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Filmo culte

Par Agnès Maillard
1 juillet 2005

Je profite d’un billet de Bonbon Piment pour exhumer ma filmo culte du Wiki CineFil que j’avais lancé, il y a longtemps, au Village…

Blade Runner, Ridley Scott, 1982

Totalement incontournable, mais seulement dans la première version, celle avec la voix off qui renvoyait à l’univers du polar des années 50 et que Scott a renié depuis… le fourbe!

Le mari de la coiffeuse, Patrice Leconte, 1990

Un pur état de grâce! Un film en apesanteur! Un Jean Rochefort lumineux et aérien. Le mari de la coiffeuse, c’est tout cela et plus encore.
Un enfant devenu homme n’a qu’un seul et unique but dans la vie : devenir le mari d’une coiffeuse. Quand celle-ci se présente à lui sous les traits de la magnifique Anna Galiéna, la réalité transcende le rêve et Antoine, sorte de fétichiste magnifique, vit un amour absolu entre les flacons de shampoing, les éclats de vie qui font irruption dans la quiétude du salon de coiffure avec les clients et ses cheveux, perpétuellement ras car ne repoussant pas au rythme de ses envies. Un sujet étrange, traité avec tendresse par un Patrice Leconte bien inspiré.
Des scènes splendides, comme les danses "persanes" de Jean Rochefort ou le récit doux-amer des maillots de bains de laine tricotés avec trop d’amour par une mère à tendance castratrice. De vrais instants de bonheur pour un film qui mérite d’entrer dans toute bonne DVDthèque.

Cible émouvante, Pierre Salvadori, 1993

Le premier film de Salvadori n’a pas déplacé les foules, et pourtant, ce petit récit loufoque et sans prétention réunissait le trio improbable Marie Trintignant-Jean Rochefort-Guillaume Depardieu. Les 15 premières minutes mériteraient à elles-seules d’entrer au panthéon du cinéma. On y découvre la vie de Victor Ménard (Jean Rochefort, forcément impavide et magnifique), simple Professional Killer, traversant la vie en l’ôtant, muré dans sa solitude, entreprenant d’apprendre l’anglais sur cassette Assimil , dézinguant avec flegme et légèreté. Jusqu’au moment où il est surpris en plein "travail" par un jeune coursier un peu paumé, jeune chiot en quête d’une épaule paternelle, le désarmant Guillaume Depardieu. Ressentant la nécessité de passer le relai, de devenir mentor, Le tueur propose une formation complète de tueur au jeune homme : "la carte orange 2 zone vous sera fournie". C’est alors qu’un nouveau contrat tombe : l’élimination d’une belle voleuse…
Jouissif! c’est ainsi que l’on peut décrire ce petit condensé d’humour noir décalé et absurde. Des scènes d’anthologie (le braquage du perroquet!) relèvent le jeu désopilant des trois comédiens sans toutefois faire totalement passer une fin un peu moins alerte, un certain embourbement de l’intrigue et des personnages.

Un thé au Sahara, Bernado Bertolucci, 1990

 Le désert, c'est Dieu sans les hommes 

Balzac

En 1947, Un couple de riche américains oisifs débarquent à Tanger dans l’optique de voyager au cœur du Sahara. Ce film a plutôt été le flop de Bertolucci. Il faut dire qu’à sa sortie, il a été vendu comme une histoire de couple sulfureuse, tournée par le cinéaste érotomane. Mal ciblé, ce film n’a logiquement pas trouvé son public. Comme le livre homonyme de Paul Bowles dont le film est tiré, il s’agit bien du récit d’un voyage, celui d’un couple, certes, mais surtout celui d’un femme, magistralement interprétée par Debra Winger (La main droite du diable, Costa-Gavras, à redécouvrir aussi urgemment!), voyage au fin fond d’un pays aux paysages somptueux, mais aussi voyage au bout de soi-même, jusqu’à la libération dans l’oubli, par l’oubli murmuré par la danse perpétuelle des dunes.

Ghost in the shell, Mamuro Oshii, 1995

Si, pour vous, dessin animé rime avec Disney et qu’un manga est forcément une japoniaiserie, ne passez surtout pas votre chemin.
Dans ma vie de cinéphage, il y a eu un avant et un après Ghost in the shell. Avant, il y avait Goldorak au club Dorothée, ensuite, un véritable cinéma adulte et intelligent qui utilise l’animation comme forme élevée d’expression cinématographique. De mon point de vue, Ghost in the shell est au cinéma d’animation pour adulte ce que 2001 est au cinéma de science-fiction : une révolution.
On retrouve dans ce petit chef d’œuvre de 1h22 les grandes interrogations de la science-fiction et de la métaphysique réunies : qu’est-ce que l’être humain, où commence et où finit la notion même d’humanité. Dans un Japon futuriste et hyper-technologique, une certaine élite a accès à la possibilité de transférer son "moi" dans des corps cybernétiques ultra-performants. De la volonté de l’amélioration des performance à la désincarnation de l’être, Oshii pose la sempiternelle question du rapport de l’être et de la chair, des frontières intangibles de l’humain et de la caricature, de l’esprit et de l’incarnation, le tout sur la musique sublime et aérienne de Kenji Kawai. Attention, chef d’œuvre du genre!

