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Du rififi dans la garbure

Par Agnès Maillard
17 juin 2009

À la campagne, on avale des kilomètres comme un migraineux bouffe de l’aspirine. C’est fou ce qu’on consomme comme essence et comme pneus. Les constructeurs automobiles commencent à se creuser le crâne pour produire de petites voitures économiques. Des « citadines» qu’ils disent. Mais c’est pour nous, les ruraux, qu’ils devraient réfléchir en priorité. C’est vrai, non ? En ville, ils ont le métro, les bus, les taxis et bientôt les pousse-pousses, au train où les Chinois se développent. Mais nous, dans nos campagnes, comment fait-on ? Qui pensent à nous, obligés que nous sommes de faire des kilomètres pour acheter une baguette de pain au prix fort ? Alors, on nous dit : « faites du vélo ». Je voudrais bien les y voir, les Parisiens, dans notre pays de collines et de vallons (…) Franchement, ça n’a pas que des avantages de vivre en province. Mais bon, j’aperçois la chaîne des Pyrénées au détour d’une crête et je ravale toutes mes râleries intérieures.

Du rififi dans la garbure 1J’ai croisé Jean-Louis l’autre jour en sortant du supermarché. Nous nous accrochions à nos caddies respectifs comme des naufragés à leur bouée et c’est avec une belle insouciance que nous nous sommes amarrés juste à la sortie du magasin, obligeant les autres clients à d’improbables manœuvres pour nous contourner.
Jean-Louis est un ex. Pas un ex au sens où l’entend le lecteur de Voici, toujours avide de détails croustillants. Non, Jean-Louis est mon ex-patron, ce qui, en soi, porte aussi la chronique d’une relation compliquée, surtout pour quelqu’un comme moi, aussi rétive à l’ordre hiérarchique qu’un cheval sauvage l’est à la bride. Je n’ai eu que peu de supérieurs hiérarchiques et bizarrement, avec le temps, j’en garde plutôt de bons souvenirs. Sans pour autant avoir envie de reprendre ce collier-là. Même si un licenciement ressemble toujours vaguement à un divorce, on avait réussi à s’en tirer à l’amiable, sans trop de rancœur et sans que personne ne soit rongé par la sale impression de s’être fait rouler dans la farine. D’ailleurs, par la suite, nous nous étions retrouvés sur quelques projets, de-ci, de-là, et je trouvais nettement plus agréable de travailler AVEC que POUR.
Toujours cette question de hiérarchie…

Les trajectoires aléatoires en cambrousse profonde étant ce qu’elles sont, nous nous étions retrouvés en quelque sorte collègues, un temps, comme correspondants de presse au bled, bossant pour des canards concurrents, mais sans esprit de compétition particulier. C’est de son expérience de localier que Jean-Louis s’est nourri pour pondre son premier roman, un polar rural bien balancé qui traîne son intrigue aux basques des pérégrinations de son héroïne, journaliste opiniâtre, libre et libérée, qui arpente avec gourmandise notre petit coin de Gascogne. Jean-Louis m’a fait cadeau d’un exemplaire, quelques jours après notre rencontre.
Il a bien fait.

D’abord, parce que je ne lis plus assez de romans, ces derniers temps. Ensuite, parce que c’est une excellente surprise, un bon bouquin, bien enlevé et monstrueusement drôle, qui n’a pas à rougir de ses hommages appuyés à San Antonio. C’est que je me marre bien, chaque matin, pendant mes 30 minutes de stepper, à suivre les aventures gasconnes de Fafouine Babouin. Je retrouve dans ce bouquin mes propres expériences de vie de localière au tréfonds du bled, les petits portraits délicieusement acides de ces si attachants Gascons, un même goût prononcé pour les mots, la bonne bouffe du terroir, le même amour inconditionnel de nos vertes collines qui ondulent langoureusement jusqu’au piémont pyrénéen, le même regard tendre et cru sur le microcosme armagnacais en particulier et l’humanité en général. Je me marre, donc, abondamment, savourant cette écriture qui coule comme un floc bien frais au fond du gosier à l’heure de l’apéro en plein été, oubliant ainsi, un temps, les conneries du monde qui nous enserre et mes muscles qui renaissent dans une longue crampe douloureuse.

Il y a, dans ce bouquin, beaucoup de notre petit coin de paradis, pas mal d’humour et quelques bribes de ce boulot de forçat de l’info que nous partageâmes, un temps. Du coup, j’ai eu envie de propager ici ces quelques particules de bonheur et de vous donner envie de tout lire, en attendant le nouvel opus, qui devrait sortir prochainement.

