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Le voleur de couleur

Par Agnès Maillard
24 décembre 2005

Ballade en Gascogne gelée.

Hier, pour faire plaisir à ma naine, j’ai décidé de l’amener chez des amis à l’autre bout du Gers, amis dotés eux-mêmes de Gremlins dans la force de l’âge. En dehors du fait que l’éloignement et la flambée du cours de l’essence conjuguée à la contraction de mes moyens financiers ont drastiquement réduit le champ de mes pérégrinations et plus particulièrement les rencontres avec les amis, je me demande encore pourquoi j’ai choisi un jour pareil pour ma transhumance. Probablement un reste d’esprit de Noël qui chante les louanges de la convivialité et des retrouvailles entre potes.
Toujours est-il que je me retrouve sur la route le jour le plus court de l’année et probablement l’un des plus froids. Il est plutôt rare sous nos latitudes que le thermomètre s’acharne à passer une journée entière sous le zéro, particulièrement en décembre. Et comme une joie ne vient jamais seule, un brouillard dense refuse de céder la place au soleil que l’on devine parfois, entre deux écharpes de brume.

Me voilà partie pour 1h20 de voyage dans un blanc cotonneux.
C’est impressionnant. Il n’a pas neigé, mais tout est blanc, particulièrement les arbres, dont chaque branche a été découpée dans le givre. A cause du brouillard, il n’y a aucune profondeur de champ, juste les silhouettes gelées des arbres qui se détachent soudain de cette moiteur poisseuse, juste avant d’être ravalées par le néant.
Je roule au milieu de nulle part, j’ai parfois une forme de vertige nauséeux à force de scruter le néant blanc. C’est exactement ça, je navigue dans le néant. Je ne reconnaît aucun des coin où je passe. Au retour, je vais passer au pied du château de Lavardens sans même en soupçonner l’ombre. Parfois la visibilité se dégage sur une petite centaine de mètres, découvrant une portion de paysage de carte de vœux.

C’est à un de ces moments que ma fille de 3 ans m’interpelle :

– Maman, maman!
– Oui? Qu’est-ce qu’il y a?
– Elles sont où, les couleurs?

Et je souris. Parce qu’en ce jour un peu différent, j’ai eu le droit au premier mot d’enfant de ma fille, l’une de ces petites phrases naïves qui sont pour moi la quintessence de la poésie.

Vague de froid en Gascogne

Bonnes fêtes de fin d’année à tous.

3 Commentaires

  1. Bonne fêtes

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  2. Contre le vol des couleurs il te faut dash 3 qui ne délave pas les vêtements. On a les refférences culturelles qu’on peut.

    Réponse
  3. Ralala. Tu es pour moi la quintessence même de la poésie, spèce de naine gasconne… Love sur toi. 🙂

    Réponse

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