La bête de guerre, Kevin Reynolds, 1988

Un film rare et peu connu qui traite d’un sujet peu abordé au cinéma : la guerre Russo-Afghane.
1981, un char russe perd sa colonne dans le désert Afghan et se retrouve seul en territoire ennemi, harcelé par les femmes des moudjahidin qui ont été "martyrisés" dans un petit village des montagnes. La scène d’ouverture du film est précisément marquante en ce qu’elle montre comment un char russe peut "martyriser" quelqu’un. La bête de guerre, c’est évidemment le char, ce monstre de métal qui, au fur et à mesure de sa progression dans un désert minéral, perd ses fluides, sa force. C’est aussi le commandant du char, militaire borné et pratiquement aussi fanatique que ceux qui le poursuivent. La bête, c’est également cet engrenage de mort et de destruction qui part crescendo sous nos yeux horrifiés et qui entraîne tout le monde dans sa spirale infernale : soldats russes, combattants afghans et les femmes, figures récurrentes de la vengeance sauvage.
Nous sommes accompagnés dans cette plongée dans l’horreur par le regard distancié d’un jeune russe intellectuel et critique interprété par un Jason Patric dans un de ses meilleurs rôles (le pôvre!) et dont le personnage n’est pas sans rappeler celui de Matthew Modine dans Full Metal Jacket de Kubrick (bon, là, on ne joue pas dans la même catégorie!), sorti un an plus tôt. Un film qui ouvre une vraie réflexion sur la guerre et la fraternité, et dans lequel vous allez découvrir ce que veut dire "Nanawaté" (d’après le titre de la pièce de William Mastrosimone), "Tank Kaboum" (une petite idée, peut-être?) et la vengeance est un plat qui se mange froid.
A voir aussi pour la beauté des paysages et pour éclairer sur l’âme afghane et le bourbier dans lequel se sont collés les américains.

Dumb and dumber, Peter Farelli, 1994

Ce qu’il y a de jouissif avec l’humour gras et potache, c’est qu’il n’a pas de fond. Les Frères Farelli (Mary à tout prix!) en sont le vibrant exemple. Alors au début de sa carrière, Jim Carrey accomplit un tour de force en plongeant aux tréfonds de la bêtise humaine avec l’innénarable Jeff Daniels. Voici un film culte, truffé de gags très, très lourds qui sont des insultes au bon goût et des merveilles de rire sans complexe. Car plus le gag est pipi-caca-potpot, plus les frères Farelli forcent le trait, se vautrant dans le moche, le gras et le grotesque sans vergogne, jusqu’à une indigestion que les amateurs du genre n’atteindront jamais.

 Dans le désordre : 
  • Ce qui arrive quand on lèche une barre de métal gelée
  • Ce qui arrive quand on a avalé une dose de cheval de laxatif et que l’on se retrouve dans des toilettes en panne, avec une créature de rêve de l’autre côté de la porte
  • Ce qui arrive à la perruche d’un aveugle

Si vous êtes un fan de l’humour des Nuls, des American Pie, des Scary Movies, ce retour aux sources s’impose urgemment!

Les frères Coen, pour leur oeuvre

Avec les frères Coen, c’est comme pour le cochon, dans leur filmo, tout est bon! The Big Lebowski est un inclassable, comme souvent avec eux. Jeff Bridges y est parfait de glandouillerie, sorte de justicier improbable en robe de chambre crade et bagnole craignos, il sirote tranquillement son White Russian (une dose de vodha, une dose de liqueur de café, on complète avec du lait : divin) en tirant sur son joint. La galerie de personnages est savoureuse, comme toujours dans le cinéma des frères Coen, avec John Goodman en taré de la gâchette, bon beauf’ de l’Amérique profonde et surtout John Turturro, en hidalgo de la grosse boule, dans une scène de bowling d’anthologie! Que du bon, du très bon, mais il reste pleins de films dont il faudrait aussi parler : Fargo, Le Grand Saut, O’Brother, ou le déjanté Arizona Junior. Tant de bonnes choses, ce ne peut qu’être du génie!

Et puis aussi, Ozu, Miyazaki, Terry Gilliam et tous ceux que j’oublie…

9 Commentaires

  1. Une version de blade runner avec des commentaires?? T’as trouvé ça où? C’est quoi les références?
    Sinon, vive le big lebowski hin hin hin « tu vois ce qui se passe quand on nique les gens jusqu’au trognon?? »

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  2. La version de Blade Runner avec la voix off, c’est uniquement en VHS, édition d’orgine, bien dégradée à l’heure actuelle. On l’a en VF et ce n’est plus regardable (surtout depuis qu’on a lourdé le scope). On ne désespère pas totalement que Scott condescende à une resortie de la version d’origine, mais probablement en Blu-ray. The Big Lebowski est vraiment très spécial, comme le gros de la filmo Coen : le comble de l’anti-héro. J’aime tout ce qui égratigne le mythe du héro parfait et propre sur lui. Là, le Duke et ses potes sont trop excellents. Mais j’aime aussi les autres, comme Le Grand Saut, pour sa poésie douce-amère ou O’Brother, encore des loosers ou Arizona Junior, là, c’est simple, ils sont tous déjantés!