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22 Commentaires

  1. Un polar écolo-rigolo? Tu me tentes. Je vais de ce pas demander à mon pti libraire perso de le commander!

    Je viens d’en lire un excellent, mais pas rigolo du tout, carrément tragique même, de Fabrice Nicolino, "Le vent du boulet" chez Fayard. Pas écolo non plus, d’ailleurs, alors que son auteur est un militant quasi intégriste de l’écologie… finalement il est moins monomaniaque que je ne le croyais. [ http://fabrice-nicolino.com/index.p… ]

    Je regrette pas, je le conseille même, mais j’ai envie de légèreté, maintenant.

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  2. Jean-Louis Le Breton s’auto édite : pour commander, faut cliquer sur l’image! 😉

    Sinon, Gandiblog merde à fond ces derniers jours. Donc merci de prendre votre mal en patience.

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  3. Rien que le nom du personnage… ça fait un peu faune locale ! 😉

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  4. Rien que le nom du personnage… ça fait un peu faune locale ! 😉

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  5. brides ou bribes ?

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  6. Bribes… cela fait partie des mots avec lesquels je suis un peu fâchée. Sinon, je ne bosse pas pour mon ex-patron, ici, je partage une lecture qui m’a beaucoup plu et qui, de surcroît, offre une belle balade dans mon bled et aussi dans mon ex-métier. Autrement dit, la vie du bled, mais vu par quelqu’un d’autre que moi et avec des événements trépidants comme on n’en a pas souvent par ici 😉

    Donc, non, je fais ça volontairement et à l’œil. Pour mon bas de laine, faut quand même passer par le bouton de don. Cela dit, John, le don, ce n’est pas que de l’argent et de ce point de vue là, c’est moi qui te dois beaucoup 😉

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  7. brides ou bribes ?

    On se demande, en effet.
    Peut-être à cause du cheval sauvage un peu plus haut ?

    Autre chose : si on commande son livre en passant par ici, est-ce que ton ex-singe te ristourne un petit quelque chose, ou bien faut-il quand même passer par la case « Soutenir Le Monolecte, concrètement » ?

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  8. Puisqu’on est dans la promo mais en chansons : un américain anti-Bush qui habite en Aquitaine

    http://www.lawrencecollinsband.com

    Reprises de titres connus (dont du Peter Gabriel) et des titres originaux. Très bon à mon goût.

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  9. C’est un débat sur les petites voitures que prépareraient (sic) les constructeurs ( fabriquées en Bulgarie à vil prix comme les Velib à Delanoé )….ou sur l’auto -édition ( le reméde à la vile exploitation des auteurs par des posts- 68tards aux commandes des grosses boites d"éditions ).

    Priére de renseigner le pauvre Dhimmy ; les deux débats valant leur pesant de cacahuetes respectifs….

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  10. Tu n’es pas la seule, Agnès, à écrire "brides" pour "bribes", je repère assez souvent cette substitution. Dans une cinquantaine d’années (ils sont pas rapides), elle sera entérinée par l’académie, et le dictionnaire historique racontera son cheminement. Les exemples semblables sont nombreux de mots qui ont évolué à partir d’une confusion avec un mot de sens tout à fait différent mais phonétiquement voisin.

    C’est ça, une langue vivante.

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  11. @ Chris : Jean-Louis alimente, édite et distribue lui-même un petit gratuit dans le coin. Il a pas mal ramé avant que ça marche. Pas sûr que tout le monde ait les épaules nécessaires pour l’auto-édition. N’empêche que si je commets un bouquin, je verrais aussi si on peut bosser ensemble.

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  12. Bon ben j’opte pour le deuxieme débat pour sortir des platitudes.

    C’est exemplaire de pouvoir constater qu’un gars peut s’auto-éditer de cette façon avec une belle page, un prix bien placé eu égard aux tarifs de l’industrie du livre, une couverte et une promo qui vaut largement les trucs formatés des éditeurs actuels.

    On parle souvent des problémes, ben là pour une fois on a une solution et je vois pas grand monde applaudir ?

    Bref, je salue l’artiste pour ma part …

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  13. Je me doute qu’il a dû ramer grave et qu’il faille quelques compétences parfois difficile à rassembler pour une personne seule.

    Je pense de plus en plus à des trucs communautaires à ce niveau , d’ailleurs je viens d’avoir vent qu’une librairie ""équitable" a ouvert sur Paris, réservée aux exclus du systéme, volontaires ou pas.
    IL est difficile de vivre avec un seul bouquin au catalogue ( pour ma part, j’attend d’étre au troisiéme quatrieme – plus quelques camarades qui se joindraient – pour tenter un truc éditorial qui puisse faire front.

