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Connais-toi toi-même

Par Agnès Maillard
21 janvier 2005

A partir du moment où la décision d’arrêter de fumer est prise, il y a une étape à ne pas rater avant le sevrage, celle de la prise de conscience de son profil de fumeur, de son degré de dépendance. Savoir comment l’on fume, ce qui déclenche le réflexe de la cigarette est fondamental pour pouvoir, par la suite, surmonter le manque et l’envie d’en griller une, juste une, une toute petite…

Ca y est, vous vous êtes trouvé au moins une bonne raison d’arrêter de fumer et vous vous demandez avec angoisse comment vous allez vous y prendre.
L’industrie du sevrage tabagique se porte presque aussi bien que celle du tabac : patchs, gommes à mâcher, hypnose, acupuncture, tabacologue, thérapie de groupe, que sais-je… Il y en a pour tous les goûts et pour presque toutes les bourses. Mais avant de se jeter tête baissée vers une béquille chimique ou psychique, peut-être vaut-il mieux prendre le temps d’analyser son comportement de fumeur, ses habitudes, afin d’être bien préparé au sevrage.

Toutes les cigarettes ne se ressemblent pas.

Depuis combien de temps fumez-vous? Plus l’ancrage est ancien, plus la dépendance à la nicotine est installée, mais surtout, plus la cigarette rythme votre journée.
Combien fumez-vous de cigarettes par jour? C’est une bonne question. Si vous tournez à 4-5 clopes par jour, vous êtes un petit fumeur, à 60, il va falloir faire un vrai travail sur vous. Mais dans les deux cas, ne vous épargnez pas l’étape qui consiste à réfléchir à ce que vous apporte chaque cigarette que vous fumez dans la journée. Il ne faut pas le nier, fumer apporte du plaisir, du réconfort. Mais toutes les cigarettes ne sont pas « bonnes » pour autant. Certaines sont indispensables, ce sont celles qui vous rechargent en nicotine, d’autres sont vraiment agréables, nombreuses sont celles qui ne vous apportent rien mais se retrouvent allumées dans votre bec sans que vous en ayez eu conscience. C’est en prenant conscience justement de votre manière de consommer, de la valeur de chaque cigarette, que vous allez pourvoir mettre en place vos stratégies d’arrêt et d’évitement et commencer déjà à réduire drastiquement votre consommation.

