne peuvent pas comprendre. Mais il faut des bras. Pleins. Et même bandés par l’effort, quatre ne suffisent pas à décoller les racines de leur gangue collante argilocalcaire détrempée par les pluies diluviennes de ces derniers jours. Alors, on rameute Max, qui a surtout une belle affinité avec le matériel informatique et les moteurs, pratiquement tous les moteurs. Et les jardins, aussi. C’est hallucinant ce qu’il peut faire produire à un jardin. Mais qui a deux bras aussi. Moi aussi, j’ai deux bras, mais clairement, pour l’effet de levier, je ne fais pas le poids. Alors, je raconte des conneries.
C’est quand même ce que je fais de mieux.
Du coup, le mur a pris du retard. Donc, tout le monde revient et se colle sur la structure.
C’est fou comme les choses avancent plus vite dans la joie et la bonne humeur quand on dispose d’une petite équipe bien rodée. Petite équipe qui est déjà passée chez l’Ours, un autre jour, pour bouger une poutre de plus de 200 kg. Lequel a donné sa recette pour un crépi maison qui tient bien au mur et qui m’a aussi refilé un jarret farci, la dernière fois que je suis passée.
Des coups de main et de la bouffe. Les cageots de légumes du jardin qui s’échangent entre potes à la belle saison. Ou alors, c’est une promotion subite dans un magasin du coin. Le premier de la bande qui passe rafle le stock et fait circuler jusqu’à plusieurs degrés de séparation dans les strates de son réseau social. Le gars qui coupe du bois chez ses vieux, repart avec des bûches pour toute sa tribu. Celui qui vide un lac remplit son congélo et peut inviter une bande de braillards à sa table à moindres frais. Les compétences comme les produits ruissellent dans les groupes sans que jamais le mot argent ne soit seulement évoqué. Tout n’est que question de temps, de savoir, de savoir-faire, d’envie d’échanger. Et pas seulement des choses.
Je suis séchée. Des heures à arpenter ce foutu mur, à bouffer de la sciure, à patauger dans la bouillasse. Penser le pas suivant. Repérer le point où Papa Chicho va fixer la prochaine prise, marquer, bloquer la tête de la vis, tester le nouveau pas, imaginer celui qui va suivre dans le mouvement. On enchaîne les gestes avec une sorte de routine joyeuse. On se raconte des conneries. Encore. On se marre. On papote. Et on avance.
Malgré la fatigue qui vire à l’épuisement total, il y a un vrai bonheur à être là, à faire quelque chose que l’on sait faire et que l’on aime faire, surtout, et de le faire non pour soi, pour un boss, pour du pognon, mais juste pour faire plaisir à un ami.
Au bout du bout de cette succession de gestes, de tout ce temps consacré à donner quelque chose plutôt qu’à vouloir prendre, il y a la satisfaction intense d’avoir une place, une utilité dans une communauté sympathique et haute en verbe et en couleurs. Quelque chose de plus profond et de plus important que la valeur d’échange théorique du fameux coup de main. Quelque chose qui a à voir avec la nature humaine et qui fait que, finalement, bien plus que de la richesse, on a créé du lien.
Et ça, ça n’a vraiment pas de prix.
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Ce billet a été écrit dans le cadre du débat sur les indicateurs de richesse organisé par
Et c’était quoi, alors, la petite phrase précise du début ? 🙂
Voilà comment on faisait pour vivre avant qu’on devienne riche, grâce au capitalisme.
Voilà comment on vivra quand on en aura fini avec le pétrole, le charbon, et les pires pollutions que leur usage génère : l’ENA, les journalistes, et les profs de science éco.
Vivement la fin
Magnifique !
Où l’on redécouvre en passant que c’est en se parlant et en se regardant que l’on vit en se sentant vivant.
La chair à canon et la ressource humaine ne sont que des additions comptables de matricules.
Ainsi, les gens oublient qu’ils sont des personnes. Et être une personne, c’est être quelqu’un. Plusieurs quelqu’un font société. Micro locale 😉
Cool, bien ‘ecrit et tres rigolo.
Des fotos du pan de bloc…
salut
@stella : la petite phrase, c’est le chapo sur le niveau de vie de nos concitoyens. Les gens vivent mieux que ce que leurs revenus leur permettent parce qu’une partie de l’économie locale est totalement démonétisée. Ce qui revient à dire qu’on ne peut se contenter de scruter les flux d’argent pour mesurer la richesse d’une population. Ici, on parle de la richesse du troc, du lien, du don et de l’échange. Et de l’amitié, aussi bien sûr.
@escodub : j’ai comme idée que tu déboules tout droit du forum d’escalade et je te remercie de ta visite. Oui, je comptais photographier le mur, mais il faisait trop moche samedi dernier. La prochaine fois que j’y retourne, je suis censée ouvrir deux nouvelles voies et modifier un peu celles que j’ai déjà tracé (en fin de journée, j’étais tellement HS que j’ai saupoudré le haut de la voie de tas de prises inutiles et faignantes). À ce moment-là, j’espère qu’il fera enfin beau et je prendrai des photos pour la postérité.
