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Faut-il renoncer à l’emploi?

Par Agnès Maillard
17 avril 2005

Voici une question un brin provocatrice, mais au combien d’actualité : peut-on raisonnablement demander à des pans entiers de la population de s’installer dans le statut de chômeur à vie?

Le chômage reste à de très hauts niveaux et tout incident de carrière semble aujourd’hui rédhibitoire.

Trop femme, trop jeune, trop vieille, trop diplômée, pas assez qualifiée, trop mère… le langage du recrutement est de plus en plus un langage de l’exclusion et/ou de l’irrationnel. Devant la profusion de candidats qualifiés, compétents et très motivés, la loi du mouton à cinq pattes fonctionne à plein régime.

Alors, doit-on, tel un Sisyphe des temps modernes, frapper inlassablement à la porte des entreprises pour en être rejeté jour après jour?

Après 2 ans de recherches très actives et très infructueuses, je me pose la question. Lors du dernier recrutement en date, je n’ai même pas été contactée alors que j’avais très précisément le profil demandé, profil qui, je vous l’assure, ne court pas les rues.

Je me demande donc logiquement si je dois continuer à perdre mon temps et mon énergie dans des démarches stériles.
Le chômage de masse, c’est bien pour contrôler la masse salariale, mais il arrive un moment où, comme dans d’autres pays avant nous, l’économie informelle prend le relai. Le chômage ne peut être un statut permanent comme il tend à le devenir de plus en plus. Dans beaucoup de pays dits "en voie de développement", à côté d’une économie officielle verrouillée et très excluante, s’est installée une économie informelle très dynamique. Être légaliste, c’est bien, mais il arrive un moment où se pose en termes très crus la question de la survie!

C’est à se demander si toute cette incurie économique n’a pas pour objectif de déréguler totalement les relations dans le monde du travail. Effectivement, sans la protection du droit, l’exploitation de celui qui doit vendre sa force de travail et ses compétences n’a plus de limites.

"Entre le fort et le faible
entre le riche et le pauvre
entre le maître et le serviteur
c’est la liberté qui opprime
et la loi qui affranchit."

Lacordaire


L’économie informelle est un pis-aller.
Quelques lectures pour en savoir plus :
Selon l’OIT
Un Fléau envahissant
De l’informalité à l’illégalité
L’économie informelle, une soupape de sécurité?

15 Commentaires

  1. Transformer les chômeurs en « maximisateurs de profit » (je ne sais plus qui a usé de cette formule, un humaniste sans doute) afin de dissuader les salariés actifs de trop la ramener : je crains que tu n’aies raison…

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  2. Oui, ben ça en prend bien le chemin, hein ! On croyait révolus ces temps pas si lointains de l’exploitation bourgeoise du prolétariat, et paf ! voila le grand retour du 19ème à la Zola…

    Réponse
  3.   " TOO MUCH"  ?

    Et si vous étiez « trop » ? il me vient à l’esprit que – (peut-être) vous effarouchez l’employeur potentiel – qui craint – comme le Roi de se retrouver nu devant trop de bon sens.. La plume est alerte, et la langue déliée. Avez vous essayé (plate- forme) quelques piges dans des journaux féminins, ou sur 23O pages, trois méritent d’être lues ?

    Réponse
  4. Très bonne question. Je n’y répondrais pas pour toi : c’est à toi de voir, si tu continues à passer du temps à nous cuisiner cet exceptionnel lieu de rencontre et de réflexon qu’est ce Monolecte, ou si tu décides de le vendre au rabais, ce temps, à un boss qui pourra de toutes façons te remplacer (à perte, certes, mais c’est son problème) quand il en aura envie.

    C’est vrai que c’est assez curieux que tu n’aies même pas été contactée pour l’offre d’emploi que tu cites. Ça me fait furieusement penser à ces fausses annonces qui paraissent par obligation légale, alors que le poste est déjà pourvu.

    Je suis salarié depuis 3 ans, après plusieurs années de Assedic / Rmi, et nostalgique de ce statut béni, sans argent mais avec une qualité de vie inégalable, car maître de mon temps… et je songe sérieusement y revenir ! (j’évacue soigneusement la question de la moralité de ce système où je vivais sans travail « productif » aux crochets de tous ceux qui travaillent trop… parce que je n’ai pas la réponse !)

