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10 décembre 2004

Quand j’étais gosse, j’ai été vivement et durablement impressionnée par le récit des grandes invasions barbares qui déferlèrent sur l’Europe occidentale comme des nuées de sauterelles nordiques.

Nos ancêtres semblaient alors avoir perdu les bienfaits de la civilisation romaine pour se retrouver jetés en pâture aux barbares venus du froid. Autant le joug de l’Empire romain est décrit dans les livres d’histoire comme une oeuvre civilisatrice, la naissance de notre langue, la découverte de l’hygiène (haaaa, les fameux thermes romains et leur bains de vapeur!), autant, les grands gars venus du Nord sur leurs drakkars aux grincements sinistres sont présentés comme des guerriers féroces et incultes, sauvages, dont la seule œuvre remarquable semble de nous avoir apporter la mort, la terreur et la désolation.
Wisigoths, Ostrogoths, Goths, les barbares sentent la choucroute et éructent la bière, tout en déferlant sur nos campagnes, violant les femmes, égorgeant les hommes, s’appropriant nos récoltes et vidant nos barriques de vin. Et le pire d’entre eux, c’était Attila, le Hun, car là où il passait, l’herbe ne repoussait pas… c’est dire si c’était un sale type quand même!
En gros, l’impression que tout cela me donnait, c’est que des géants venus du froid, méchants et cons comme des balais, nous avaient éloignés des lumières de la civilisation gréco-romaine pour nous plonger dans les ténèbres du Moyen Âge obscurantiste[1].

Depuis, j’ai lu Claude Levi-Strauss et appris les bienfaits du relativisme culturel contre l’illusion ethnocentrique[2].
J’ai aussi appris que l’histoire est écrite par les vainqueurs et donc que tout récit historique est relatif à la société qui le produit. Ainsi, les Romains n’étaient tout de même que de vils envahisseurs impérialistes, à la recherche de nouvelles ressources et de nouveaux territoires, et que le fait qu’ils soient parvenus à nous acculturer[3] nous a coupés définitivement de notre propre histoire pré-romaine.
De la même manière, j’ai appris depuis qu’en fait, ce sont les Vikkings qui les premiers ont découvert l’Amérique, lors du grand voyage d’Erik le Rouge… voilà qui nous plonge dans le relativisme historique!

On peut alors commencer à douter de tout, y compris des soit-disants bienfaits de notre propre civilisation. Et si nous étions réellement les nouveaux barbares? Peut-être que dans 200, 500 ou 1000 ans, un petit écolier d’Afrique ou d’Amérique du Sud frémira d’horreur au grand récit des invasions barbares…

En ce temps-là, les barbares venus d’Europa et d’Amériqua s’emparèrent de notre continent et commencèrent son pillage systématique. Ils enlevèrent les bâtisseurs de civilisation, nos hommes jeunes et les emportèrent dans leur monde froid et minéral, leur monde technologique et puant et ils les forcèrent à construire leurs cités, aux immeubles démesurés.
Ils arrivèrent avec leurs idoles de papier, et les plus faibles d’entre nous adorèrent le Dieu Argent et commirent des atrocités en son nom. Ils rasèrent nos forêts pour se fabriquer des meubles de jardin, ils tuèrent nos animaux pour parer leurs femelles, ils éventrèrent notre terre nourricière pour en extraire des métaux mortifères, ils assèchèrent nos rivières pour irriguer les cultures qui permettaient de nourrir leurs animaux.
Puis ils nous expliquèrent que nous ne devions rien faire de tout ça, car cela polluait la planète, et qu’eux seuls avaient ce privilège.
Ils commencèrent à mourir de trop manger, pendant que nos enfants mourraient de faim. Ils commencèrent à mourir de leur technologie et blasphémèrent la création de notre vrai Dieu : ils mirent les principes des animaux dans les principes des plantes, ils forcèrent leurs vaches à manger d’autres vaches, ils empoisonnèrent leur air, leur eau, leur terre, puis nos propres ressources… partout sur la planète, leur règne répendit le malheur et la désolation, jusqu’à ce que leur propre folie les détruisit… manquant tous nous emporter dans leur sillage!

Comme le disait un petit postier Suisse : Tout est relatif!

Notes

[1] Pour en finir avec le Moyen Âge, petit bouquin qui tord le cou à des décennies de manuels scolaires sur cette période de notre histoire!

[2] Race et histoire : ce petit bouquin même pas cher, même pas long et même pas difficile permet de comprendre qu’il n’existe pas une seule manière d’être une culture, un seul mode de développement et que la hièrarchisation des civilisations est quand même une grosse connerie de nombrilistes occidentaux

[3] Acculturation : en bref, processus pendant lequel la culture "dominante" prend le pas sur la culture dominée

4 Commentaires

  1. Excellent tout en étant sinistre pour notre époque !

    Comment douter que si nous nous en sortons collectivement que nous éviterons, dans le futur, de passer pour de sombres brutes ? C’est fatal vu les dégâts, tant écologiques qu’humains dont nous sommes coupables.

    Seule frustration, c’est que nous ne sommes pas tous coupables à la même hauteur… Mais ces descendants lointains ne pourrons faire la différence, sauf, s’ils sauront encore faire du "relativisme historique"…..

    Réponse
  2. pfffffffffffffffffffffffffffffff

    Réponse
  3. Quoi, pfffffffffffffffffffffffffffffff???

    Réponse
  4. Je me suis laissé dire (par un ami allemand) qu’en Allemagne le concept de « Grandes invasions » n’existe pas et les écoliers apprennent à l’école les « migrations des peuples d’Asie et d’Europe Orientale ». Une telle différence de perception de l’histoire entre deux pays juste séparés par un fleuve, et une mythique frontière vieille de 2000 ans (dans, ou hors de l’Empire Romain ?) me laisse rêveur.

    Mais la France et l’Allemagne se retrouvent aujourd’hui bien dans le même camp, celui des pilleurs de ressources naturelles, affameurs, génocidaires à l’occasion…

    Réponse

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