@ tous : oui, c’est ça l’idée : dans un monde où le fric se rarifie franchement, reprendre des pratiques alternatives d’échanges et de socialité, pas tellement nouvelles, mais tellement meilleures que de simples questions comptables. Ça fait un moment que j’observe mes amis gascons et pendant longtemps, je me demandais pourquoi ils dépensaient tellement de temps et d’énergie à toujours dépanner des tas de gens à droite et à gauche, à toujours être sur le pied de guerre, toujours sur la brèche. Et puis, à l’usage, je comprends mieux leur fonctionnement. Je suis loin de voir la complexité fine de ces réseaux sociaux qui ont pourtant l’air simple au premier abord, mais je comprends mieux, aussi, pourquoi ils n’ont aucune appétence pour les communautés virtuelles. Il y a, dans l’effort partagé, quelque chose de vivant, de joyeux, de complet, de puissant, que les ersatz virtuels ne peuvent jamais seulement espérer effleurer.
Je pense que c’est aussi pour ça que les réseaux sociaux de la toile ne peuvent pas s’empêcher de venir toujours s’ancrer dans le réel, qu’il y a des réunions de blogueurs ou des apéros géants. Parce qu’on a tous besoin de chaleur humaine, tous besoin d’appartenir à une tribu bien vivante et concrète.
Très beau texte. Présent et spontané, frais et doré.
Je suis un peu sur la même longueur d’ondes même si c’est plus difficile en ville de s’entraider. Tout le monde a peur! Il n’ya plus que l’argent qui compte par ici.
Il y a un grand travail à faire pour revenir à cette simplicté de vie. Plus profitable d’ailleurs.
Mais il faut travailler.. Ou plutôt arrêter de travailler et réapprendre.
Bonne journée à toi!
Arth
Ben voilà.
Ici, c’est un peu le même son de cloche, les mêmes rires et coups de main non tarifés. Tu me gardes les minots, je te fais la daube, y’a l’autre qui repeint le mur et celui qui répare les voitures, guérit les ordis malades, la copine qui coud et celle qui chante.
De ma ville à ton Gers, y’a comme des effets-miroirs, y’a de l’humain dans l’air.
exactement madame le Monolecte!
la gratuité, et le partage, dans l’opulence!
http://calebirri.unblog.fr/2010/04/…
Ici, les réseaux sociaux, surtout fb, ont plutôt été utilisés dans l’autre sens : le lien et le réseau de solidarités réelles existaient avant l’apparition du virtuel. Il nous sert surtout de caisse de résonance, de dazibao géant pour échanger des adresses, des horaires,des rdv. Rien de virtuel en fait ou si peu, je dois croiser les 3/4 de mes correspondants chaque mois à divers instants de ma vie réelle. Comme tu le dit Agnès, le virtuel ne peut se suffire à lui-même, à moins de lui adjoindre des apéros et des tablées de bonne bouffe. Avec du crumble aux pommes et du tablier de sapeur.
Oui, pour que le système soit viable à long terme, il faut éviter les comportements parasitaires. Je pense qu’il peut être difficile d’être précis dans la réciprocité des échanges, mais le fait d’être volontaire, d’être toujours prêt à payer de sa personne doit probablement beaucoup entrer en ligne de compte. Quelque chose de l’ordre du collier de nouilles de la fête des mères. Quelque chose de l’ordre de la sincérité…
Merci pour ce billet qui m’a redonné le sourire après lecture de 2 premiers textes plutôt noir-sombre-triste ! vive l’échange/troc/don et la convivialité !
C’est vrai que quand on y pense, le fric, ça vient "formaliser" les échanges. Les échanges peuvent être formels ou informels. D’ailleurs, certains échanges ne peuvent pas être évalués : pour certaines choses, ça serait même saugrenu, ça serait étrange de se poser la question "combien ça équivaut en fric, ça ?". Je crois que "l’informel" est un peu oublié, que son rôle, que sa nécessité est sous-estimé…
Et puis, c’est pervers : quand on est dans une période où on peut "donner", avec le fric on est bloqué… il faut que celui qui "reçoit" paye immédiatement. Je crois qu’avec l’informel, on se situe aussi sur une autre échelle de temps… les dettes n’ont pas à être immédiatement payées.
Mais par contre, il faut que cette forme d’échange soit un peu choisie quand même. Il y a pas mal d’écueils à éviter aussi… par exemple, je pense qu’il est nécessaire qu’il y ait une certaine franchise dans cette forme d’échange (pour préserver les liens d’amitié).
Il n’y a pas de règles pour "l’informel" (par définition), mais il y a une sorte "d’étiquette", des sortes de "bonnes manières"… je ne sais pas si certains y ont déjà réfléchi ?
Vous parlez de réseaux etc d entraide, de coup de main … on ne doit pas vivre dans le même village … et pourtant si !