  • La première : c’est presque votre bouffée d’oxygène, la première de la journée, celle qui répond au besoin pressant de vous recharger en nicotine. Prise au lit ou au saut du lit, à jeun, elle est le signe d’une forte dépendance. C’est donc avec elle que vous allez commencer tranquillement votre bras de fer avec le tabac en reculant progressivement le moment de la première prise de nicotine. L’idéal, c’est de la placer après un vrai petit déjeuner que vous allez vous astreindre à mettre en place dans votre emploi du temps[1]
  • Les bonnes : quelques clopes sont vraiment bonnes, vous apportent un véritable bien-être, une réelle satisfaction. Ce sont souvent celles qui suivent les repas. Il y a aussi celles qui accompagnent le café des pauses et parfois, celles qui vont avec la prise d’alcool. Vous le savez, l’alcool et le café appellent la clope aussi sûrement que l’appeau, le lapin de garenne. Ces clopes, que vous appréciez réellement, il vous faut les identifier et recentrer votre consommation dessus en éliminant consciencieusement toutes les autres, y compris celle du matin, dont vous allez tranquillement mais sûrement retarder de plus en plus l’heure de la prise, jusqu’à disparition totale. Au moment de commencer le sevrage proprement dit, vous devez en gros ne plus fumer que 3 à 6 clopes par jour.
  • Les doublons : elles suivent en général de très près les bonnes clopes. Réflexe, désir de prolonger la satisfaction de la clope précédente, meubler le temps de repos qui se prolonge au-delà de la clope d’avant… Ces cigarettes n’apportent pas grand chose, pas de satisfaction supplémentaire, et vous êtes déjà chargés en nicotine. Employez-vous donc à les éliminer. cela vous permettra de presque diviser votre consommation par deux sans réel inconfort.
  • Les comportementales : Ce sont celles, assez nombreuses, qui sont moins liées à la dépendance tabagique qu’à une nécessité de posture, le besoin de se donner une contenance. La clope fait tellement partie de votre vie, de votre quotidien, qu’elle vous dicte votre gestuelle. Lors d’une conversation un peu prolongée, vous éprouvez souvent le besoin de vous occuper les mains. Tirer votre paquet du sac ou de la poche, en extraire une cigarette, la tapoter, la ritualiser, chercher le briquet, allumer, pomper voluptueusement, tout cet enchaînement de gestes décrit votre aura « naturelle », votre manière d’occuper l’espace social. Vous discutez, vous fumez. Vous sortez dehors, vous allumez une clope. Un apéro? Une guirlande de mégots. Le pire, c’est quand vous ne faites rien. Vous attendez un bus : vous fumez. Vous regardez les autres danser en boîte? vous fumez. Vous regardez la télé? Vous fumez. Vous êtes coincé dans un embouteillage? Vous enfumez l’habitacle comme si vous vouliez en faire sortir un renard.
    Ce sont des cigarettes qui sont liées à la dépendance comportementale et elles sont très difficiles à arrêter. Il va vous falloir vous faire violence et trouver des parades gestuelles : tenir un stylo, des lunettes, apprendre à rester les bras ballants sans paniquer. Quand le sevrage nicotinique est réussi, longtemps après, les cigarettes de postures se rappellent à votre bon souvenir, car c’est un réflexe inscrit dans vos gestes quotidiens.
  • Les situationnistes : Le réflexe de fumer dépend des circonstances. Ces cigarettes ne sont pas régulières dans votre consommation courantes. Elles sont liées au évènements. Elles vous donnent l’illusion de vous calmer, de vous réconforter. Les soirées entre amis sont riches en clopes situationnistes. Tout le monde fume, tout le monde boit, on se fait parfois un peu chier, d’autres fois, on s’emballe. On gère l’état émotionnel à coup de clopes.
    Votre boss vient de vous passer un savon, votre mère vous a tenu la jambe une heure au téléphone, vous allez vous présenter dans quelques minutes à un examen, un entretien d’embauche : vous tirez sur votre clou de cercueil comme si votre vie en dépendait. Stress, fatigue, coup de blues, tout changement est prétexte à une clope… pour calmer. La clope ne vous calme en rien. Elle ne vous aide pas à répondre aux situations imprévues auxquelles vous êtes confronté chaque jour. Elle ne résout aucun problème. Elle vous donne l’illusion de contrôler les évènements, de vous distancer du quotidien. Ces clopes sont très difficiles à chasser de votre comportement de fumeur, parce qu’elles n’entrent pas dans une routine bien identifiée. Vous devez en fait apprendre à éviter autant que possible les situations qui vous poussent à fumer. Mais le plus difficile, c’est d’apprendre à mobiliser vos ressources internes de défense face aux stresses normaux du quotidien.
    Cela revient à réfléchir à votre manière d’envisager votre mode de vie, votre rapport aux autres et à vous-même. Vous devez parvenir à retrouver votre confiance en vous, en votre aptitude à surmonter les difficultés et les contrariétés. Vous devez apprendre à faire face aux frustrations de la vie sans la béquille des cigarettes. C’est pour cela, parce que vous devez développer votre autonomie que je ne recommande pas les patchs et autres substituts nicotiniques.

La dépendance à la nicotine, n’est qu’une des composantes de la dépendance tabagique. Attaquer le sevrage sans avoir pris conscience de tout ce qui motive votre consommation me parait illusoire. Penser votre consommation, contextualiser chaque cigarette vous permet de mettre en place une stratégie d’arrêt adaptée à vos besoins. Cette phase de réflexion vous permet d’éliminer une grande partie de votre consommation quotidienne en augmentant progressivement l’intervalle de temps entre deux cigarettes, en évitant les situations les plus propices à une surconsommation, en identifiant et en resserrant votre usage aux cigarettes les plus « incontournables ».

Une fois que vous avez fait ce véritable travail sur vous, vous êtes enfin prêt pour le sevrage définitif!