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  3. Ouais, moi j’adore les frères Cohen ! The Big Lebowski, big moment de ciné jouissif !!!

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  4. Mais pour Blade Runner, la voix off, OK, jusqu’à la scène sur le toit, là où l’androïde meurt et ou cette conne de voix off détruit toute la magie du moment en expliquant ce qu’on avait déjà compris….

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  5. Moi, ça ne m’a jamais choquée.

    • Sushi, poisson froid, c’est ainsi que l’appelait mon ex-femme
    • Plus humain que l’humain, telle est notre devise
    • J’ai vu tant de choses que vous autres, humains, ne pouvaient pas voir
    • Dommage qu’elle doive mourir, mais c’est notre lot à tous
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  6. D’accord Agnès !

    Je suppose qu’une recherche sur Internet m’en dirait plus mais il me semble qu’il y a eu deux versions de Blade Runner avec voix-off. L’une en salle diffusée en télé, l’autre diffusée sur support pré-enregistré dite « final cut » avec un happy end que j’avais jugé trop exclamatif. Moi je n’ai vu en salle, que la version de Blade Runner VO avec voix off, puis je l’ai enregistrée sur VHS depuis je ne sais quelle télé (la BBC ?) et sûrement rangée précieusement mais je ne sais où…

    Bien sûr, Nathalie, cette voix-off, surtout dans la scène du toit, fait penser aux textes en encadré dans les BD belges des années 50 (Hergé, Jacobs etc…) où par exemple on voit le méchant sortir de sa cachette et un encadré expliquant « Soudain, le méchant sortit de sa cachette ». Mais pour moi, cette voix installe le personnage dans un fonctionnement mental atypique, comme si il lui manquait quelque chose… comme si il était lui aussi un « réplicant » qui s’ignore . Condition dans l’histoire pour pouvoir être laissé en liberté sur terre.

    A l’ignorance de sa condition que l’on cultive chez lui , il doit sa « faiblesse » relative par rapport aux androïdes destinés à l’espace. D’où aussi le binôme qu’il semble bizarrement constituer avec l’autre chasseur de réplicant qui boîte et dont l’unique fonction semble être de le surveiller lui, de s’assurer qu’il ne fera pas corps avec les siens. Surnommé « poisson froid » , il a effectivement une absence d’émotion machinique. Il interagit dans un rapport privilégié aux machines -la scène du scanneur-photo. Le maître concepteur Tyrell, le reconnaît alors que Dekkard n’a pas de souvenirs de l’avoir vu. Dekkard accumule aussi des photos-souvenirs vraies et fausses comme les autres androîdes mais pas sur lui, sur sur son piano. Et il semble bien qu’il n’aie jamais fait le test oculaire prouvant qu’il n’était pas un androïde à sa réaction à la question de la demoiselle-androîde-qui-s’ignore… etc…

    Le plus beau de tout cela c’est que cela se termine sans qu’on aie de réponses dans le montage original. Dekkard est peut-être humain, peut-être pas. Il n’en sait rien, nous non plus… On voit bien que cette « grosse machine » a été tournée à une autre époque. Et pour moi c’est la voix off qui installe cette question, ce doute chez nous… Cela dit si vous en avez l’occasion, regardez un jour la version originale destinée aux salles, avec en tête cette hypothèse que le perso principal est un réplicant, vous verrez, dans les premières version voix-off, cela tient la route… Dans la nouvelle dont Agnès parle, je n’en sais rien… peut-être que les scènes ajoutées tranchent pour une version plus banale du bon-contre-méchants. Et puis en version française je ne sais pas non-plus…

    Pour tout dire, quand j’apprends ce que tu dis Agnès sur ces versions massacrées, je me dis qu’à numériser et conserver les originaux, on ferait plus oeuvre de bienfaiteurs de l’humanité que de pirates… Enfin, je ne suis pas équipé en matériel mais cela devient possible pour un particulier. Un peu comme le projet Gutenberg de numérisation des livres…

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  7. Une bien belle analyse!
    Nous avons la version française VHS du film sorti en salle avec le plan de Shinning à la fin. Le projet qui traîne dans les tiroirs, c’est une éditions DVD triple avec la version d’origine que nous avons (mais ne pouvons plus voir), la director’s cut et la final cut

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  8. The Big Lebowski

    Réalisé par Joel Coen (1998). Avec Jeff Bridges, John Goodman, Steve Buscemi Evidemment tout le monde connaît ce film des frères Coen. Que ceux qui ne l’ont pas vu lèvent le doigt ! L’histoire : Jeff Lebowski, prenommé le Dude…

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  9. Bonjour 🙂

    Ravi de voir l’appréciation sur Debra Winger. Elle a aussi joué dans Black Widow (La Veuve noire) de Bob Rafelson. La photo de ce film est à couper le souffle.

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