Ici les gens font "" leurs groupes"" mais si jamais qq1 n est pas du coin vous ne le laissez s intégrer., vous avez votre ""clan" Et vous parlez de la richesse humaine du canton? Ah oui autour des bandas et cie où l’on ne voit que de la viande soule ? J’étais au sortie d"école puis de lycée pour récupérer mon fils avec les groupe de femmes qui vous détaillent mais ne vous font aucun sourire . Vous me faites rire avec vos textes , vos jugements , vous ne connaissez le dessus de N…..ro commencez déjà par appliquer ce que vous dites. Et au lieu de quémander ici pour écrire, il faudrait faire un tour les vignes , le ramassage des poulets la nuit il y a plein de places disponibles. Ah mais mince j oubliais ce n est pas pour les gens du dessus.
Sur ce bonne continuation
Certains y ont réfléchi, effectivement.
– Michel Pinçon, Autoproduction, sociabilité et identité dans une petite ville ouvrière
– Florence Weber, Le travail à-côté
Voir les recensions dans le bulletin "Sortir de l’économie" (respectivement dans les numéros 2 et 3) : http://sortirdeleconomie.ouvaton.or…
Au poulet dans la nuit : effectivement, le revers de la médaille, c’est l’esprit clanesque et c’est vrai que dans notre coin, c’est assez fort et que les étrangers le restent longtemps… très longtemps. 12 ans que je suis dans le coin et je pense que je crèverais dans la peau d’une étrangère. D’un autre côté, je l’ai toujours été, étrangère, y compris et surtout dans ma propre famille. Ici aussi, je tente de tisser des liens, mais sachant que la plupart des gens se connaissent depuis l’enfance, je ne me fais guère d’illusion sur la qualité de ces liens. Les gens dont je parle dans ce texte ne vivent pas ici, mais un peu plus loin et avec eux, j’ai de plus grandes affinités dont je pense (espère) qu’elles sont assez réciproques. Le réseau est éminemment électif et tout le monde n’a pas le caractère nécessaire pour faire partie de ce genre d’organisation. C’est une solution parmi bien d’autres.
Après, sur les poulets et les vignes, vous savez aussi bien que moi que même pour ces boulots, vaut mieux connaître quelqu’un. Perso, j’ai postulé dans pas mal de truc, y compris croupière de nuit au casino de Barbotan… pas eu de réponse. Là, je me démerde comme je peux en cumulant des contrats, les boulots. Je propose aux gens qui aiment ce que je fais de participer un peu, en fonction de leur envie ou de leurs moyens. Quant aux autres, à tous les autres, ils sont tout de même libres de tout lire gratuitement. Je pense que le deal est honnête et que je n’arnaque personne.
Maintenant, vous avez parfaitement le droit de penser que j’écris de la merde et que je ne mérite même pas de ramasser celle des poulets!
Oh, pauvre petit poulet dans la nuit ! Pourquoi attendez-vous que ce soit l’autre qui tende la main ? On a déjà refusé de prendre la vôtre quand vous l’avez tendue avec le sourire ?
Je ne pense pas que cela puisse fonctionner en termes de réciprocité stricte. A aide B qui aide C et un jour, pas forcément demain mais peut-être après-demain, ce sera T qui aidera A.
On rend parfois un grand service, sans attendre de retour. Et bien plus tard, on aura besoin du soutien d’une tout autre personne qui n’attendra pas de retour.
Tout ça à l’exclusion de ceux ou celles pas si nombreux, qui ont l’art de profiter des autres. Dommage pour eux, ils ne savent pas qu’ils y perdent.
Bon, après, il y a la question de la compétence et de la responsabilité. C’est valable que ce soit formel ou informel…
Pour la compétence, il y a ceux qui diront qu’ils sont compétents pour faire une chose alors qu’ils ne le sont pas vraiment, et réciproquement, il y a ceux qui diront qu’ils ne sont pas (assez) compétents alors qu’ils le sont assez (ou au moins, plus que les premiers).
Après, pour la responsabilité, ça dépend des caractères… Mais j’ai l’impression que dans "l’informel", les gens fuient moins leurs responsabilités. Parce que dans le "formel" (genre, on a acheté un truc), les gens peuvent être légalement responsables, ils cherchent quand même à échapper à leurs responsabilités…
Non mais c’est sûr qu’il y a quand même une forme de sélection. Il n’y a plus la sélection par l’argent. Il y aura une sélection plus… informelle : en fonction des caractères, en fonction de si les gens trouvent (plus ou moins) leurs comptes dans ces échanges informels, etc. C’est certain, ce n’est pas parfait non plus !
C’est marrant, la vie, des fois, Lolo. Tu me files 20€ et tu deviens mon 20 000e commentaire! Je vais mettre le Champomy au frais, tiens! 😀
Le Poulet dans la nuit a au moins une vertu, il m’a rappelé indirectement combien de fois j’avais lu et apprécié tes textes. Touchants, justes. Exprimants souvent des choses que je partage aussi avec toi. Un peu comme si une voix surgie d’ailleurs, la tienne, exprimait mes ressentis avec nuance, sensibilité et intelligence.
Merci. Je viens de créditer ton compte de 20 € en remerciement de ce beaux travail.
Ouais, c’est toujours pareil avec ces concours à la con : le 20.001eme, lui, il a jamais droit au Champomy. Les suivants, j’en parle même pas. En plus, c’est truqué, on voit jamais le score. Et pis le ticket va devenir hors de prix, à force, si le 30.000eme doit filer 30€, et ainsi de suite.