    Mais bon ; ça met le moral de voir des initiatives individuelles comme ça qui pousse ….c’est où déjà ! Ah en Gascogne !

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  14. Avoir un bon bouquin c’est la meilleure des choses au mon-on-on-de !

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  15. Excellente, la citation de Groucho! 😀

    A terminé la garbure agitée avec beaucoup de plaisir. À déguster sans modération avant de réserver un gîte rural pas loin de chez moi pour découvrir soi-même le background du bouquin. Suis passée à L’épée de Darwin de Dan Simmons pour consoler mes nuits sans sommeil : assez drôle, et pas du tout SF, plutôt branché Darwin Awards, pour les amateurs de la vivissection de la connerie humaine.

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  16. Outside of a dog, man’s best friend is a book.
    Inside of a dog, it’s too dark to read.

    Marx (Groucho)

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  17. Mouai ! C’est très mignon tout ça, bucolique à souhait que ça donne des envies de polluer….

    ET de rappeler que 50% des français ne lisent pas ou plus, ce qui démontre que dans un pays alphabétisé….c’est l’ennui profond d’une littérature vide de sens qui est en cause.

    Demandez à un gamin de banlieue s’il a envie de lire ces fadaises qui font 90% du polar publié de nos jours, écrit de la main même de leurs profs parfois ( c’est à la mode chez les profs bobos de faire dans le polar, c’est très chic ). Le polar régional par exemple repris par des éditeurs sans honte ni vergogne et écrit par des petites mains sans fautes de français , économie de correction ….meurtre à Petzouille les ulysses que ça titre alors que dans le bled, hein ! Des meurtres y en a autant que de mafieux russes !

    Bref du grand délire bisou nounours où l’on prend nos ados pour des benêts ( ceux des éditeurs peut-être, futurs clients du poudrage de nez ).

    Ben non en banlieue , y préfèrent aller à la boxe et ils ont bien raison, ce leur sera plus utile de toute façon….car leur vie a toute les chances de devenir un polar, un vrai.

    Voila coup de gueule du jour ….ça va faire du bien, ce blog s’endormait à coté du chien de Groucho.

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  18. Merci pour le conseil de lecture, je m’en empare (et je note aussi celui de Jardin, pour quand je pourrai lire un truc plombant 😉

    Par contre, ce Dan Simmons-là, c’est celui que j’ai le moins aimé (trop de descriptions technico-techniques à mon goût, sans doute, même si le fond est intéressant…). Suis revenue à ses fondamentaux, du coup, et je vais attaquer qon "Ilium" dès que j’aurai fini ce satané travail ingrat et abêtissant…

    Chris a raison, faut saluer l’initiative de l’auteur-éditeur, et continuer à chercher dans ce sens des solutions à notre portée mais qui touchent des publics. J’y pense de plus en plus aussi… mais je crois qu’effectivement, il faut avoir les épaules larges et pas mal de compétences maîtrisées. Même en bossant en coopération avec d’autres aux épaules tout aussi larges et aux compétences tout aussi réelles… A suivre en tout cas. Il y a bien des textes qui mériteraient d’être diffusés.

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  19. Chris n’a manifestement pas idée du temps que coûtent deux, voire trois, re-lectures attentives et les corrections orthographiques, grammaticales et typographiques qui en découlent.

    Réponse
  20. @John

    Si John …j’en ai idée !!! vu que j’ai commis l’exploit d’étre un des rares auteurs de polar auto-édité à étre reconnu par ses pairs des maisons d’édition dites prestigieuses tout en ayant fait paraitre un ouvrage pas corrigé et à la typo approximative.

    Tout ça fût corrigé par la suite, je suis édité aujourd’hui par une vraie éditrice mais à l’époque des chroniqueurs ont vraiment cru que j’avais fait exprès par défi de publier ainsi….par rebellion contre le savoir dominant qu’on a dit.

    Par la suite dans des salons, j’ai rencontré des premiers lecteurs, des profs de francais parfois, qui m"’ont dit ne pas avoir éte dérangé par la forme, le fond valant la peine….enfin les 15 euros on dira !

    Une putain de bonne histoire mal crépie comme dirait Agnés vaudra toujours mieux qu’un livre bien rédigé mais vide…

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  21. Lecture très agréable du Rififi dans la garbure, qui m’a sauvé la journée d’hier : quelques épaisses tranches de plaisante et appétissante lecture entre des tranches d’un boulot stupide et abêtissant. M’a sauvé la journée, la Fafouine Babouin ! J’attends la suite avec gourmandise 🙂

    Réponse

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