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  5. « L’immoralité » de la situation décrite par Ysengrin n’est pas une immoralité personnelle, individuelle. Ca, c’est ce qu’on veut nous faire croire. Si immoralité il y a, elle provient des dirigeants des grands groupes, ces truands en cols blancs, cousins de maffieux, défendus par les politicards de tous bords, qui offrent des dividendes jamais vues à des rentiers boursicoteurs et dans le même mouvement vident des charters entiers de salariés ! C’est aussi ces individus qui se prétendent « entrepreneurs » qui tuent le salarié ici pour exploiter à mort des salariés de pays pauvres !

    Si quelqu’un trouve leurs « oeuvres » morales, qu’il lève le doigt et vienne me le sussurer à l’oreille !...

    Réponse
  6. Il y a des chômeurs heureux : j’en ai rencontré ! J’ai rencontré des gars qui étaient presque gênés de dire qu’ils étaient au chômage, non pas parce qu’ils étaient chômeurs, mais parce qu’ils étaient heureux de l’être. J’ai rencontré un « précaire » qui travaille un mois, et vit avec le produit de son travail pendant 7 mois. Et qui refuse le RMI alors qu’il y a droit ! J’ai rencontré un « vagabond » qui marche depuis 5 ans et vit sans « travail » et sans argent.

    De mon côté, je ne peux rien dire puisque je suis en CDI depuis des années, travaillant au 4/5 (situation choisie), et heureux comme un pape.

    Mais il me semble qu’il faut mettre de la nuance : privé de travail n’implique pas dévalorisation sociale n’implique pas frustration à moins consommer n’implique pas malheur personnel n’implique pas isolement et solitude malheureuse.

    J’ai des amis qui vivent dans des squats, des ateliers aménagés sans être déclarés comme habitation, des éco-lieus sauvages sans permis de construire.

    vive l’illégalité quand ce pays part en vrac, que sa structure économique, politique, législative et policière est incapable de subvenir au bonheur de tous !

    Réponse
  7. A propos de la loi du mouton à cinq papattes (dont trois à gauche exigées), je viens de voir une annonce qui surpasse tout ce que j’ai pu voir depuis quelques mois de recherche d’emploi. Etant jeune diplômé, j’en vois déjà des vertes et des pas mûres (« recherche jeune diplômé, bla-bla, au moins 2 ans d’expérience sur telle techno »), mais là, ça dépasse tout. J’avais déjà vu qu’il y avait une surenchère des diplômes, du style « vous êtes diplômé d’école d’ingénieurs plus un troisième cycle en management du crédit bancaire norme X2005AZW.12 », mais là j’ai vu une annonce où c’est l’inverse. La boite veut un ingénieur en électronique ayant obtenu auparavant un bts ou dut. Pour ceux à qui ça ne parle pas, la probabilité que quelqu’un sortant d’école d’ingé après un bts est infime (c’est possible, mais c’est un recrutement ultra-minoritaire), en plus il faut que ce soit dans la branche électronique (et je parle pas de la dizaine de technos à maîtriser). C’est donc dire si les entreprises peuvent se permettre de sélectionner sur tout et n’importe quoi. Bientôt ce sera « prénoms commençant par N uniquement ». Pour plus de précisions, ça m’a franchement débecté de voir ce genre d’annonce car n’importe quel ingé diplomé est équivalent à un autre diplomé, bts ou pas. Et encore si je prends le cas de ma promo, les 2 personnes issus de bts-prépa ats avaient la particularité d’avoir un égo surdimensionné du fait qu’ils étaient des « battants qui avaient du mérite d’être là » (sous-entendu la sup et la spé c’est des vacances) et d’accaparer les deux dernières places du classement. D’ailleurs ils font partie des rares personnes qui ont failli ne pas avoir leur diplôme. D’où mon scepticisme quant au bien-fondé des critères si stricts de l’annonce…

    Réponse
  8. Salut Bêêêêêh !
    Ne te frappe pas comme ça! Ca veut juste dire que la place est déjà prise, avant même la publication de l’annonce. On prend le profil de l’heureux élu et on le met comme annonce et hop! T’es sûr que tu vas bien recruter le gars que tu es sensé chercher et personne ne pourra parler de discrimination machin-truc!