Je ne veux pas être le 10.000.000ème ! je vais me faire péter le Champomy tout de suite, tiens.
A ta santé, Agnès 😉
Merci, Monolecte, pour ce beau texte sur le lien (l’économie non monétaire). Je sortais de chez Frédéric Lordon, qui m’a collé le bourdon – j’exagère !… mais ça donne sérieusement à réfléchir… –, et ton texte fait naître au coin des yeux une lueur d’espoir…
Alors je renouvelle mon lien avec toi, et je suis allée sur le bouton magique faire un don (monétaire). Qu’il te soit propice, à toi et à ta descendance…
Je pourrai avoir un peu de Champomy ? Merci !…
Cette addiction au Champomy étalée sans vergogne est tout simplement honteuse et indigne de notre terroir vinicole si riche et si cher à mon foie !
"On n’est pas le produit d’un sol, on est le produit de l’action qu’on y mène " F. Castan
A chacun de le décider. Et ne pas oublier que nul ne nous attends lorsque nous arrivons quelquepart.
Ici aussi, pas mal de gens sont choqués par l’aspect clanique des réseaux.
Mais au lieu de pousser les portes et de se présenter le sourire en avant, la plupart grognent et jugent, attendant que l’indigène l’accueille un collier de fleurs à la main.
Et que je te critique la ville, et que je te fais la bouche pincée devant ce que je ne comprends pas, qui me dérange, qui me gène.
Chez vous, les bandas, le vin et les rires trop gras, trop sonores.
Ici, le foot, les voix trop fortes, l’incivilité apparente ou les poubelles.
Alors bien sûr, le natif, face à tant d’enthousiasme, de désir d’apprendre, de comprendre, se plie en quatre pour t’adopter.
Tu penses comme il t’attendait, comme il a besoin de toi pour se civiliser.
Je n’ai pas choisi ma ville.
J’ai appris à l’aimer et je n’attends pas qu’elle ait besoin de moi pour me donner à elle.
Bonjour , ah non je n ‘ai jamais écris que vos textes étaient de la merde , loin de là . POur la plupart ils sont dans mes idées et bien "tournés" comme je ne saurais le faire.
Je répondais juste sur cet article là.
Bonne journée.
@ poulet : s’il faut être totalement honnête, je vais mieux depuis que je vis dans un microbled plutôt qu’au bled où nous vivions (et où tu vis toujours) et où, effectivement et d’après pas mal de monde des bleds alentours, il y a une mentalité globale assez particulière. Maintenant, j’ai tout de même des liens avec quelques natifs du bled et pas mal avec des parachutés comme moi. Sinon, en parlant de Clan, il y a aussi des structures qui brassent des gens de tous horizons, si tu vois ce que je veux dire. C’est comme partout, on ne peut pas plaire à tout le monde. Faut donc prendre les potes et les affinités qui se présentent et ne pas broder 200 ans sur les connexions qui ne font pas.
Il est probable qu’il y a des gens que j’apprécie mais qui me débinent dès que j’ai le dos tourné… c’est dans la nature humaine. Faut pas non plus s’arrêter à ça, sinon, on ne vit plus. Je donne ma confiance assez facilement. Je suis plus avare de mon amitié, mais elle est à peu près indéfectible, y compris en cas de grosse brouille. J’ai des amis à qui je n’ai pas parlé depuis 10 ans ou plus, mais s’ils reprennent contact, ils seront accueillis comme si on s’était parlé la veille. Voilà!
Tiens c’est drôle,
Je viens de lire votre texte et les commentaires qui le suivent.
Je retrouve un peu de ma campagne dans le Périgord.
La chaîne de solidarité avec les échanges de biens et de services, c’était la pratique des gens autrefois dans les hameaux, économie informelle efficace, amitié, …..ce sont les gens qui reviennent qui les recréent.
Merci à Pouletlanuit qui me rappelle a quel point aussi ces pratiques peuvent s’être effacées très vite, trop vite dans l’esprit des autochtones.
Très bien vu, Paul! Dans le bled, j’ai ramé jusqu’à ce que ma fille entre à l’école. Là, elle a fréquenté les gosses des autres et on s’est rencontré. C’est effectivement à travers elle que j’ai croisé le plus de locaux. En plus, ma gosse est très communicante, ouverte, elle se lie facilement. Et elle a l’accent! (estampillée du coin!).
Quant à la bouffe, j’en ai déjà parlé : c’est très facilité ici, ça bouffe tout le temps, la moindre occasion permet de dégoupiller le confit de mémé!
En plus, ici, il y a la chasse et le rugby! Mais la plupart des sports contribuent beaucoup à la création de lien. Les sportifs créent des tribus qui partagent un univers de mots, de pratiques et de géolocalisations. Au bout du truc, tes communautés se chevauchent et les liens se tissent.