Notes

[1] On vous l’a assez dit, le petit déjeuner est le repas le plus important de la journée, mais voilà, vous n’avez pas le temps. Il va donc falloir le trouver, quitte à dormir 15 minutes de moins le matin. Thé ou chocolat (on reparlera du café plus tard), jus de fruit, tartine. Avec un micro-onde, c’est l’affaire de 2-3 minutes à préparer et 10-15 minutes à déguster. Vous perdez bien plus de temps chaque jour avec vos mégots! La mise en place du petit déjeuner est très importante pour le sevrage, il va vous permettre aussi de vous inscrire dans une meilleure hygiène de vie et de limiter la prise de poids.

10 Commentaires

  1. Un matin au petit déjeuner, alors que je rallumais un mégot de la veille (je mégotte comme je roule, depuis des décennies, ce qui n’est rien, vu mon âge), mon fils me lance : "Papa, arrête de fumer".

    Prenant ça très au sérieux, j’ai arrêté ‘définitivement’, sans rien faire que ne plus fumer.

    Au bout de ces deux mois, j’ai acheté une pipe. Que j’ai cassée au bout d’un. Mais contrairement au tabac, on n’en meurt pas.

    Réponse
  2. Désolée, mais je connais plein de gens morts d’avoir cassé leur pipe… 😉

    Réponse
  3. Le jour le plus long

    Certains prétendent que l’idéal est d’arrêter de fumer pendant les vacances, loin du stress de la vie quotidienne… certes, cela peut sembler plus facile, mais il faudra bien y retourner, à la vie quotidienne, et gare à la rechute. Le meilleur

    Réponse
  4. j’aimerai temp arreter de fumer mais je n’arrive pas a tenir le coup que faire

    Réponse
    • Bonjour Lana, en effet sortir du cul de sac de la dépendance à fumer n’est pas chose facile, pourquoi ne pas se tourner vers la cigarette électronique, oui je sais que tu veux absolument en finir avec les cigarettes mais il faut que tu comprenne que c’est pas aussi facile, en premier lieu la cigarette électronique peut t’aider à simuler l’envie avant de s’en débarrasser pour de bon.

      Réponse
  5. Ne pas tenir, c’est aussi apprendre pourquoi on craque, quelles situations font replonger dans la clope. Les rechutes sont donc des étapes dans la démarche d’arrêt définitif. Ma méthode n’en est pas une : à partir de ma propre expérience, je propose à chacun de construire sa propre technique de sevrage efficace en 3 étapes, essentiellement des axes de réflexion (faut commencer par le post du bas…).

    Réponse
  6. agnes,
    j’ai l’envie d’arreter de fumer. mais je n’y arrive pas…
    je crois surtout avoir besoin d’un soutiens…
    tout le monde autour de moi fument, mis a part mon fils, et la est ma seule source de motivation…
    malgre cela, le besoin de tirer sur ma roulée est plus fort…
    le soir quand je suis seule et que je m’ennuie elle me tient compagnie…
    elle se reveille avec moi le matin quand je me leve,
    et accompagne tout mes cafés toute la journée…

    Réponse
  7. agnes,
    j’ai l’envie d’arreter de fumer. mais je n’y arrive pas…
    je crois surtout avoir besoin d’un soutiens…
    tout le monde autour de moi fument, mis a part mon fils, et la est ma seule source de motivation…
    malgre cela, le besoin de tirer sur ma roulée est plus fort…
    le soir quand je suis seule et que je m’ennuie elle me tient compagnie…
    elle se reveille avec moi le matin quand je me leve,
    et accompagne tout mes cafés toute la journée…

    Réponse
  8. On peut penser qu’un geste aussi négatif sur soi que fumer nous sert à masquer nos pertes de repères identitaires.
    Il paraît donc utile de se servir de ce geste négatif pour prendre conscience de cette perte et nous déterminer à rééquilibrer notre vie en assumant les sens de nos désirs socialement contraints.

    Réponse
  9. On peut penser qu’un geste aussi négatif sur soi que fumer nous sert à masquer nos pertes de repères identitaires.
    Il paraît donc utile de se servir de ce geste négatif pour prendre conscience de cette perte et nous déterminer à rééquilibrer notre vie en assumant les sens de nos désirs socialement contraints.

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