    Réponse
  9. Je trouve le post d’Agnès Maillard tout à fait intéressant. Il devient en effet de facto absurde de vouloir s’entêter à s’installer dans une situation de chômeur perpétuel. Car c’est tout simplemet renoncer à son existence et à sa dignité, et c’est en plus cautionner un système pour lequel l’exclusion est devenue un mode de gestion par la peur (gestion des salaires, gestion des hommes, gestion de l’économie). Or, ce mode de gestion par l’exclusion est exclusivement fondé sur un verrouillage de l’économique par une minorité. Les dispositions légales en France notamment sont au service de cette idéologie de l’exclusion : un travail cher – non pas en salaires mais en charges, une bureaucratie envahissante renforcent ce phénomène d’exclusion. Très logiquement, et en toute rationnalité, je suis de plus en plus convaincu que l’issue se trouve forcément en dehors du système : travail au noir, activités non déclarées … Par ailleurs, je pense que l’économie informelle est suceptible de répondre à des besoins de notre société qui sont volontairement laissés en friche par le système car plus difficiles à contrôler. Cordialement, Olivier10

    
    Réponse				
  10. Salut, Olivier.

    Oui, la tentation est grande de s’affranchir de règles qui ne semblent rien nous apporter. Mais comme je le dis en fin de post, le black n’est qu’un pis-aller. Sans règles et sans lois, tu te soumets de fait totalement à la bonne volonté de celui avec lequel tu travailles, tu abandonnes tout recours. Je ne pense pas que ce soit mieux. Par contre, je pense que tout est fait pour nous pousser à ce genre d’extrémités.
    Pour ma part, j’ai créé ma propre activité et je suis les régles au millimètre.

    Réponse
  11. … dont on attend desesperement le premier post, apres bientot 2 mois : tu trouves des clients ? La chose est rentable ? Stressante ? Inquiétante poru l’avenir ? La paperasserie est immonde ? Quid des taxes ?

    Réponse
  12. En bref : le plus dur, c’est trouver des clients. J’ai commandé une liste des entreprises à 20 km à la ronde, il faut que je pense bien la manière de les contacter, l’argumentaire, sachant que je ne peux pas cibler par secteur, vu que tous les secteurs peuvent être concernés et quelque soit la taille de l’entreprise. Mais l’aspect marketing est vraiment le plus dur pour moi.
    Côté paperasse, je m’en sors bien. J’ai eu l’ACCRE et j’ai eu raison contre les services fiscaux pour l’exo fiscale pour ZRR -> 5 ans sans IR!!! La compta… j’ai des amis qui m’aident, et je n’ai pas encore beaucoup d’écritures.
    Bientôt un post, mais pas tout de suite!

    Réponse
  13. Je ne crois pas que l’économie informelle soit forcément synonyme d’esclavage. Car se soustraire aux lois officielles ne signifie pas se soustraire aux lois informelles. Il s’agit en fait de ce que l’on pourrait appeler un changement de référentiel. Puisque le système officiel a pour principal objectif d’exclure de plus en plus de gens, il devient plus que légitime de le contourner. Par exemple : – Acheter sur eBay des produits d’occasion à des particuliers est une façon de se soustraire au système officiel. Cela ne signifie pas pour autant qu’il n’existe aucune règle dans cet écosystème. Les vendeurs ou acheteurs malhonnêtes sont vite exclus et d’autant plus efficacement que chacun accède à l’information et peut faire connaître les problèmes qu’il a eus avec un tel ou un tel – Acheter des produits ou services à l’étranger par internet en ne payant pas les taxes d’importation est une autre façon de se soustraire au système officiel. A partir du moment ou ce dernier ne profite plus qu’à une minorité, je ne vois pas de raisons de s’en priver – Concernant l’activité professionnelle, je ne vois pas non plus l’intérêt de continuer à payer des charges sociales sur des périodes de travail de plus en plus courtes.

    On pourrait multiplier les exemples (jardins solidaires, SEL) qui permettent à des individus de retrouver leur place dans la société et de contourner les règles officielles.

    A+ Olivier –

    Réponse
  14. Il faut avoir le courage de reconnaitre que ce chômage de masse est le fruit d’un processus aussi logique et prévisible qu’inéluctable.

    Auparavant, on produisait pas assez pour tout le monde. Aujourd'hui, on "surproduit" (on en arrive à jeter la nourriture et réduire le nombre de paysans et d'ouvriers...or, leur fonction principale est la production). De plus, les emplois restants de production vont vers les pays emmergents comme la Chine... et ça ne va pas s'arrêter, il faut enfin oser le dire!
    Bref, ce "statut" de chômeur doit être reconnu... car il n'est plus juste un temps "de passage" pour certains.
    Celà pose un problème de société.
    Réponse
  15. On ne sait toujours pas si l’on doit renoncer à l’emploi, mais l’Expansion dans ce papier très clair et très explicite fait une croix sur le salariat. Ce qui renvoie finalement à mon billet sur les petites entreprises de la crise.
    A lire absolument pour comprendre de quoi je ne cesse de parler ici

    Réponse

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