@ la sardine du port et @ agnes
la sardine vous relevez très justement que nulle part on nous attend, et qu’il est du devoir (en quelque sorte) de "l’immigrant" d’arriver avec le sourire… Agnes note qu’effectivement partout l’esprit clanique est fort, et que l’on reste sur la touche très longtemps, et toujours l’étranger même une fois "intégré".
ça pose en fait la question de repérer quels sont les critères communs à tous les clans, à toutes les ethnies, d’acceptabilité du nouveau venu.
quand on arrive quelque part, le point commun à tout le monde, est d’être plein d’espoir : et la plupart du temps, on va vers les gens avec le sourire, projetant toute sorte d’espoir positif sur l’autre… l’autre point commun, c’est d’offrir en partage des passions et des compétences… et effectivement, on découvre vite que ça ne suffit pas : les gens se débrouillent déjà depuis toujours sans le nouveau qui déchante si aucune urgence ne le rend utile à quelque chose. y’a ensuite un autre moteur de distance à l’égard du nouveau qui est la crainte de concurrence, la rivalité.
donc faut arriver à trouver le truc qui rend vraiment sympathique. c’est quoi que les gens partagent gratuitement, sans crainte de rivalité, de concurrence, ou d’impertinence du genre de se passionner pour un truc totalement inconnu dans le coin, ou d’avoir un métier inutile localement ?
j’ai pas de réponse vraiment solide. mais j’ai quand même remarqué plusieurs trucs qui tournent tous autour de la famille : ce qui fait que le nouveau nous ressemble, c’est qu’il a lui aussi construit la base de ce qui nous construit socialement. Ce qui a permis à beaucoup de gens nouveaux arrivants dans un bled de se lier avec les aborigènes, ben c’est tout simplement leurs enfants. ça veut pas dire que les nouveaux ne sont pas jugés à travers leurs enfants de façon parfois rude. mais à la base, y’a une acceptation instinctive, le truc qui rassure tout le monde. et à partir duquel la suite se construit.
la seconde piste que j’ai observée, c’est celle du partage du pain : la bouffe, les apéros etc… faut pas simplement y participer. faut manifester une joie commune dans ce genre de trucs, un partage instinctif, animal. y’a le partage commun non dit de la façon de se bourrer la gueule, le truc dans lequel tous les faux semblants tombent. ça commence dans la façon d’accepter le verre de vinasse qu’on vous propose après une rencontre dans un champ… déjà, rien que de penser vinasse, je suis mort.
bref, le gus qu’arrive le sourire partout mais qui ne partage rien du pain et de la progéniture, il est très vite repéré comme pur commercial, même s’il n’est pas en costard cravate.
et en plus, il ne ramène rien en chiffre d’affaire !
@Paul : Il est en effet possible qu’on éprouve quelques difficultés à se sentir bien avec les autres lorsque certaines dispositions d’esprit vous éloignent le plus souvent de leurs pratiques. Et la zoologie, en l’occurrence, n’aide pas beaucoup.
@ agnes
oh mais je pense effectivement que ces hypothèses sont très sérieusement importantes !
ça correspond à des mécanismes qui se retrouvent aussi chez les babouins et les chimpanzés, qui ont des structures sociales variables d’une tribu à l’autre, et doivent réguler des trucs du genre immigration individuelle.
moi j’ai expérimenté ça sans trop comprendre ce qu’il m’arrivait, assez jeune : simple rupture culturelle radicale commune, j’ai beau sourire, être curieux, attiré par l’inconnu etc… j’ai jamais, nulle part, aimé la bouffe, l’alcool, et la procréation… résultat, cinquante ans, RSA.
Le désir des autres… c’est peut-être de qui fait que des inconnus viennent si facilement me parler, comme encore hier, au supermarché. C’est sûr que si les autres te font chier, si tu ne rêves que de rejoindre ta cabane au fond des bois, ça le fait moins. Monsieur Monolecte se plaint souvent de temps à autre de sa vie sociale. En règle générale, il adore être seul et ne croiser personne, c’est juste que parfois, l’animal social qui est en chacun de nous le titille un peu. Le fait est qu’étant peu tourné vers les autres, les autres viennent peu à lui.
@Paul : ce que tu dis du pain, de la table, est plus vaste qu’un simple problème d’alcool. C’est le partage qui compte bien plus que l’ivresse. Ta capacité à rire, à t’impliquer dans les petits riens des autres sans juger sans connaitre, prendre son temps et surtout, être très sûr de soi, de sa légitimité d’être là où tu vis.
Je vois arriver ici tous les jours des gens qui oscillent entre un néo-colonialisme inconscient et une naïveté aveugle. Qui n’arrivent pas à juste être là, à recevoir, à donner et à ne jamais se justifier d’être.
Demander aux autres d’ouvrir leur cercle et de t’y inclure demande beaucoup de simplicité et de désir des autres.
Pierre, t’en fais tellement trop que c’en est carrément suspect! 😛
Houwa houwa ! Je viens d’avoir un orgasme littéraire. Une seule phrase d’Agnes est l’on est comme un jardin mort qui ressuscite sous l’influence d’une saison qui n’avait jamais existé auparavant. Cette femme est le diable, c’est sûr.
Lorsque je me sens brillant, je viens lire Agnès, et je dégringole de mon échelle pour retrouver le plancher des crabes.
Ce qui me stupéfie c’est que ce talent ne soit pas perçu. Si j’étais Président de la République, j’ouvrirais un ministère à la gloire d’Agnès.
La France souffre tant de médiocrité que mettre Agnès à sa juste place ce serait comme rallumer les "lumières" qui ne diffusent plus depuis longtemps que de l’obscurité.
Quand la forme prend une telle dimension, on se fout du fond. Agnès, c’est de la poésie si efficace que cela touche à une nouvelle forme de pornographie qui vous laisse les sens sans voix.
Agnès n’est pas un poisson qui tourne en rond, c’est un poisson que l’univers ne parvient pas à expliquer.
Pierre Meur
Un fatal flatteur peut-être ? ;-))
Pas tellement d’accord sur le point de la densité de population. j’ai vécu le même genre de proxémie en résidence universitaire où, à la limite, ce genre de principe de l’échange perpétuel, de la circulation permanente de liens, de gestes, de solidarité, seul, permet de supporter une promiscuité qui est une agression comportementale permanente. Le même genre de fonctionnement a aussi beaucoup humanisé les conditions de vie dans les grandes barres d’habitation, quand les gens vivaient dans les couloirs, les coursives, gardaient les portes ouvertes et passaient d’un appart à l’autre pour échanger des denrées, des nouvelles, des coups de mains. C’est quand les portes se sont fermées, les coursives se sont vidées que les emmerdes ont réellement commencé, que l’entassement est devenu angoissant, que l’autre est devenu l’ennemi.
Une chose intéressant aussi : ceux qui vivent dans l’économie du lien sont actifs, sont acteurs de leur existence. Ils circulent, et n’ont pas beaucoup de temps à consacrer à s’avachir devant leur télé. Ils ont donc plus de distance par rapport à la boîte à cons. La question étant : est-ce l’éloignement de la TV qui provoque les pratiques alternatives ou les pratiques alternatives qui rendent la télé obsolète?
Autre conséquence de l’économie du lien : l’autonomie des participants. Plus tu entres dans le jeu des échanges, plus tu es impliqué localement dans le réseau et moins tu es dépendant des échanges globaux pour assouvir tes besoins primaires. Et ça, à mon avis, ça ne doit pas plaire des masses à ceux qui nous exploitent tout en prétendant nous gouverner!
Bon…
Tout ça, c’est plutôt valable pour la "campagne", c’est valable dans des lieux où il y a une distance (plus ou moins importante) qui sépare les gens… une distance qu’on cherche à réduire.
Mais, en "ville", dans les lieux où on vit un peu les uns sur les autres… les gens cherchent peut-être plutôt, justement, à mettre de la distance. Ils rentrent régulièrement (et accidentellement) dans la vie privée d’autres personnes… mais par respect, ils font "comme si", ils essayent de ne pas se mêler de la vie des autres.
Je pense qu’il y a deux mentalités. Et chacune est adaptée aux lieux…
L’an dernier, j’ai échangé des cours de français à un gamin contre…? C’était ça le problème. Il s’agissait bien de démonétiser les échanges mais aussi de faire prendre conscience à la famille , à la maman du gamin surtout qu’elle avait des choses à échanger , des choses qui valaient le coup. Donc des cours de français contre des plats cuisinés. Pas d’autre consigne. On n’a jamais formalisé, dans le genre "une séance sur les conjugaisons égale un gâteau au chocolat" mais le résultat de l’histoire, c’est le gamin a fait des progrès , c’était le but premier, que la famille du gamin s’est mieux alimenté cette année-là ( en fait la mère faisait une fois par semaine un plat en double et quand on veut faire plaisir à quelqu’un on fait du mieux qu’on peut), que nous , on se retrouvait parfois à se demander "mais qu’est-ce qu’on va bien pouvoir bouffer ce soir ?" et que magiquement le téléphone sonnait :" Ne prépare rien , je t’amène un gratin de légumes… " ou "Tu aimes le gâteau au chocolat?" Résultat supplémentaire, la maman a repris confiance en elle et s’est mise à proposer des plats cuisinés dans l’asso dans laquelle elle bossait. Ce qui me semble important dans les échanges démonétisés, c’est qu’il font émerger le fait que chacun de nous a des compétences qui aident à la survie et au bien être. Ce qui est important aussi , c’est de ne pas instaurer de monnaie de troc. Un gâteau au chocolat vaut plus ou moins qu’un cours de français? C’est ce que je reproche à certains SEL où le cours de français vaut trois heures de jardinage … Et on reproduit la même hiérarchisation que dans le système monétisé.
Autre chose. Je pense que quand on fait n’importe quel boulot pas franchement valorisant ( je garde un souvenir très raide de ma période comme "enquêtrice" . Dire: " madame , vous voulez bien répondre à un petit sondage? " cent fois par jour et te faire jeter avec la responsable qui te surveille de la fenêtre , c’est pas le top pour l’ego) ou quand tu es au chomedu ( je connais bien aussi ), tu as du mal à garder une confiance en toi débordante même si tu sais que tu fais ça pour nourrir tes mômes. Y a quand même des boulots ou des activités qui sont plus valorisés socialement que d’autres et qui contribuent à te donner une autre image de toi. Quand tu fais un boulot plus dur et du coup plus mal payé, tu as du mal à tendre la main aux autres , peut-être parce que tu penses que ce que tu peux apporter n’a pas beaucoup de valeur. C’est peut-être une limite dans les échanges non institutionnalisés. Est-ce que parfois les difficultés communicationnelles ne redoublent pas les difficultés sociales? Est-ce bien celui qui en a le plus besoin des échanges qui en bénéficie le plus?
Autre indice: j’ai vécu pendant huit ans dans un petit HLM dans la grande ville dans lequel nous étions au départ cinq femmes entre 30 et 45 ans, cinq femmes avec enfants , toutes en galère. Au fil des années, plus la situation sociale générale s’est détériorée, plus la pression sur les pauvres s’est renforcée, plus l’ambiance dans l’immeuble est devenue dure et tendue, plus chacune s’est repliée sur elle-même. La question, c’est : est-ce que c’est parce qu’on est plus dans la merde qu’on va devenir plus solidaires? Je ne suis pas convaincue. Au contraire, c’est justement chez ceux qui auraient besoin d’expérimenter les échanges que la peur de l’autre et le repli sur soi se manifestent .Témoin, les dernières élections.
Je suis bien sûr pour les échanges, je crois à la valeur ce type de pratique et j’essaie moi aussi de participer au réseau mais il me semble qu’il faut être vigilant.
Autre chose. Bien sûr , les échanges nous permettent de rester en vie dans ce monde de plus en plus dur, bien sûr quand tu t’occupes du jardin de ton voisin, t’es pas devant ta télé , mais c’est aussi sur ça que comptes nos gouvernants , sur notre démerde pour nous appauvrir financièrement . Je suis tout à fait convaincue de la valeur du lien et de la créativité (‘"Résister , c’est créer" comme dit Miguel Benasayag) mais il est nécessaire selon moi que les échanges soient théorisés "politiquement". Échanger, expérimenter d’autres valeurs, créer d’autres relations, dans quel but? un autre monde, mais lequel? Pour changer quoi?
Résister c’est créer-Manifeste du Réseau de Résistance Alternatif – Buenos Aires, automne 1999 – Extraits
http://kinoks.org/article.php3?id_a…)
@ Agnès
Ce n’est pas tant à la densité que je pensais, mais plutôt à la distance… en particulier, à une distance visuelle et/ou sonore : quand on voit et/ou on entend tout ce que font les autres…
Pour une résidence universitaire, je trouve que c’est différent : tout le monde y vit plus ou moins au même rythme…
En fait, je pensais à des "villes" (ou des lieux) un peu comme des "open space"… à long terme, ça a un effet sur la mentalité : les gens cherchent à s’isoler, ils s’adaptent…
C’est ça, en fait… ça oblige un peu à être "schizophrène" : passer d’un état introverti (s’isoler pour pouvoir faire son travail, limite "autiste") à un état extraverti (être attentif aux autres, être à l’écoute, etc.). C’est ça, je crois : passer d’un "mode" à l’autre sur commande, savoir quand le faire… et ne pas rester bloqué sur un "mode". Parce qu’il y en a certains qui, justement, restent bloqués sur le mode "introverti"… insensibles à la vie autour d’eux. Ça demande de la gymnastique…
Ben, question promiscuité et distance entre les corps des humains et leurs nuisances, Marseille, c’est pas vraiment un désert. 🙂
@Pierre : tu sais très bien que tu es le bienvenu ici, c’est juste que même si je m’améliore, je ne suis pas très à l’aise avec les compliments, ne sachant distinguer l’élan sincère et un peu maladroit de la flagornerie la plus éhontée. En plus, c’est comme les cadeaux, faut savoir recevoir. Sans rougir, sans pleurer, sans minauder et sans péter plus haut que son cul, une gymnastique bien plus difficile qu’il n’y parait.
@Au Bouta… haaa, me voilà bien si les victimes de mes chroniques remontent le courant jusqu’ici. Bientôt, plus personne ne va rien oser faire avec moi, de peur de se retrouver disséqué ici :
Cela dit, c’était vraiment cool de te revoir! 😉
Agnès a dit : « Pierre, t’en fais tellement trop que c’en est carrément suspect! 😛 »
Il n’y a rien de plus proche du compliment que l’insulte, mais je ne pouvais pas me résoudre à t’insulter.
Priceless a dit : « quand on voit et/ou on entend tout ce que font les autres… ».
Priceless a raison ! Dis, Agnès, ce n’est pas très intime ici pour une histoire d’amour 😉
L’amour non voulu des autres, c’est aussi une calamité. Penses-y avant de devenir célèbre. Connais-tu le bozon de Higgs ? C’est la particule récemment découverte (avant ce n’était qu’une hypothèse) qui permet aux autres particules d’acquérir leur masse. Sans le boson de Higgs, la matière n’existerait pas … et nous non plus. C’est pareil pour celle qui veut vivre de son art. Elle doit acquérir sa masse d’admirateurs … ou de détracteurs (une masse positive ou négative reste une masse). Mais non, je n’ai pas dis que tu étais grosse 🙂 C’est une question de qualité, pas de quantité.
Pour Priceless : Ce n’est pas notre incapacité à switcher de mode qui est un problème, c’est notre incapacité à trouver le juste milieu en tout qui l’est.
Petit Pierre (1m90 tout de même), il n’avait pas de papa, il n’avait pas de maman, et même Agnès, la divine, qui écrivait l’univers et l’harmonisait, le rejetait. Là-dessus, normalement suivant nos critères humains, tout le monde devrait se mettre à pleurer et prendre Petit Pierre dans ses bras. Pourtant l’être humain est imprévisible, et Petit Pierre n’arrêtait pas de se prendre des coups. C’est trop injuste !
Agnès, dans un de tes moments d’atroce déprime, pourquoi n’écrirais-tu pas une histoire qui ferait tomber chacun en larmes ? On en rirait tous, mais il n’y a que ceux qui connaissent la douleur qui peuvent connaître la juste valeur de la dérision.
Quelqu’un cite un collectif de résistance de Buenos Aires. J’avais une amie argentine dont le mari était en prison. Son fils, Sergio, dix ans, n’avait jamais vu son père. Je passe sur les détails qui ne sont pas inintéressants, mais qui seraient trop long à écrire. Bref, le père écrivait souvent à son fils, et ces lettres mystifiait le père au yeux du fils, et inversement probablement. Un jour, le père a été libéré, et tout ceux qui avaient œuvré pour sa liberté l’attendait à l’aéroport de Zaventem (Bruxelles).
Et voilà le grand moment. Sergio (le père s’appelait aussi Sergio) apparait et la foule est en délire. Tout le monde se presse autour de lui. La télévision était là et faisait péniblement son travail. Son épouse, très expansive comme le sont les sud-américains, se jette à son cou, et l’embrasse comme si tout son chagrin, qui la minait auparavant, se changeait en un besoin de s’exprimer. Le petit Sergio était resté en arrière avec moi, et sa petite main dans la mienne traduisait tout ses sentiments. Comme je suis grand, je voyais au dessus de la foule. J’observais cet homme qui avait si longtemps été seul dans sa cellule, et qui était si mal à l’aise entre l’effervescence de son épouse et celui de la foule. Il regardait, il cherchait dans ces visages autour de lui. Soudain, il a crié "Sergio" très fort et à plusieurs reprises. La foule s’est écarté et un chemin d’une dizaine de mètres c’est ouvert entre son fils et lui. Deux regards qui se rencontrent pour la première fois, c’est impossible à décrire (sauf pour Agnès). Le petit Sergio me broyait la main. Puis il m’a lâché et a couru vers son père. Imaginez le reste et vous serez en dessous de la vérité.
Souvent je me dis que le petit Sergio a eu la plus belle enfance qu’un enfant peut connaître. Ne pas connaître son père et savoir qu’il existe, c’est comme de croire en "Dieu" sans en avoir les inconvénients de la réalité. Il n’y a rien de plus beau qu’un rêve. L’être humain n’est pas fait pour la réalité. Les parents ont divorcés et Sergio, père et fils, ont dut apprendre à se connaître.
Quel est ton rêve, Agnès ? Je te souhaite qu’il ne devienne jamais réalité. Tu serais trop déçue.
J’adore l’humanité, mais les êtres humains sont si dérisoires. Je le sais, je me connais.
Petit Pierre
@Agnès
C’est avec grand plaisir que j’ai lu cette chronique et pour cela, mille fois, je t’en remercie.
La suite dans les prochaines aventures…
Le Bouta
Pffff… je sais que tu dis ça parce que tu es jalouse de n’être pas ici et maintenant à bouger des arbres avec mes potes. Mais bon. Je réfléchis autour de la richesse et le premier truc qui me vient à l’esprit, c’est le temps passé avec mes amis… étrange, non? 😉
Après, si c’est aubryiste, tout ça, c’est peut-être que tout n’est pas encore totalement pourri au royaume du PS… 😛
ça ne serait pas un peu aubryiste tout ce discours ?… juste comme ça pour énerver tout le monde 😉
Très drôle, et bravo pour la Charte du Monolecte !
Je viens de voir une expo sur le Bangladesh.
Et bien c’est le peuple paret-il le plus pauvre du monde et pourtant dans un autre registre, il serait aussi celui ou les gents se disent les plus souvent heureux !
Cherchez l’erreur ! L’argent a finalement bien mis tout par terre. Que ce soit les rapports intelligents entre les gents que l’humanisme tout simplement.
Avec cette entitée "argent" on a dénaturé l’homme et sa capacité à faire autour de lui le bien pour tous , simplement pour faire le bien pour quelques uns au détriment de la majorité et tout ça en nous faisant croire en prime que c’était le mieux pour nous.
Là, ils ont fait très fort !
J’espère que cette solidarité va aller de l’avant et supplanter ce capitalisme dévorant et mourant.